« On peut rendre hommage à Corinne Diacre qui a obtenu de très bons résultats. Mais c’est une page qui se tourne, il faut qu’elle soit la plus positive possible. » Nommé jeudi au poste de sélectionneur de l’équipe de France féminine, Hervé Renard a tenu ce vendredi 31 mars sa première conférence de presse au siège de la Fédération française de football et son objectif est clair : solder le passé et écrire l’avenir en lettres d’or, si possible. Choisi par la FFF après le limogeage de Corinne Diacre, le 9 mars, celui qui dirigeait encore l’équipe d’Arabie saoudite en début de semaine a dévoilé sa première liste de 26 joueuses convoquées pour affronter la Colombie et le Canada en amical, les 7 et 11 avril, à Clermont-Ferrand et au Mans.
A moins de quatre mois de la Coupe du monde en Australie et Nouvelle-Zélande (20 juillet - 20 août), le nouveau patron des Bleues devra ramener le calme et la sérénité au sein d’un groupe fragilisé par la fronde de plusieurs cadres (Wendie Renard, Kadidiatou Diani et Marie-Antoinette Katoto), qui se sont mises en retrait de la sélection, fin février, pour protester contre le management de Corinne Diacre, aboutissant à son renvoi. Double vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations avec la Zambie (2012) puis la Côte d’Ivoire (2015), le natif d’Aix-les-Bains a été choisi par une commission composée de quatre membres du Comité exécutif, qui ont auditionné plusieurs candidats pour mener à bien le processus de recrutement. Après les refus de Thierry Henry et de Jocelyn Gourvennec, le Savoyard était devenu la priorité de la FFF.
Afin de l’introniser et aussi pour justifier le choix d’Hervé Renard (54 ans), ce dernier était accompagné du président par intérim, Philippe Diallo, et des membres de la commission de recrutement, dont Jean-Michel Aulas, membre influent du Comex. « Il a l’expérience du haut niveau, c’est un sélectionneur à succès » s’est targué Philippé Diallo, vantant son « charisme et le leadership nécessaire pour gravir une marche supplémentaire pour décrocher des titres. » Pour Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique lyonnais, « c’est une telle opportunité que l’on a été surpris et heureux que cela puisse se concrétiser. On n’osait pas y croire et c’est la meilleure des manières pour faire en sorte que tous les regards soient portés à nouveau sur cette équipe de France féminine qui a beaucoup souffert dernièrement. » L’arrivée d’Hervé Renard, qui a signé un contrat jusqu’en août 2024, a semble-t-il été validée en accord avec les joueuses cadres de l’équipe de France, a indiqué Jean-Michel Aulas. « J’y avais pensé (à la nomination d’Hervé Renard - NDLR) parce que j’avais discuté avec un certain nombre de joueuses de Paris et de Lyon, a-t-il précisé. Il y a eu une convergence. »
Sans aucune expérience dans le football féminin, celui qui a aussi entraîné l’Angola ou le Maroc, va travailler avec plusieurs spécialistes, comme Eric Blahic, l’ancien adjoint de Corinne Diacre, très apprécié des joueuses, et l’entraîneur des gardiennes Gilles Fouache, maintenu à son poste. De son côté, Hervé Renard arrive avec ses deux fidèles lieutenants, Laurent Bonadéi et David Ducci, qui l’accompagnaient déjà en Arabie saoudite depuis 2019.
