Chers frères et sœurs,
« Élargis l’espace de ta tente ! » Tel est le titre de la synthèse mondiale qui vient de paraître suite à la consultation des chrétiens catholiques dans le cadre de la démarche synodale promue par le pape François.
Ce titre reprend l’invitation du prophète Isaïe (Is 54, 2) adressée au peuple d’Israël, prêt à rentrer d’exil et à retrouver la ville de Jérusalem. Elle nous est adressée à nous aussi suite au processus synodal auquel nous avons participé cette année 2022.
Je vous invite à réagir positivement à ces invitations et à dire ensemble : « Élargissons l’espace de notre tente ! » Nous retrouvons en effet dans cette synthèse mondiale, qui est aussi le Document pour l’étape continentale (DEC) (1) prévue en février 2023, de nombreux éléments qui sont issus de notre démarche synodale diocésaine, et nous en trouvons bien d’autres qui élargissent notre horizon. Je me propose donc, dans cette lettre pastorale, d’intégrer notre synthèse diocésaine(2) dans le cadre de la synthèse mondiale, et de baliser ainsi notre cheminement dans celui de l’Église universelle.
LA DÉMARCHE SYNODALE À LIÈGE ET DANS LE MONDE
Dans notre diocèse, la démarche synodale s’est déroulée à partir d’un questionnaire, largement répandu, qui a mobilisé plus de trois mille personnes. Les résultats ont été publiés le lundi de Pentecôte à la cathédrale. Ils ont suscité les réactions des deux cents personnes présentes alors, qui ont répondu à un questionnaire d’évaluation. Ensuite le Conseil épiscopal et le Conseil presbytéral ont réfléchi à cet ensemble d’observations et de propositions. Rappelons que le thème de la démarche synodale est « communion, participation, mission ». Dans son chapitre 54, le prophète Isaïe présente le peuple d’Israël comme un peuple en marche, qui doit voir large et qui doit se préparer au voyage. De même, notre Église est un peuple en marche, qui voit le monde changer et qui évolue dans un contexte renouvelé. C’est pourquoi le prophète demande au peuple d’Israël, comparé à une femme qui n’a pas d’enfants, de renforcer sa tente : « Élargis l’espace de ta tente, déploie sans hésiter les toiles de ta demeure, allonge tes cordages, renforce tes piquets ! » (Is 54, 2). Pour se préparer, il est nécessaire d’agrandir la tente, en agissant sur les trois éléments de sa structure, nous dit le document pour l’étape continentale (DEC, 26).
• « Le premier, ce sont les toiles, qui protègent du soleil, du vent et de la pluie, délimitant un espace de vie et de convivialité. Il faut les déployer, afin qu’elles puissent également protéger ceux qui sont encore en dehors de cet espace, mais qui se sentent appelés a y entrer ».
• « Le deuxième élément structurel de la tente est constitué par les cordages, qui maintiennent la toile déployée. Ils doivent trouver un équilibre entre la tension nécessaire pour empêcher la tente de s’affaisser et la souplesse qui amortit les mouvements causés par le vent. Par conséquent, si la tente se dilate, ils doivent être allongés pour maintenir la bonne tension ».
• « Enfin, le troisième élément est constitué par les piquets, qui ancrent la structure au sol et assurent sa solidité, mais restent capables de se déplacer lorsque la tente doit être montée ailleurs ».
Sur base de cette image, nous pouvons placer dans le premier élément, la toile, tout ce qui nous pousse à élargir notre horizon et à nous ouvrir aux périphéries du monde. Dans le deuxième élément, les cordages, nous placerons ce qui touche aux structures de l’Église et aux responsables qui s’y engagent. Le troisième élément, les piquets, rejoint les bases de notre foi, ce qui l’ancre dans la fidélité à ses sources, la Bible et la Tradition, par la formation et la célébration.
Ainsi outillée, la tente de notre Église est prête au voyage, pour faire un chemin en communauté, c’est-à-dire un « synode », pour accomplir sa mission, tendre vers le salut, communiquer sa foi et atteindre la cité céleste. La tente décrite par Isaïe peut être comparée à la tente de la rencontre, dans laquelle Moïse avait placé le tabernacle (DEC, 27), c’est-à-dire le meuble contenant l’arche d’alliance avec les tables de la Loi ou tables du témoignage (Ex 35, 11). Cela me fait penser à chacune de nos églises au cœur desquelles se trouve le tabernacle, lieu de la présence du corps du Christ.
