Philibert Humm, récipiendaire heureux de l'Interallié 2022 pour Roman Fleuve donne au Figaro quelques-uns des secrets qui ont permis à ses amis et à lui de vivre l'aventure la plus palpitante de leur existence.
À l'été 2018, Samuel, François et Philibert décidèrent de descendre la Seine, de Paris jusqu'à son embouchure, sur un frêle esquif nommé tout simplement Bateau. Après moult péripéties, les trois aventuriers finirent par atteindre l'Océan Atlantique. Philibert Humm, après réflexion, décida de raconter à sa façon, cette Odyssée du XXIe siècle dans un ouvrage publié aux Équateurs et intitulé non sans malice, Roman Fleuve. La relation de ce périple a eu l'heur de plaire aux jurés de l'Interallié qui décidèrent de l'attribuer au vaillant capitaine de Bateau, le susnommé Philibert.
Aujourd'hui, l'auteur-aventurier, marin d'eau pas toujours douce, en guise de reconnaissance, peut livrer donc quelques-uns des secrets qui l'ont fait arriver à bon port sans trop se mouiller : le choix de l'embarcation, le goût de la curiosité, l'art de bien s'entourer... L'Aventure, c'est l'aventure comme dit Claude Lelouch, alors à vos pagaies.
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1. Se procurer une embarcation
La première chose à faire, quand on entreprend de descendre un fleuve à la rame est de se procurer un fleuve et des rames. Si vous n'avez pas de rames à disposition mais des pagaies, cela fonctionne aussi. Rien ne sert de se choisir une embarcation trop grande ou coûteuse car cela prend plus de place et coûte cher. Mon conseil : choisir un canot de taille adéquate. On pourra éventuellement lui adjoindre un mât et une voile au moyen d'une tringle et d'un rideau de douche. Ainsi le canot devient voilier. C'est plus sérieux.
2. S'attacher les services d'un compagnon d'aventure
Partir à l'aventure, seul, est une entreprise hasardeuse. On n'est jamais trop de deux s'il arrive un malheur. Et puis ça fait le temps moins long. Philibert Humm recommande de choisir pour compagnon d'aventure un ami car cela permet de ne pas le rémunérer. Le cas échéant, il pourra porter les sacs ou le canot tandis que vous tiendrez la carte. Et s'il se trouve que vous avez un coup de mou – cela arrive même aux plus grands – il y aura quelqu'un pour vous entendre geindre et chouiner.
3. Choisir un équipier cultivé
On peut en sus – cela est facultatif – s'attacher les services d'un autre ami doté, celui-ci, d'un bagage intellectuel. Attention cependant : les intellectuels font rarement de bons aventuriers. Ils se fatiguent pour un rien, profitent de l'expédition pour composer un herbier et vous tartinent leur savoir comme de la confiture. Pour sa dernière épopée – la descente d'un fleuve impétueux à la rame – Philibert Humm avait choisi d'enrôler un doctorant en histoire du droit. Cet homme parlait couramment le latin et déchiffrait sans peine le grec ancien. Dans le cadre de cette aventure, cela s'est avéré de la plus grande inutilité.
4. Nouer des liens fraternels avec les populations locales…
Les voyages sont aussi l'occasion d'établir un lien avec les populations indigènes. Même si les coutumes et l'accoutrement de Philibert Humm peuvent vous sembler curieux, il ne faut jamais rechigner à pratiquer le commerce des relations humaines. Ces rencontres fortuites constituent le sel de l'aventure et font de bonnes histoires à raconter au retour. Le jeune romancier se souvient d'une enrichissante rencontre, au large de Porcheville, dans le département des Yvelines. L'autochtone en question – il s'appelait Pascal – avait raconté quelques légendes de son pays. Le trio d'aventuriers en récompense de cette conférence improvisée lui a offert en retour une barre chocolatée.
5. L'art de se choisir un lieu de bivouac
Il n'est jamais aisé de choisir un lieu de bivouac. Si on se montre trop difficile on ne s'arrête jamais et, quand on l'est trop peu, on s'arrête partout... Philibert Humm se souvient d'un aventurier qui, jadis, ne rechignait pas à camper n'importe où, au sommet des montagnes ou dans les plus infâmes terrains vagues, sur les ronds-points, les plages à marée basse, les parkings de centre commercial et même une fois derrière la glissière d'une voie express. Un semi-remorque letton a eu raison de son audace et il a appris, à ses dépens, que la glissière de sécurité ne saurait constituer un abri satisfaisant pour camper. Privilégiez donc les endroits calmes et reculés, si possible desservis par les transports et équipés d'un défibrillateur.
6. Raconter son aventure et se donner le beau rôle
L'aventurier a cet avantage sur le courtier en assurance qu'il peut faire de son expérience professionnelle, un livre. Cela s'appelle un roman d'aventures. Les gens en raffolent. On peut s'y donner le beau rôle et enjoliver un peu mais attention à rester vraisemblable dans la relation des faits : les lecteurs sont moins dupes qu'on ne le croit.
*Roman Fleuve de Philibert Humm, aux Équateurs, prix interallié 2022