Un accord est-il possible entre la droite et le gouvernement sur l’immigration ? « Chiche, travaillons ensemble ! », a en tout cas lancé, à destination des Républicains, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin dans un entretien au Parisien samedi 27 mai, une semaine après que les trois ténors des Républicains Éric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix ont dévoilé dans le Journal du dimanche le contenu des deux textes de loi qu’ils entendent déposer. Mais, a-t-il aussitôt nuancé, « il n’y aura pas d’accord à n’importe quel prix. Chacun doit faire un pas ».
Gérald Darmanin fait la distinction entre le projet de LR de changer la Constitution, qu’il ne trouve ni efficace ni souhaitable, et la proposition de loi immigration du parti de droite, qui comprend plusieurs mesures sur lesquelles il veut bien discuter.
Un titre métiers en tension durci
En particulier, a précisé le ministère de l’intérieur, le ministre est prêt à durcir l’article créant un titre de séjour pour régulariser les sans-papiers travaillant déjà dans les métiers en tension (restauration, bâtiment, hôtellerie…), principal point de friction avec LR. Le projet de loi du gouvernement fixe déjà plusieurs conditions à cette régularisation : être depuis trois ans sur le territoire français ; travailler déjà depuis 18 mois dans ces métiers en tension et disposer d’une promesse d’embauche ; ne pas faire venir sa famille. Mais, indique le ministère, « si LR souhaite qu’on porte à cinq voire sept ans la condition de résidence, pourquoi pas ? ».
La proposition centriste de fixer un revenu minimum de 1,5 smic, pour éviter une prime aux bas salaires, retient aussi l’intérêt du gouvernement, tout comme celle d’exiger que l’employeur s’engager à embaucher la personne en CDI.
Toutefois, à ce stade, le gouvernement n’entend pas renoncer à cette mesure, dont le retrait est pourtant jugé non négociable par LR. « Chacun constate qu’il y a des tas de gens ni régularisables ni expulsables » et que certaines entreprises « ne pourraient pas fonctionner sans eux ».
« C’est une mesure de bon sens, pas une régularisation massive, avec Olivier Dussopt (NDLR : le ministre du travail) on avait chiffré à quelques milliers par an » le nombre de personnes concernées, soit bien moins que la circulaire Valls, qui permet 30 000 régularisations par an dont la moitié pour des raisons économiques – le ministère de l’intérieur n’a pas précisé si cette circulaire Valls serait également revue.
Aide au développement contre laissez-passer consulaires
Pour le reste, Gérald Darmanin s’est dit prêt, dans Le Parisien, à reprendre les propositions de LR sur « le conditionnement des visas, avec la modulation de l’aide au développement des pays concernés, la mise en œuvre des laissez-passer consulaires, la discussion autour des mineurs non accompagnés ; le contrôle à 360 degrés des demandes de titres de séjours ». Il s’est montré également intéressé par une réflexion sur l’ouverture des prestations sociales à partir de cinq ans de résidence en France.
Gérald Darmanin s’est donné jusqu’à fin juin pour acter ou pas la possibilité d’un compromis. Le ministre a en tête trois scénarios. Une première solution, qui aurait sa préférence, consisterait à reprendre le texte gouvernemental telle qu’amendé par la droite sénatoriale et déjà votée en commission des lois, et à l’enrichir par amendements en vue d’un examen parlementaire en octobre.
Une deuxième solution consisterait à élaborer un nouveau texte commun avec LR et les centristes, qui serait déposé en conseil des ministres en juillet, et un examen parlementaire aussi en octobre.
Une troisième solution, qui acterait l’échec d’un compromis, consisterait en deux textes, un de LR, qui n’aurait aucune chance d’être voté, et un du gouvernement, qui ne pourrait être adopté qu’avec un nouveau 49.3. Mais LR a déjà promis une motion de censure en cas de texte trop « laxiste ».
Être ou ne pas être un « parti de gouvernement »
Le gouvernement, qui, pour préserver son aile gauche, va inviter le député Sacha Houlié aux rendez-vous avec la droite, espère ne pas en arriver là. Car, selon lui, au vu de l’équation politique, chacun a intérêt au compromis. Côté parti présidentiel, « le fait est qu’on n’a pas de majorité absolue, donc on ne fait pas ce qu’on veut », a rappelé la place Beauvau.
Mais LR, avec ses 60 députés à l’Assemblée, n’a pas non plus la possibilité d’avancer seul. Donc « soit LR est un parti de gouvernement », et « veut vraiment faire avancer ses propositions pour le pays », et dans ce cas « on peut travailler ensemble », résume le ministère, « soit ils ne veulent pas travailler avec nous et dans ce cas ils auront montré qu’ils ne font que de la politique sans aucune intention de faire adopter leurs propositions ».