1. « DÉPLOIE LES TOILES DE TA DEMEURE ! » OU L’ACCUEIL DES PÉRIPHÉRIES
Déployer les toiles signifie : élargir notre point de vue sur les autres et les accueillir plus largement. À ce sujet, le processus synodal liégeois insiste sur l’attitude de proximité et sur l’accueil dans nos communautés chrétiennes ; il s’agit d’aller vers l’autre, surtout le pauvre dans tous les sens. Cela signifie une pastorale de la visitation, une pastorale de la rencontre. Cela implique des initiatives de contact, comme celle de l’accueil dans les paroisses et les célébrations. Cela valorise le rôle des équipes relais dans les différentes paroisses et la capacité de mieux se connaître, ainsi que celle de prier en petits groupes. La proximité, ce peut être par exemple, prier ensemble hors de l’eucharistie ; rapprocher les Conseils de fabrique dans une plateforme commune ; inciter des curés à travailler ensemble ; regrouper des prêtres et des laïcs en béguinage. La proximité est vécue aussi grâce aux communautés religieuses et aux mouvements spirituels.
Ceci rejoint le DEC, qui écrit : « La vision d’une Église capable d’une inclusion radicale, d’une appartenance partagée et d’une réelle hospitalité, conformément aux enseignements de Jésus, est au cœur du processus synodal » (DEC, 31). Cela requiert « une volonté de reconnaître que les périphéries peuvent être le lieu où résonne un appel à la conversion et à une mise en pratique plus décisive de l’Évangile » (DEC, 32). On pense ici à l’attention aux jeunes, aux personnes en situation de handicap, aux vies fragiles (DEC, 32-37). Des groupes « ressentent une tension entre l’appartenance à l’Église et l’expérience de leurs propres relations affectives, comme par exemple : les divorcés remariés, les familles monoparentales, les personnes vivant dans un mariage polygame, les personnes LGBTQ » (DEC, 39). À ce niveau aussi, l’accueil est nécessaire.
Le DEC élargit ensuite l’horizon en sensibilisant les chrétiens aux groupes de personnes les plus pauvres : « les personnes âgées isolées, les peuples indigènes, les migrants sans papier qui mènent une existence précaire, les enfants des rues, les alcooliques et les toxicomanes, ceux qui sont tombés dans les pièges de la criminalité et ceux pour qui la prostitution est la seule chance de survie, les victimes de la traite des êtres humains, les survivants d’abus (dans l’Église et ailleurs), les prisonniers, les groupes qui souffrent de discrimination et de violence en raison de leur race, de leur ethnie, de leur sexe, de leur culture et de leur sexualité » (DEC, 40). « Le peuple de Dieu exprime un profond désir d’écouter le cri des pauvres et le cri de la terre » (DEC, 45). L’engagement des chrétiens est nécessaire à ce sujet pour rencontrer les souffrances des gens et construire une fraternité plus intense. Qui plus est, cela se fera efficacement seulement si nous incluons les autres confessions chrétiennes dans notre démarche : « De nombreux rapports soulignent qu’il n’y a pas de synodalité complète sans unité entre les chrétiens » (DEC, 48).
2. « ALLONGE TES CORDAGES ! » OU LA PARTICIPATION DANS L’ÉGLISE
Allonger les cordages signifie : renforcer et diversifier la structure participative de l’Église. La synthèse liégeoise insiste sur la nécessité de la concertation dans les communautés afin d’éviter le cléricalisme et de valoriser le rôle des femmes. Cela sera concrétisé par la constitution d’un Conseil pastoral diocésain. Un défi sera de mettre en œuvre les nouveaux ministères institués par le pape François et ouverts aux femmes comme aux hommes : lectorat, acolytat, catéchistat. Cela implique aussi le bon fonctionnement des Équipes pastorales, des Conseils d’Unité pastorale, des asbl d’UP ou autres. Il s’agit de lutter contre le cléricalisme, c’est-à-dire l’abus de pouvoir des responsables. Ceci a été présenté avec clarté en 2021 dans notre Directoire diocésain pour les ministères des curés (3) (Introduction, p. 3) et c’est promu par notre vicariat à l’accompagnement des acteurs pastoraux.
