Signe de distinction sociale, de féminité ou bien d'anticonformisme... Depuis (au moins) l'Antiquité, hommes et femmes ont drapé de couleurs leurs ongles afin d'exprimer des messages. En Égypte antique, on utilise du khôl ou du henné. Puis les formulations se complexifient. De même que leurs contenants. De sorte qu'aujourd'hui, avec 10,7 millions de flacons de vernis à ongle achetés chaque année en France soit un vernis vendu toutes les deux secondes, cette pratique pose des questions environnementales.
Réduire l'impact de cette industrie, voilà le mantra de Clever Beauty, entreprise créée en 2017. Au départ, il s'agit surtout de lutter contre le gaspillage causé par la difficulté à utiliser tout le contenu des flacons, le pinceau étant souvent trop court. Et quitte à changer le contenant, autant changer la formulation, d'autant que les vernis contiennent souvent des substances nocives pour la santé et l'environnement.
Des contenants rechargeables et consignables
Accompagnée dans le cadre du dispositif d'entrepreneuriat étudiant Pepite, Maëva Bentitallah, fondatrice de l'entreprise, parvient ainsi à mettre au point un vernis composé de solvants naturels, contenu dans un flacon en verre muni d'un bouchon anti-gaspillage qui, par simple clic, permet de pousser le pinceau vers le fond et de récupérer jusqu'à 35 % de contenu supplémentaire.
La marque propose une gamme de onze vernis colorés et de trois vernis pour le soin des ongles. S'y ajoutent des produits liés à cet univers : un dissolvant et ses dissolvettes (des lingettes réutilisables), ou encore lime à ongles.
Et pour aller plus loin dans sa démarche de réduction des déchets, l'entreprise décide de 2020 de tester la pratique de la consigne pour son dissolvant, avant de l'étendre à l'ensemble de sa gamme en 2022. Les tâches de nettoyage des flacons est confiée à un Esat. Et les clients commencent à jouer le jeu. « Pour les dissolvants, on est à 10 % de retours ».
Le mascara, première vente de la marque
Une gamme qui s'est entretemps élargie à un autre univers : celui des yeux. Car « notre but est de proposer une alternative naturel au maquillage cosmétique », explique Maëva, Bentitallah . Etape par étape.
C'est ainsi que, grâce à 153.000 euros levés auprès de Femmes Business Angels et d' « aventuriers » peu coutumiers de ce type d'investissements, l'entreprise parvient à concevoir et mettre en vente son premier mascara. Composé notamment d'huile de ricin, d'un coproduit de café, et de cire de candelilla, il est proposé dans un flacon en verre rechargeable. Une première sur le marché du mascara, alors qu'une « femme jette en moyenne 200 brosses dans sa vie ».
Rapidement, le produit, d'abord proposé au travers d'une campagne de prévente, s'est hissé à la place de première vente de la marque. Et pour compléter l'offre autour du regard, Clever Beauty a, dans la foulé, proposé un crayon, « à base de bois issues de forêts européennes durables et d'huile de coco, ce qui en fait un crayon très confortable à porter et à appliquer, avec une très bonne tenue », assure la dirigeante.
Une croissance de 11 % en 2022, portée par le BtoB
Une diversification qui a porté ses fruits. Malgré un ralentissement de la vente en ligne, une inflation qui a tendance à réduire le panier moyen de ses clients, l'entreprise a bénéficié d'une plus grand dynamisme chez ses distributeurs, qui représentent 70 % de ses ventes. « Après deux années de covid-19, on note un retour des clients dans les magasins physiques, surtout dans les cosmétiques où l'on a besoin de sentir, de voir les produits ». Résultat : un chiffre d'affaire de 162.000 euros en 2022, soit une hausse de 11 % par rapport à l'année précédente. « Et on espère le doubler en 2023 ».
Ce, grâce au lancement prochain d'un rouge à lèvre - lui aussi rechargeable et composé d'ingrédients naturels et vegans - attendu de longue date par sa clientèle. « On voulait le sortir après les vernis mais le covid-19 a bousculé nos plans », l'usage généralisé des masques rendant peu pertinent ce type d'offre.
Une campagne de financement participatif devrait annoncer son lancement en juin. Et l'entreprise se prépare à une nouvelle levée de fonds, toujours auprès de Femmes Business angels et d' « aventuriers ». Levée qui devrait par ailleurs accompagner son déploiement à l'international. « L'export représente 20 % de notre chiffre d'affaire. Un partenaire a commencé à distribuer nos produits en Belgique en milieu d'année dernière. Nous sommes à la recherche de partenaires en Suisse. Et l'Europe de l'Est aussi peut être intéressante ».