La Cour de cassation a confirmé mardi 28 le refus d’extrader dix anciens militants italiens d’extrême gauche installés en France depuis plusieurs décennies et réclamés par Rome pour des faits qualifiés de terrorisme commis lors des « années de plomb ».
La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire valide ainsi définitivement la décision de la cour d’appel de Paris, qui s’était opposée en juin 2022 à la remise à l’Italie de ces deux femmes et huit hommes.
Droit à la vie privée
La Cour d’appel avait appuyé sa décision sur le respect du droit à la vie privée et familiale ainsi que sur le droit à un procès équitable, prévus par les articles 8 et 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Le procureur général de la cour d’appel de Paris, Rémy Heitz, avait formé des pourvois pour contester la position de la chambre de l’instruction. Il estimait qu’un nouveau complément d’information aurait dû être ordonné pour s’assurer que ceux qui ont été jugés en leur absence bénéficieraient d’un nouveau procès s’ils étaient remis à l’Italie. Il considérait également que l’extradition des militants ne constituerait pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale.
Une décision « définitive »
La Cour de cassation a rejeté ces pourvois, « considérant que les motifs adoptés par les juges, qui relèvent de leur appréciation souveraine, sont suffisants ». « L’avis défavorable aux demandes d’extradition est dès lors définitif », est-il précisé dans le communiqué.
« C’est un immense soulagement. Justice est rendue dans le calme et le droit, c’est absolument ce qu’il fallait », a réagi Me Irène Terrel, avocate de sept militants, dont la médiatique Marina Petrella.
L’Italie réclamait ces dix anciens activistes pour des reliquats de peine liés à des condamnations pour leur implication dans des faits à caractère terroriste commis lors des « années de plomb », de la fin des années 1960 au début des années 1980.
La « doctrine Mitterrand »
Ces ex-militants, âgés de 62 à 79 ans, ont refait leur vie en France depuis plusieurs décennies. Ils s’y sentaient protégés par la « doctrine Mitterrand » : le président socialiste (1981-1995) avait pris l’engagement de ne pas extrader les anciens activistes ayant rompu avec leur passé.
Mais au printemps 2021, le président Emmanuel Macron avait décidé de favoriser la mise à exécution des demandes d’extradition de ces six ex-Brigades rouges et quatre ex-membres de groupes armés, renouvelées un an auparavant par Rome.
Époque de violentes luttes sociales, les « années de plomb » ont été marquées par une surenchère entre extrême droite et extrême gauche et se sont soldées par plus de 360 morts attribués aux deux bords, des milliers de blessés, 10 000 arrestations et 5 000 condamnations.