Le DEC embraie sur ce sujet : « Beaucoup expriment leur profonde appréciation et leur affection pour les prêtres qui accomplissent leur mission avec fidélité et dévouement (…). Les synthèses expriment également le souhait d’avoir des prêtres mieux formés, mieux accompagnés et moins isolés. Elles soulignent également l’importance de débarrasser l’Église du cléricalisme afin que tous ses membres, prêtres et laïcs, puissent remplir leur mission commune » (DEC, 58). Il importe d’avoir des apôtres à tous les niveaux de l’Église : « Les laïcs, les religieux et les clercs souhaitent mettre leurs talents et compétences à la disposition de l’Église et, pour ce faire, ils demandent un exercice du leadership qui libère la liberté » (DEC, 59). Les vocations sont encouragées dans ce sens, qu’il s’agisse de vocations au sacerdoce, à la vie consacrée ou à un ministère laïc : « La valeur de toutes les vocations dans l’Église est affirmée ainsi que surtout, l’invitation à suivre Jésus » (DEC, 57).
Le rôle des femmes est souligné : « De tous les continents vient un appel pour que les femmes catholiques soient valorisées d’abord et avant tout en tant que baptisées et comme membres égaux du peuple de Dieu » (DEC, 61). Il ajoute : « De nombreuses synthèses, après une écoute attentive, demandent à l’Église de poursuivre le discernement sur une série de questions spécifiques, à savoir le rôle actif des femmes dans les structures de gouvernance des organes de l’Église, la possibilité pour les femmes ayant reçu une formation adéquate de prêcher dans le cadre paroissial et le diaconat féminin » (DEC, 64). « Le parcours synodal a mis en évidence une série de tensions. Nous ne devons pas en avoir peur, mais les articuler dans un processus de constant discernement communautaire afin de les exploiter comme une source d’énergie sans qu’elles ne deviennent destructrices » (DEC, 71). C’est donc à travers le vécu quotidien et l’évolution des mentalités que des changements pourront être décidés par les autorités ecclésiales. Pour cela, il est utile d’avoir une formation à la synodalité (DEC, 82).
3. « RENFORCE TES PIQUETS ! » OU L’APPROFONDISSEMENT DE LA FOI
La synthèse liégeoise insiste sur la nécessité d’une formation pour l’approfondissement de la foi. Cela consiste à mettre le Christ au centre. Comme l’écrivait quelqu’un lors de l’Assemblée diocésaine, « il ne faut pas seulement soigner les canalisations mais bien laisser passer le courant, le Christ ». Il faut une formation transversale et décentralisée. Cela nous interroge sur ce que nous pouvons faire au Centre diocésain de formation et dans les Unités pastorales pour proposer une formation plus accessible à un large public. En particulier, il faut développer une pastorale biblique, par exemple, par la diffusion des Tables de la parole, des partages d’évangile ou des groupes Mess’aje.
Le DEC prolonge cette ligne directrice en prônant la méthode de la conversation spirituelle : « Celle-ci a permis au Peuple de Dieu de savourer le goût d’une rencontre interpersonnelle autour de la Parole de Dieu et des résonances variées qu’elle suscite dans le cœur de chacun » (DEC, 86). La célébration de l’eucharistie est aussi objet d’attention, comme base de la foi : « De nombreuses synthèses encouragent vivement la mise en œuvre d’un style synodal de célébration liturgique qui permette la participation active de tous les fidèles par l’accueil de toutes les différences, la valorisation de tous les ministères et la reconnaissance de tous les charismes » (DEC, 91). La diversité est perçue comme une richesse : « Une Église synodale se construit autour de la diversité, et la rencontre entre différentes traditions spirituelles peut représenter une “école” de formation synodale, dans la mesure où elle est capable de promouvoir la communion et l’harmonie en contribuant à dépasser les polarisations que connaissent de nombreuses Églises » (DEC, 87). On ajoute que « dans le domaine liturgique, la question la plus fréquente est celle de la célébration de la messe pré-conciliaire » (DEC, 92). On suggère qu’il faut fournir « une formation liturgique renouvelée, pour faire face à ce que beaucoup de synthèses pointent comme l’irrecevabilité du langage courant dans l’Église » (DEC, 95). En outre, « la qualité des homélies est signalée presque unanimement comme un problème ; on demande des homélies plus profondes, axées sur l’Évangile et les lectures du jour » (DEC, 93).
Dans le diocèse de Liège, on a remarqué à ce sujet qu’il fallait trouver un équilibre entre rubricisme et créativité. Dans la liturgie, on unit le langage verbal et le non verbal, comme par exemple, la place des gestes ou la démarche d’adoration. En effet, le mystère du Dieu trinitaire, Père, Fils et Esprit Saint, se communique de nombreuses manières. Trop simplifier aplatit tout. Trop compliquer rebute. Origène disait déjà au IIIe siècle que le langage de l’Écriture comprend des obscurités que le Seigneur a déposées exprès dans le texte pour nous rendre attentifs au mystère de Dieu et nous stimuler dans notre recherche de foi en découvrant que le côté obscur indique une chose importante (4).