Questionné sur les raisons de sa venue, le coach a mis en avant son intérêt pour le ballon rond féminin depuis plusieurs années et son tempérament de compétiteur. « J’ai un regard sur le foot féminin depuis 2014. Je me suis toujours dit qu’un jour, pourquoi ne pas participer à une grande compétition avec l’équipe de France féminine. Cela a surpris même dans mon entourage proche, a expliqué l’entraîneur à l’éternelle chemise blanche, cette fois tout de noir vêtu. C’est une question de challenge, rien ne remplace les grandes compétitions dans notre métier. On est servi car il y a cette Coupe du monde dans quelques semaines, puis les JO dans notre pays, il n’y a pas meilleure explication que celle-ci pour comprendre mon choix. » Quant aux objectifs, « ils sont assez clairs, a-t-il ajouté, il faut, dans les deux compétitions, au minimum rejoindre le dernier carré. »
Sélectionneur dans l’âme plutôt qu’entraîneur de clubs, comme en témoigne ses deux expériences ratées à Sochaux en 2013-2014 (relégation en Ligue 2) et Lille en 2015 (remercié au bout de six mois après seulement 3 victoires), le « sorcier blond » est connu pour son charisme et ses discours musclés dans le vestiaire pour remotiver ses troupes. Face à l’Argentine de Lionel Messi, en novembre, les Saoudiens, menés 1-0 à la mi-temps de leur premier match du Mondial 2022, s’étaient ainsi fait secouer avant finalement de reverser la situation et de l’emporter 2-1 à la surprise générale. « J’ai eu des hauts, des bas, je suis mon chemin, je suis parti de tout en bas, a indiqué le technicien. Partout où je passe, j’essaie de donner la meilleure image car je suis quelqu’un comme ça. On m’aime ou on ne m’aime pas. »
Pour choisir les 26 joueuses, celui qui a commencé sa carrière d’entraîneur au SC Draguignan (division d’honneur) en 1999 a « décortiqué beaucoup de matchs » cette semaine, s’est « penché sur tous les cas individuels » et a pioché dans une pré-liste établie par la FFF, dans laquelle figuraient les frondeuses. Pour partir sur des bases solides, Hervé Renard a indiqué qu’il comptait bien sur ces dernières. « Ce qui s’est passé avant, je n’étais pas là, ça ne me regarde pas, je me focalise sur le présent, le futur », a expliqué le nouveau sélectionneur.
Sans surprise, la capitaine de l’équipe de France, Wendie Renard (142 sélections), première joueuse à se mettre en retrait, a donc été rappelée. Sans sa fracture de la clavicule de l’épaule droite, subie jeudi en Ligue des champions, l’attaquante du PSG Kadidiatou Diani aurait également été convoquée. Idem pour sa coéquipière, Marie-Antoinette Katoto, gravement blessée à un genou à l’Euro 2022, et engagée dans une course contre la montre pour disputer le Mondial, cet été.
Ecartée de l’équipe de France depuis avril 2021 par Corinne Diacre, Eugénie Le Sommer, meilleure buteuse de l’histoire des Bleues (175 sélections, 86 buts) fait également son retour dans la liste. « Quand on gagne huit Ligues des champions en club, c’est qu’on joue au plus haut niveau, a insisté l’ancien défenseur . Il y a beaucoup de concurrence à Lyon, notamment au poste d’avant-centre. Mais elle est capable d’évoluer dans d’autres registres, de se substituer en étant un joker de luxe. Je pense et je lui ai dit qu’on avait réellement besoin de son expérience et de son intelligence. Ça a été un plaisir de discuter avec elle, j’ai hâte de la rencontrer. Comme on dit : Welcome back ! » La Lyonnaise Amel Majri (66 sélections) effectue aussi son retour, une première depuis septembre 2021, après une grave blessure à un genou et un congé maternité. Sa coéquipière, Amandine Henry (33 ans), autre bannie de l’ère Diacre, mais en convalescence, aurait dû également être convoquée mais « elle fait partie des joueuses pré-sélectionnables. » « J’ai appelé les blessées car ça me parait important de leur faire savoir que je les considère », a précisé Hervé Renard.
En revanche, la milieu parisienne Kheira Hamraoui, en froid notamment avec Marie-Antoinette Katoto et Kadidiatou Diani, n’a pas été retenue. Le sélectionneur a évoqué « un choix avant tout sportif. Quand on forme un groupe, il y a plein d’éléments qui rentrent en compte. Il faut affiner ses choix et donner une liste, elle est sans Kheira aujourd’hui. » Idem pour les Montpelliéraines Marion Torrent et Charlotte Bilbault, réputées pour leur fidélité à Corinne Diacre, qui font également les frais de ce changement d’ère.
Les joueuses ont désormais rendez-vous lundi 3 avril dans la matinée à Clairefontaine pour rencontrer Hervé Renard et son staff. Après ces deux rencontres amicales, qu’elles seraient bien inspirées de gagner et avec la manière, les Bleues disputeront leurs deux derniers matchs de préparation, juste quelques jours avant le Mondial, contre l’Irlande et l’Australie, les 6 et 14 juillet.