L’auteur du « Très-Bas », si singulier, laisse une soixantaine de livres dont les titres se chuchotent entre lecteurs. Il est mort à l’âge de 71 ans, vendredi, dans sa région de Saône-et-Loire.
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Il voulait écrire un « traité du sourire ». Celui de ses chers disparus, propre à les maintenir hors des eaux noires de l’oubli, celui de l’enfant au berceau qui lui procurait un enchantement particulier. Apanage de l’homme, il lui paraissait « l’objet de méditation le plus profond possible », comme il l’avait confié, en octobre, au Figaro. Christian Bobin, mort à 71 ans d’un cancer fulgurant, vendredi 23 novembre, en Saône-et-Loire, n’en aura pas eu le temps. Cet écrivain si singulier laisse cependant une soixantaine de livres, dont les titres se chuchotent amoureusement entre lecteurs. Des centaines de milliers de fidèles, de tous âges et de toutes conditions, aimantés par sa prose qui rend leur vie plus poétique.
On l’a trop souvent présenté comme un ermite vivant au fond des bois. Il y a du vrai dans cette image, car il fallait, une fois descendu du TGV au Creusot, dans cette Saône-et-Loire adossée au Morvan, prendre au Nord jusqu’à un chemin nommé Champ vieux et rouler vers la forêt du Petit Prodhun, où se trouvait sa maison aux volets bleus. Nul voisin, sinon les oiseaux, les chevreuils et les arbres.
Il y vivait avec sa compagne, l’écrivaine et poétesse Lydie Dattas – même s’il était retourné au Creusot il y a peu –, et sa porte est toujours restée ouverte aux visiteurs. On était accueilli par un bon feu, un repas si la conversation se prolongeait, on pouvait voir la pièce monacale de l’écrivain et plonger dans « l’armoire à confitures », où se côtoyaient des auteurs oubliés, Jean Grosjean, André Dhôtel, Jean Follain. On était sûr d’entendre au moins une fois son rire de tonnerre, de voir se fendre de joie ce visage d’argile surmonté d’un grand front, où s’imprimaient les sentiments.
Christian Bobin a « la meilleure place », celle du dernier, après un frère et une sœur, mais une enfance silencieuse, un peu solitaire, « le front contre la vitre »
Christian Bobin ne s’est jamais beaucoup éloigné du Creusot. Il n’en a pas conçu de fierté particulière, ni de honte, c’est ainsi : un voyage immobile. Il y est né le 24 avril 1951, dans une famille comme tant d’autres sous le règne des Schneider, les rois du charbon et de l’acier. Dans l’entreprise toute puissante, son père est dessinateur industriel, sa mère calqueuse. Nulle trace de cet univers dans son œuvre, qui se situe même aux antipodes : la seule usine, la nature, y fabrique de l’émerveillement et l’homme des sentiments éternels. Il a « la meilleure place », celle du dernier, après un frère et une sœur, mais une enfance silencieuse, un peu solitaire, « le front contre la vitre ».
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