4. « TU VAS REPEUPLER LES VILLES ABANDONNÉES ! » OU LA MISSION
Le prophète Isaïe ajoute l’objectif du voyage, en pensant au retour à Jérusalem, et il dit au peuple : « Tu vas repeupler les villes abandonnées ! » (Is 54, 3). C’est le sens de la mission : communiquer le salut que Dieu nous donne. Cet ancrage dans la foi nous permet d’avancer dans une démarche de synodalité : « Nous sommes une Église en apprentissage, et pour ce faire, avons besoin d’un discernement continu qui nous aide à lire ensemble la Parole de Dieu et les signes des temps, de manière à avancer dans la direction que nous désigne l’Esprit » (DEC, 100).
Tout ceci nous invite à adopter une attitude missionnaire. « Élargir l’espace de sa tente » implique d’être communicatif dans la transmission de la foi. Pour cela, les moyens de communication sont précieux, tels RCF, le journal Dimanche, les sites internet des diocèses et des UP, les pages sur Facebook et les publications des Unités pastorales. Il s’agit pour l’Église de « renouveler sa mission évangélisatrice à la lumière des signes des temps, afin de continuer à offrir à l’humanité une manière d’être et de vivre dans laquelle tous peuvent se sentir inclus et protagonistes » (DEC, 13).
Le DEC nous propose des pistes pour profiter des éléments qu’il nous apporte et il nous invite à répondre aux questions suivantes (DEC, 106) :
• Piste 1 : Après avoir lu le DEC dans un climat de prière, quelles sont les intuitions qui résonnent le plus fortement avec l’expérience vécue et les réalités de l’Église sur votre continent ?
• Piste 2 : Quelles tensions substantielles ou divergences émergent comme particulièrement importantes du point de vue de votre continent ? Et par conséquent, quels sont les questions ou les problèmes qui devraient être abordés et pris en considération aux prochaines étapes du processus ?
• Piste 3 : Quels sont les priorités, les thèmes récurrents et les appels à l’action qui peuvent être partagés avec d’autres Églises locales à travers le monde et discutés lors de la première session de l’Assemblée synodale d’octobre 2023 à Rome ?
Nous sommes ainsi invités à discerner sur ces trois questions, avec le soutien de l’équipe synodale diocésaine, et à fournir des indications à nos représentants à l’assemblée continentale européenne, qui aura lieu à Prague du 5 au 12 février 2023.
La consultation est lancée auprès de toutes celles et de tous ceux qui le veulent dans le diocèse. Les réponses et avis doivent être envoyés à l’adresse email : synode@evechedeliege.be avant le 31 décembre 2022. Toutes les informations sur cette phase continentale, avec les questions posées pour la consultation, se trouvent sur le site web du diocèse, dans la section « Synode sur la synodalité ».
CONCLUSION
Je suis heureux que la synthèse liégeoise soit en consonance avec la synthèse mondiale. Mais je suis heureux aussi que celle-ci élargisse nos horizons et nous permette d’avancer plus loin. Notre Église est ainsi mieux outillée pour répondre aux signes des temps et pour être sacrement de salut pour l’humanité.
C’est pourquoi je promeus dès maintenant les éléments de la synthèse liégeoise présentés dans cette lettre pastorale et j’invite chacun à les mettre en œuvre. Je stimule en outre chacun à continuer le cheminement synodal et à l’approfondir à la lumière des éléments de la synthèse mondiale, spécialement ceux qui sont repérés dans cette lettre pastorale, afin de mieux rayonner l’esprit de l’Évangile dans une démarche de joie et de mission.
Dans cet esprit, préparons-nous au temps de l’Avent, avec son cheminement dans l’espérance, et à la fête de Noël, avec la venue du Christ dans l’humilité de son humanité, dans la foi de Marie, dans la joie du peuple de Dieu et des anges dans les cieux !
Je conclurai avec le DEC : « Le message du parcours synodal est simple : nous apprenons à marcher ensemble et à nous asseoir ensemble pour rompre le même pain, afin que chacun puisse trouver sa place. Chacun est appelé à prendre part à ce voyage, personne n’est exclu. C’est à cela que nous nous sentons appelés pour pouvoir proclamer de façon crédible l’Évangile de Jésus à tous les peuples. C’est la route que nous cherchons à suivre pour l’étape continentale » (DEC, 103).
Bon voyage à tous !