En Finlande, où la forêt boréale de conifères s'étend à perte de vue, le sol podzolique est si acide qu’il détruit rapidement les traces du passé, même si de nombreux sites préhistoriques subsistent encore dans la région d'Outokumpu, à l'est du pays. L'un d’entre eux, découvert en 1992, est une sépulture mésolithique fouillée en 2018 par des archéologues de l'université d'Helsinki. Si la tombe était clairement identifiable grâce à la trace laissée dans le sol par l'ocre rouge — caractéristique des inhumations de cette période faisant lien entre la fin du paléolithique et le néolithique —, l'espoir était bien mince d'y trouver des restes de matières organiques. Pourtant, en recourant à de nouvelles méthodes, les archéologues ont réussi la gageure de détecter des microfragments qui leur ont permis de reconstituer une partie de cette tombe, et de découvrir qu’elle abritait un enfant soigneusement déposé sur un duvet de plumes. En démontrant qu’il est possible de déceler dans le sol d’infimes éléments ayant résisté, par-delà les siècles, aux conditions même les plus difficiles, leur étude, publiée dans PLoS One, constitue un nouvel espoir pour l’archéologie.
Il y a 8000 ans, un enfant a été inhumé sur un duvet de plumes dans la forêt finlandaise
C’est l’ocre rouge dont on ornait les défunts qui a révélé la présence de la tombe de Majoonsuo sous un sentier de sable gravillonné, au beau milieu d’une forêt de l’est de la Finlande. Le site funéraire déjà endommagé et menaçant d’être détruit, l’Agence finlandaise du patrimoine a décidé de le fouiller en 2018. Sur place, les archéologues dirigés par Tuija Kirkinen et Kristiina Mannermaa de l’université d’Helsinki ont d’abord retrouvé sept fragments de dents humaines — qui leur ont permis de déterminer que cette sépulture était celle d’un enfant âgé de 3 à 10 ans —, ainsi que des pointes de flèches en quartz qui leur ont servi à dater le site. La forme de ces pointes de flèches et le niveau du rivage du lac voisin indiquent ainsi que la sépulture de Majoonsuo remonte à 6000 ans avant notre ère.
En haut, les pointes de flèches en quartz. En bas, les émaux de dents, recouverts d’une couche d’ocre rouge. © Ilari Järvinen / Agence du patrimoine finlandais, collections archéologiques et Kristiina Mannermaa
En Finlande, où la forêt boréale de conifères s'étend à perte de vue, le sol podzolique est si acide qu’il détruit rapidement les traces du passé, même si de nombreux sites préhistoriques subsistent encore dans la région d'Outokumpu, à l'est du pays. L'un d’entre eux, découvert en 1992, est une sépulture mésolithique fouillée en 2018 par des archéologues de l'université d'Helsinki. Si la tombe était clairement identifiable grâce à la trace laissée dans le sol par l'ocre rouge — caractéristique des inhumations de cette période faisant lien entre la fin du paléolithique et le néolithique —, l'espoir était bien mince d'y trouver des restes de matières organiques. Pourtant, en recourant à de nouvelles méthodes, les archéologues ont réussi la gageure de détecter des microfragments qui leur ont permis de reconstituer une partie de cette tombe, et de découvrir qu’elle abritait un enfant soigneusement déposé sur un duvet de plumes. En démontrant qu’il est possible de déceler dans le sol d’infimes éléments ayant résisté, par-delà les siècles, aux conditions même les plus difficiles, leur étude, publiée dans PLoS One, constitue un nouvel espoir pour l’archéologie.
Il y a 8000 ans, un enfant a été inhumé sur un duvet de plumes dans la forêt finlandaise
C’est l’ocre rouge dont on ornait les défunts qui a révélé la présence de la tombe de Majoonsuo sous un sentier de sable gravillonné, au beau milieu d’une forêt de l’est de la Finlande. Le site funéraire déjà endommagé et menaçant d’être détruit, l’Agence finlandaise du patrimoine a décidé de le fouiller en 2018. Sur place, les archéologues dirigés par Tuija Kirkinen et Kristiina Mannermaa de l’université d’Helsinki ont d’abord retrouvé sept fragments de dents humaines — qui leur ont permis de déterminer que cette sépulture était celle d’un enfant âgé de 3 à 10 ans —, ainsi que des pointes de flèches en quartz qui leur ont servi à dater le site. La forme de ces pointes de flèches et le niveau du rivage du lac voisin indiquent ainsi que la sépulture de Majoonsuo remonte à 6000 ans avant notre ère.
