« Hissé au-dessus des partis ». C’est ainsi que les soutiens de Bernard Cazeneuve qualifient le positionnement de l’ancien premier ministre de François Hollande, démissionnaire il y a un an du Parti socialiste afin de protester contre l’alliance avec La France insoumise. Un « au-dessus » qui lui permet de jouer le rôle de rassembleur de la gauche anti-Nupes, dans et hors du PS.
Samedi 10 juin, il organise à Créteil (Val-de-Marne) la première grande réunion publique de son mouvement La Convention. François Hollande, notamment, y participera lors d’une table ronde consacrée à l’Europe.
L’Europe, révélateur des deux gauches irréconciliables
La question européenne est fondamentale à plusieurs titres. D’une part, il s’agit d’une des principales divergences irréconciliables à gauche, que même le programme partagé de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) avait acté.
« La France insoumise et le Parti communiste français sont héritiers du non de gauche au Traité constitutionnel européen en 2005, le Parti socialiste est attaché à la construction européenne et ses acquis, dont il est un acteur clé, et Europe Écologie-Les Verts est historiquement favorable à la construction d’une Europe fédérale », était-il détaillé.
D’autre part, les élections européennes de 2024 constituent le prochain rendez-vous électoral grand public. Principal parti incarnant cette gauche anti-Nupes, le Parti radical de gauche (PRG) a annoncé son intention de monter une liste. « Il n’y a pas d’échappatoire possible pour ne pas laisser les électeurs tous seuls dans les griffes d’une gauche qui a renoncé à la République et à l’Europe, expose son président, Guillaume Lacroix. Personne n’a envie d’être isolé : si la Convention le veut, ce sera avec elle. Unie, la gauche responsable et pro-européenne serait plus forte. » Aux législatives, le PRG avait accueilli pour le financement public une soixantaine de candidats PS dissidents anti-Nupes.
La démarche transpartisane de Bernard Cazeneuve
S’engager dans une élection retirerait cependant à la Convention de Bernard Cazeneuve son caractère transpartisan. Ce qui lui permet de regrouper des partis (PRG, anciens chevènementistes du Mouvement des citoyens etc.), mais aussi des personnalités, dont plusieurs sont toujours membres du PS. Parmi eux, le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol. Celui-ci a justement réuni du 2 au 4 juin, à Montpellier, son propre courant interne, Refondations, en présence de Carole Delga, présidente du conseil régional d’Occitanie, et d’Anne Hidalgo, maire de Paris.
« Tout ce qui permet de faire avancer le débat et le rassemblement à gauche est une bonne nouvelle, mais nous avons fait le choix de rester au PS car nous sommes attachés aux militants et aux fédérations, expose l’opposant qui a failli battre Olivier Faure pour le poste de premier secrétaire. À tous ceux qui veulent une gauche à la fois clairement de gauche, clairement crédible et clairement pro-européenne, je leur dis : venez, ou revenez ! »
Y aura-t-il une liste unique de la Nupes aux européennes ? LFI est pour, espérant figer le rapport de force issu de la présidentielle de 2022 : 22 % pour Jean-Luc Mélenchon (LFI), 4,6 % pour Yannick Jadot (EELV), 2,3 % pour Fabien Roussel (PCF) et 1,8 % pour Anne Hidalgo (PS). EELV a déjà dit non. Le PCF et le PS n’ont pas encore tranché.
L’échéance présidentielle de 2027
Le grand rendez-vous national, toutefois, ce sera l’élection présidentielle de 2027. Cette année-là, Emmanuel Macron ne pourra constitutionnellement plus se représenter. « Il y a de plus en plus d’électeurs comme d’élus de centre gauche orphelins », analyse le député ex-PS Jean-Louis Bricout.
Des réunions « informelles et régulières » réunissent d’ailleurs quelques parlementaires de gauche ou issus de l’aile gauche du centre macroniste, ces derniers mal à l’aise sur la réforme des retraites ou sur l’immigration. « On essaye de former au Parlement ce que Bernard Cazeneuve construit dans le pays », explique Jean-Louis Bricout.
Quant à l’intéressé, il temporise mais n’exclut rien pour la présidentielle. « Penser à 2027 alors même qu’il n’y a ni projet, ni troupes rassemblées, penser à l’incarnation avant que la question de l’incarnation ne se pose n’a aucun sens !, avait-il lancé lors d’un récent congrès du PRG. S’il faut que j’y aille moi-même parce que les circonstances seront telles qu’il faudra prendre mes responsabilités, alors je le ferai, mais nous sommes si loin de tout cela ! »