OBSERVATOIRE DU SPORT BUSINESS - Takam, Oubaali, deux gabarits, deux générations mais une même mission : la boxe, la noble, en héritage à un moment où beaucoup d'experts du sport & des medias se tournent de plus en plus vers une consommation et une promotion du spectacle et du business incarné par l'UFC.
Souad Soulimani est membre de L'Observatoire du Sport Business depuis 2016. Fondatrice de MediaSpoliS spécialisée dans l'éducation aux médias et la production de contenus dédiés au leadership féminin, elle est également présidente de Radio Déclic qui donne la parole aux habitants des quartiers populaires sur des sujets sociétaux majeurs.
Samedi 11 mars, Carlos Takam est venu reconquérir Paris en s'imposant face au médaillé olympique Tony Yoka qui a subi la puissance et l'expérience d'un athlète qu'il connaît si bien. Dans la même semaine, Nordine Oubaali, multiple champion du monde WBC confiait son envie de revenir sur le ring. Takam, Oubaali, deux gabarits, deux générations mais une même mission : la boxe, la noble, en héritage à un moment où beaucoup d'experts du sport & des medias se tournent de plus en plus vers une consommation et une promotion du spectacle et du business incarné par l'UFC.
Alors que l'UFC poursuit sa route et sa conquête du monde, le face à face entre le Français Ciryil Gane et la star de l'organisation Jon Jones pour un UFC 285 a engrangé près de 12,15 millions de dollars de billetterie dans une salle de 20.000 places à Las Vegas. La semaine suivante, le combat Takam – Yoka se tenait dans le Zénith de 6.400 places pour générer 20 fois moins en billetterie. Lorsqu'on retrouve Carlos Takam ; il est serein comme à son habitude. Il n'a pas le sens du devoir accompli mais plutôt celui de l'athlète qui s'est entraîné pour performer, pour gagner sans rien laisser au hasard. Takam, c'est celui qui a pris tous les combats et relever tous les défis, il n'est pas venu à Paris en outsider mais bien en tête d'affiche comme il le confia lors de la conférence de presse d'avant combat.
Depuis le 11 mars et sa victoire, on le reconnaît encore plus dans les rues parisiennes. Oui les sollicitations médias sont de plus en plus nombreuses et oui, c'est le boxeur numéro 1 aujourd'hui en France dans une catégorie de poids légendaire qui souvent attisent les passions. « J'ai abordé le combat en étant confiant et serein par ce que j'avais fait une bonne préparation, j'ai eu le temps et surtout je ne voulais rien laisser au hasard avec une stratégie très offensive dès le début du combat. Je savais pourquoi j'étais sur le ring et j'ai travaillé dur pour être prêt le jour J » nous confiera le franco-camerounais qui vit désormais aux Etats-Unis où il nous explique qu'il s'y sent bien pour ses préparations car tout est fait pour que l'athlète soit pleinement prêt et à l'aise avec des entraînements très professionnels et une récupération adaptée.
Une fois le décor planté, on revient sur l'exploit du Zénith mais avec sa simplicité et humilité légendaires, Carlos Takam nous dit combien il respecte Tony Yoka et combien il est important de le laisser faire son chemin : « les critiques sont toujours faciles mais Tony ne manque pas de talent. Après il faut aussi une équipe, une discipline et un cadre qui permettent qu'on soit pleinement concentré sur l'objectif. Tout cela s'apprend avec le temps. La Boxe est un sport dur et à la moindre approximation, on le paie cash ».
Et on parle cash avec celui qui a gardé une grande partie de son cœur dévouée à l'Afrique. L'UFC, les primes exorbitantes des combattants et le sport business qui accompagnent les nouveaux events à l'image d'un Tommy Fury vs Jake Paul qui empocheront respectivement 4 et 8 millions de dollars en ayant passé 10 fois moins de temps sur le ring le laissent perplexe. Son souhait, c'est de boxer par passion et par goût du challenge, pas de devenir un people ou un influenceur. Carlos nous explique vouloir rester lui-même et recevoir énormément de sollicitations ces derniers jours : « J'ai plein de demandes de partout, beaucoup de messages aussi de félicitations pour mon combat et énormément de soutiens de personnalités et d'anonymes. Je les remercie mais mon truc à moi, c'est le sport et aussi la transmission. Je veux continuer à aider ceux dans le besoin, notamment les jeunes générations. Le parcours a été difficile mais je me suis toujours accroché et je n'aime pas me plaindre. Aujourd'hui, si je peux contribuer à faire que l'Afrique, mes racines et tous ceux qui rêvent en nous regardant boxer puissent croire en eux et avancer, alors c'est un honneur ».
