C’est le dernier épisode d’un mariage qui aura traversé tous les états. Renault et Nissan ont confirmé lundi 30 janvier la refonte imminente de leur alliance, amorcée en 1999. Au cœur de ce changement se trouve une revendication de longue date du constructeur automobile japonais, avec la réduction de la participation de son partenaire français à son capital. Celle-ci passe désormais de 43,4 % à 15 %, c’est-à-dire la même que celle de Nissan chez Renault.
Cet accord met fin à de longues années de rancœur de Nissan, qui estimait injuste cette influence non réciproque de Renault dans son organisation interne. Et ce, encore plus depuis le spectaculaire redressement du constructeur japonais, au bord de la faillite lors de l’arrivée de Renault en 1999. L’arrestation à Tokyo en 2018 de Carlos Ghosn, PDG des deux marques, accusé de malversations financières, avait conduit à une paralysie de « l’Alliance ».
La fin de longues négociations
L’accord présenté lundi 30 janvier vient finalement mettre un terme à plusieurs mois de longues négociations sur la suite à donner à ce partenariat. « L’ambition est de renforcer les liens de l’Alliance et de maximiser la création de valeur pour l’ensemble des parties prenantes » se sont félicités les deux constructeurs dans un communiqué commun.
Une grille de lecture plutôt optimiste pour le futur, partagée par certains : « Les annonces concrètes concernant les potentiels projets futurs entre les deux partenaires (trois en incluant Mitsubishi) vont leur permettre de générer des synergies supplémentaires (…), de limiter les besoins d’investissements et de rassurer davantage au sujet de l’avenir de l’alliance », estiment ainsi les experts d’Oddo BHF, dans une note publiée lundi 30 janvier.
Pour autant, cet accord fait voir à d’autres un signal clair du recul du partenariat entre Renault et Nissan. « L’obsession de Luca de Meo depuis qu’il est devenu directeur général de Renault en juillet 2020 a surtout été de redresser la marque française, quitte à délaisser l’Alliance, explique Bernard Jullien, du centre de recherche Gerpisa. On en a finalement la confirmation. Les deux partenaires actent le fait qu’il n’y avait plus trop de synergie entre eux. Et que chacun va faire des choses de son côté. »
Le projet Ampère, au cœur du futur de Renault
Cette refonte de l’alliance Renault-Nissan intervient en effet à une période de réorganisation interne pour la marque au losange. La « Renaulution » présentée en novembre 2020, prévoit notamment une séparation nette des différentes activités du groupe Renault, avec la création de deux nouvelles filiales : Power, dédiée aux moteurs thermiques, et Ampere, consacrée à l’électrique.
C’est cette dernière qui est notamment au cœur du projet de Renault pour les années à venir. L’objectif, ambitieux, est de valoriser Ampere environ 10 milliards d’euros en Bourse, soit la valorisation actuelle du groupe Renault entier. Pour dégager des financements, Renault n’a pas hésité à céder 50 % des activités thermiques historiques, désormais la filiale Power, au constructeur chinois Geely, propriétaire de Volvo.
Nissan « actionnaire stratégique » d’Ampere
Mais c’est surtout la participation de Nissan qui se faisait davantage attendre. La refonte des accords de l’Alliance engage le constructeur japonais comme « actionnaire stratégique » d’Ampere, avec une participation qui devrait s’établir autour de 15 % du capital de la filiale de Renault.
Mais cela ne devrait pas l’engager outre mesure, et pourrait pousser le constructeur français à aller voir ailleurs : « Si Nissan avance beaucoup dans la recherche stratégique sur l’électrique, il y a peu de chance que cela débouche chez Ampère et que Renault en profite, constate Bernard Jullien. La question qui va se poser dans les temps à venir, c’est si Renault va vraiment continuer de fonctionner avec Nissan – ce qui me paraît peu crédible – ou alors avec d’autres partenaires. Que Renault soit allé chercher Geely pour son projet Power témoigne de cette tentative de multiplier les projets et les alliances. »
Des partenariats plus ponctuels plutôt qu’une alliance conséquente : un éventuel tournant pour Renault, engagé aux côtés de Nissan depuis 1999. Il faudra encore attendre, quelques jours, vraisemblablement le 6 février, pour des annonces plus détaillées sur le futur de l’Alliance.