En haut, les pointes de flèches en quartz. En bas, les émaux de dents, recouverts d’une couche d’ocre rouge. © Ilari Järvinen / Agence du patrimoine finlandais, collections archéologiques et Kristiina Mannermaa
La tombe était garnie de duvet
Ne pouvant se contenter de si peu, les archéologues ont également prélevé 65 sacs contenant des échantillons du sol de la sépulture, avant de le tamiser avec de l’eau en laboratoire. Cette méthode a permis de repérer des microparticules de fibres, de poils et de plumes qui ont ensuite été examinées à l’aide d’un microscope à lumière transmise et d’un microscope électronique. Mesurant entre 0,2 et 1,4 mm, les minuscules fragments de plumes d’oiseaux mis au jour proviennent pour la plupart du duvet d’un oiseau aquatique de la famille des ansériformes (qui comprend les canards, les oies et les cygnes). Les chercheuses supposent ainsi que l’enfant était directement couché sur un lit de duvet ou bien qu’il portait un vêtement fait de duvet. Ce qui signifie que le corps "était isolé du sédiment environnant", nous précise Tuija Kirkinen, alors que la sépulture a directement été creusée dans le sol.
Une fourrure de chien ou de loup était placée sur la tombe
Les poils de mammifères n’ont pas tous pu être attribués en raison de leur mauvais état de conservation, mais certains, retrouvés au niveau des pieds du défunt, appartenaient à un canidé. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer leur présence, selon Tuija Kirkinen : "Il est possible que les poils de canidés trouvés dans la tombe proviennent d'un chien enterré avec le défunt. Il existe des exemples dans d'autres cimetières, par exemple à Skateholm, dans l'extrême sud de la Suède, où des chiens ont été enterrés avec des humains. Mais ce n'est qu'une possibilité : des vêtements confectionnés à partir de poils de canidés ou simplement une fourrure de chien ou de loup placée dans la tombe sont également des interprétations possibles." C'est cette dernière option que privilégie la chercheuse, en particulier parce qu'aucun fragment d'émail de canidé n'a été décelé.
Vus au microscope : un poil de canidé (A et peut-être C), une plume d’oiseau aquatique (E) et une fibre libérienne (F). © Tuija Kirkinen
D'exceptionnelles fibres végétales
Des fibres végétales, et plus particulièrement des fibres libériennes, extraites de l'écorce interne (liber), se trouvaient également dans la tombe. Elles proviennent de saules ou d’orties, et auraient pu appartenir à un filet de pêche, une corde pour nouer un vêtement ou bien une pelote de ficelles, selon les chercheuses. À ce mobilier funéraire, il faut peut-être ajouter la présence d'un "contenant souple", envisage Tuija Kirkinen, à savoir "de l'écorce de bouleau qui aurait été utilisée pour couvrir l'enfant". La marque intense laissée par l'ocre rouge vient renforcer cette idée, car l'utilisation de l'hématite était souvent liée à des contenants souples.
On distingue nettement l’ocre rouge dans le sol de la forêt. © Kristiina Mannermaa
Le podzol est un sol particulièrement destructeur
L'ocre rouge riche en fer aurait peut-être également contribué à la préservation d’une partie des éléments organiques dans ce sol finlandais sablonneux, particulièrement acide et destructeur, dénommé podzol. Les chercheuses notent en effet que les dents, les pointes de flèches et les poils d’animaux ont été découverts dans la zone de la tombe où se concentrait l’hématite. L’abondance d’ocre aurait ainsi pu contribuer à bloquer les attaques bactériennes qui décomposent généralement les matériaux cellulosiques, comme les fibres libériennes. En revanche, en milieu acide, les fibres de kératine (poils et plumes) sont plutôt préservées, et la tombe de Majoonsuo montre que ce processus s'est poursuivi pendant plusieurs siècles.
Une nouvelle méthode pour l’archéologie
À Majoonsuo, les archéologues de l'université d'Helsinki ont mis au jour les plus anciennes fibres végétales jamais retrouvées en Finlande, ainsi que les premiers poils d’animaux liés à un site funéraire mésolithique. C’est pourquoi elles recommandent d’échantillonner le sol dans toutes les fouilles de sépultures, car il est possible d'y retrouver des matériaux organiques. Tuija Kirkinen est déjà en train d'appliquer cette méthode sur des échantillons des cimetières de Skateholm, dans lesquels elle a "détecté une grande variété de microfossiles", nous confie-t-elle. De nouvelles découvertes en archéologie sont donc à prévoir au nord de l'Europe, peut-être aussi touchantes que celle de cet enfant, qui a été enterré avec grand soin et dans une extrême douceur.