La scène se passe dans un foyer d’hébergement d’urgence. Fabrice est à son bureau, les résidents devant la télévision. Intrigué par les rires « à gorge déployée », Fabrice va voir ce qui les amuse autant. « Je voulais savoir quel film avait cette magie de toucher autant un public français, mais également des demandeurs d’asile africains et d’autres nationalités ». A l’écran, il y avait Louis de Funès dans La Folie des grandeurs.
Comme d’autres, Fabrice a répondu à notre appel pour savoir si Louis de Funès fait encore rire, quarante ans après sa mort. Et le verdict est sans appel, c’est un grand oui. Dans leur immense majorité, les lecteurs ne manquent pas de qualificatifs pour louer les talents de l’acteur : « le meilleur », « une légende », « inimitable », « inégalable », « irremplaçable ». « Il a été mon idole pendant toute ma jeunesse, et encore maintenant, alors que j’ai 59 ans », précise Pierre. A chaque fois que je vais en Bretagne, je m’arrête au Cellier (Loire-Atlantique) pour me recueillir sur sa tombe. »
« L'homme aux quarante visages par minute »
Acteur de comédie chouchou des Français depuis sa révélation auprès du grand public dans Pouic-Pouic en 1963 jusqu'à sa mort, le 27 janvier 1983, quelques mois après la sortie du Gendarme et les Gendarmettes, Louis de Funès a inventé un genre comique qui lui a valu le surnom de « l’homme aux quarante visages par minute ». Les Etats-Unis ont Charlie Chaplin, la France a Louis de Funès et le comédien fait partie de notre patrimoine.
« Je l’ai fait découvrir à mes enfants, qui à leur tour le font découvrir à leurs enfants », nous raconte Patricia. « Son comique de situation proche du cartoon permet à ses films de traverser les générations », analyse Benoît, proche de la quarantaine, qui a découvert l’acteur grâce à son père qui « enregistrait tous ses films sur VHS. On pouvait se les passer en boucle les jours de pluie ou les soirs d’ennui ».
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Et à en croire les expériences d’Isabelle, mère de deux enfants de 4 et 7 ans, d’Hervé, père d’un garçon de 9 ans, ou de Marie-Anne, dont la fille de 12 ans a découvert les films de Louis de Funès il y a deux ans, le génie comique de l'acteur fonctionne encore sur les enfants d’aujourd’hui. Ils étaient « morts de rire en regardant ses films ».
« Les acteurs jouent avec leur corps ou avec leur visage. Louis de Funès, lui, arrivait à jouer avec les deux en même temps. Il était passionné de jazz et avait cette musicalité en lui. Mais c’était aussi beaucoup de travail » , explique Nora Ferreira, directrice du musée Louis de Funès à Saint-Raphaël, qui a attiré plus de 180 000 visiteurs depuis son ouverture en 2019.
« La juste incarnation des personnages les plus injustes »
Louis de Funès, c’était un jeu d’acteur inimitable, mais également des personnages particulièrement bien campés. « Il interprétait comme personne les hypocrites ou les fourbes, faible avec les forts et fort avec les faibles. Comme quand il humilie son personnel dans Le Grand Restaurant ou flatte l'adjudant Gerber, son supérieur dans la série des Gendarmes. Lui seul pouvait rendre sympathique la méchanceté et la nervosité de ses personnages », observe Benoît. Une analyse partagée par Nora Feirrera : « Il avait la juste incarnation des personnages les plus injustes. Il s’accaparait les personnages tout puissants pour les ridiculiser. Ce ressort humoristique est intemporel. »
Preuve de l’amour indéfectible du public pour l’acteur, les rediffusions des films de Louis de Funès pendant le premier confinement de 2020 ont réuni au total 50 millions de téléspectateurs. La même année, l’exposition que lui consacrait la Cinémathèque française a attiré 80.000 personnes malgré le Covid, les confinements et les jauges.
Car Louis de Funès, c’est un peu comme un doudou, en somme. Il berce les enfances, rassure les adultes. « Cela fait bien de revoir ces anciens films, avec leur humour simple mais réfléchi », note Carbu. « Je ne me lasse pas de les regarder », ajoute Jean-Louis. Et Nora Ferreira de conclure : « C'est le propre des génies de perdurer dans le temps. »