On évoque avec lui les primes de l'UFC, l'organisation qui ambitionne de séduire et fidéliser toujours plus le public des sports de combat et notamment les passionnés du noble art, celle qui affiche des primes colossales pour ses athlètes. En effet, Dana White, le patron de l'organisation n'hésites pas après chaque évènement à donner les chiffres, à chaque fois des records battus. Pour Ciryl Gane face à Jon Jones, c'est une prime de plus de 7 millions de dollars pour le prodige américain contre 1,25 millions de dollars pour « Bon Gamin ». Mais ces chiffres-là ne font pas tourner la tête du Lion Takam comme on le surnomme. Son ambition est plus noble, son souhait, c'est de continuer à performer et surtout de retourner en Afrique pour mener des actions dans le sport et l'éducation : « Je me dois redonner à l'Afrique ce que j'ai reçu, les valeurs, l'histoire et l'amour du continent alors je m'investis dans l'éducation avec la construction d'école et le sport comme fil conducteur auprès des enfants. C'est le plus important pour moi, donner et transmettre ce que la Boxe m'a apporté sans oublier mes racines qui font l'homme et l'athlète que je suis aujourd'hui ». Quant à savoir quel sera le prochain défi sportif, Carlos ne dit pas tout. Il avoue avoir déjà reçu de nombreuses sollicitations et propositions mais prendre le temps de réfléchir et de se poser avec son équipe pour relever un prochain grand défi qui le positionnera encore un peu plus sur la scène internationale.
Retrouver la scène, les poings levés : Oubaali de retour
Ils se connaissent bien même s'il s'agit de deux générations différentes, Carlos Takam et Nordine Oubaali se sont souvent croisés et ont même eu l'occasion de partager un même camp d'entraînement à Marbella. Et justement, revenir sur scène, d'abord à la maison, au plus près de ses racines, c'est ce que souhaite faire Nordine Oubaali. Le multiple champion du monde WBC qui avait réalisé l'exploit face d'abord à Raushee Warren en 2019 a décidé de remettre les gants dès le 29 avril à Douais avec l'entraîneur de ses débuts Robert Pantigny. Lui qui a connu les rings du monde entier, des Etats-Unis, au Japon en passant par le Kazakhstan a pris le temps de la retraite mais aussi celui de la famille. Besoin de recul et de se soigner. Alors qu'il publiait un démenti sur un possible retour, il nous avoue avoir reçu énormément de messages et l'envie de goûter de nouveau à la sensation du combat chez soi, à la maison.
Désormais entraîneur au boxing club de Douai aux côtés de son petit frère Messaoud, (oui… la boxe chez les Oubaali, c'est une histoire de famille), revenir finir l'histoire le motive. Lui qui n'a jamais réellement cessé de s'entraîner a pris le temps de réparer ses tracas physiques et veut prendre du plaisir. A la question du combat de trop ou du boxeur qui ne sait pas s'arrêter, il nous répond être pleinement conscient de ses capacités et savoir qu'il n'a pas arrêté parce qu'il était en fin de carrière mais plutôt parce que les conditions dans lesquelles il a du performer à chaque fois l'ont épuisé et démotivé.
Sur la fightcard du 29 avril, ce sera également le retour de la championne du monde WBO, la Douaisienne Ségolène Lefebvre qui tentera de regagner sa ceinture mondiale. Une date à retenir, neuf ans après que Nordine Oubaali ait fait son premier combat chez les professionnels et écrit une belle page de la Boxe tricolore mondiale.