Sifflé par ses supporters en début de saison, Igor Tudor a bâti un OM performant et chatoyant. Et a séduit un stade Vélodrome rempli à chaque match.
«Tudor, dehors». C'est ce que réclamaient, en substance, l'ensemble des supporters marseillais avant même le premier match officiel d'Igor Tudor sur le banc de l'OM, le 7 août dernier. 90 minutes et une victoire sans appel contre Reims plus tard (4-1), le stade Vélodrome rangeait son hostilité. Annonciateur des mois à venir, car à l'aube d'un 8e de finale de Coupe de France face au PSG (mercredi, 21h10), l'OM est un respectable 2e de Ligue 1. Plus que des résultats, il savoure un jeu léché et un engouement digne de la ferveur populaire qu'il a chevillée au corps.
Avec le recul, c'est presque un exploit pour Tudor, nommé entraîneur le 4 juillet dernier, soit trois jours après le départ inattendu de Jorge Sampaoli, d'être encore en poste. Le Croate, arraché à l'Hellas Vérone en Italie, «est arrivé dans un contexte qui lui était défavorable», souligne Mourad Aerts, journaliste suiveur de l'OM depuis 2017.
L'arrivée de Tudor «vécue comme un manque d'ambition»
Sampaoli jouissait d'une cote de popularité sur le Vieux-Port : l'Argentin assumait son affiliation avec Marcelo Bielsa, qui a laissé un souvenir impérissable à Marseille. Son caractère sulfureux se mariait avec la passion autour du club, et les résultats (2e de Ligue 1, demi-finale de Ligue Europa Conférence) ont suivi.
Son départ a suscité l'incompréhension. L'arrivée de Tudor, 44 ans et un CV bien maigre dans le costume de coach, aussi. «Le public l'a vécu comme un manque d'ambition», aiguille Mourad Aerts. Le 1er août, plusieurs joueurs, dont Dimitri Payet, ont demandé à s'entretenir avec le président, Pablo Longoria. La méthode Tudor ne passait pas, en particulier auprès de Payet, chouchou du Vélodrome qui débutera la saison sur le banc. De quoi expliquer, en partie, les sifflets. «Les supporters ont toujours raison, on joue pour eux. Il n'y a pas de football sans supporters», rappelait avec élégance Igor Tudor.
Tudor a intériorisé les sifflets du Vélodrome
Le Croate était aussi ciblé à cause d'un début de mercato raté par l'OM. «On lui a un peu fait payer les erreurs de sa direction, brosse Mourad Aerts. Et comme Pablo Longoria est très populaire, on ne lui reproche pas grand-chose, donc Tudor était le coupable idéal.» Sauf que l'OM a entamé sa saison par 6 victoires en 7 matches de L1. Des sifflets ? Quels sifflets ?
«Ça peut rechanger très rapidement», rappelait, dans un éclat de rire teinté de lucidité, Tudor, pas rancunier pour un sou. «On m'a fait comprendre en interne qu'il n'était pas si touché que ça par les critiques, là où d'autres coaches dans le passé à l'OM ont pu être beaucoup plus touchés», confie Mourad Aerts.
Une affluence en nette hausse au Vélodrome
La saison se poursuit. L'OM gagne, mais surtout, l'OM joue bien. Bien mieux que sous Sampaoli, avec qui «sur le ressenti au stade, on se rapprochait plus des mauvaises équipes de Pep Guardiola que de l'OM de Bielsa», estime Mourad Aerts. «Avec Tudor, on a quelque chose de beaucoup plus dynamique, on a du marquage individuel, on a des buts, on a des grosses débauches d'énergie.» Sans avoir le charisme d'un Bielsa, Tudor offre à Marseille son meilleur football depuis le départ d'«El Loco» en 2015. Ce n'est pas un hasard si le stade Vélodrome est plein à craquer.
À la mi-saison, la Ligue de football professionnel (LFP) a partagé les chiffres de l'affluence en Ligue 1. L'OM, dont le stade est de loin le plus grand, figurait logiquement sur le trône : 62.449 spectateurs, soit une augmentation de 12% par rapport à la mi-saison 2021-22. Le taux de remplissage ? 94%, soit une augmentation de 7%. Le mot a vite circulé dans les rues de la cité phocéenne : il se passe quelque chose au Vélodrome. Contre Nice dimanche dernier (défaite 1-3), 65.234 personnes ont garni les tribunes, établissant la 3e meilleure affluence de l'histoire du club au Vélodrome.
On sentait que l'équilibre était très précaire, que la moindre petite erreur pouvait tout faire basculer du côté obscur.
Mourad Aerts, journaliste pour So Foot et FC Marseille, sur le lien entre Igor Tudor et le public du Vélodrome.
L'OM a démarré sa saison en trombe avant un avis de tempête : trois défaites de suite en octobre et l'élimination de la Ligue des champions, et même de toutes compétitions européennes, le 1er novembre. Une période frappée «de nouveaux sifflets contre Tudor», se souvient Mourad Aerts. «On sentait que l'équilibre était très précaire, que la moindre petite erreur pouvait tout faire basculer du côté obscur.»
Une victoire sur le rival lyonnais le 6 novembre (1-0), avant la Coupe du monde, a apaisé les cœurs. Derrière, les joueurs de Tudor ont croqué 2023 à pleines dents (8 victoires de suite entre la L1 et la Coupe de France), avec une démonstration face à Toulouse le 29 décembre (6-1).
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De quoi s'acheter un crédit consommé sur les deux derniers matches au Vélodrome. Monaco y a secoué l'OM et amplement mérité le point du nul le 28 janvier (1-1) avant que Nice ne confirme les difficultés olympiennes à domicile lors des grands rendez-vous, le 5 février (1-3).
À l'heure de recevoir le PSG dans un match couperet, l'enthousiasme olympien est redescendu d'un cran. «Il n'y a rien à penser ou à guérir, a toutefois jugé Tudor en conférence de presse mardi. Honnêtement l'équipe est en forme, j'aime vraiment comment l'équipe joue, comment elle court, comment elle crée.» La mission de Tudor ? Mettre un terme à une série de 9 matches sans victoire à domicile face au rival de la capitale. S'il y arrive, c'est sûr, les supporters l'auront adopté, au moins, jusqu'à la fin de la saison.