« Aidez-moi à devenir célèbre. » En épinglant ces mots « un brin sarcastiques » sur son compte Instagram lors de la sortie, l’an dernier, de son six-titres (Un jour, je), Pierre de Maere n’imaginait pas qu’il jouerait à guichets fermés à la Cigale puis au Trianon, à Paris, pour le présenter. « C’est allé très vite, acquiesce l’auteur-compositeur-interprète bruxellois. L’idée, ce n’est pas tant d’être célèbre, que de faire des chansons populaires. J’ai envie de faire des tubes. »
Une percée fulgurante qui permet à la nouvelle sensation de la scène musicale belge de s’offrir, le 12 mai, son premier Olympia face à un public conquis par son univers pop électro-urbain où il questionne « la loi des sentiments » sous les traits de personnages souvent romantiques. C’est le soldat au front qui écrit une lettre déchirante à l’être aimé dans les Oiseaux (« Les tirs m’ont rendu sourd/Je pense à toi dehors et ça c’est tous les jours/Ma tête est mise à mort/Me reste que l’amour ») ; c’est l’amoureux désillusionné dans Roméo (« Raconte-leur les fois où je t’emmène au Paradis/T’auras l’air bien conne s’ils savaient les pleurs et les cris »), ou trahi dans Évidemment (« Ma belle, ma belle/M’a joué ses tours/Mortels, mortels/Dont on ne revient pas »). « J’adore parler d’amour en y ajoutant du drame, une histoire est toujours plus fascinante quand elle est romancée. Mon répertoire est très baroque, théâtral, épique. J’ai envie de me dire que ce que je crée n’a pas été entendu cent fois. » Épaulé pour les arrangements par son frère aîné Xavier, cet homme-orchestre alterne les motifs rythmiques, créant ainsi soubresauts et chutes inattendues. Le chanteur aux envolées aigües surprend aussi en roulant ses « r » sur les notes synthétiques de l’auto-tune qui tend à déshumaniser les voix. « Moi, je n’utilise pas ce logiciel comme un cache-misère pour corriger ma voix, mais pour l’art », se défend-il.
Immerger les gens dans un monde qui leur est inconnu
Du haut de son mètre quatre-vingt-huit, ce garçon chic aux cheveux dorés aime changer de costume. Pas seulement parce qu’il raffole de la mode, mais surtout parce qu’il envisage la chanson comme un univers global où, en producteur autodidacte, il conjugue toutes ses passions : musique, photo et vidéo. « Ce ne sont pas des efforts que je fournis quand je fais une belle pochette d’album ou que je me fringue comme dans un défilé, ça va avec ce que je suis et la musique qui l’accompagne. »
Et d’évoquer son enfance douce et joyeuse avec des parents aimants. « J’ai grandi dans la campagne wallonne, je n’ai pas eu l’occasion de sortir tant que ça, j’étais contraint de m’occuper et c’était une chance. J’ai commencé la batterie vers 10 ans et je me suis mis à composer avec un iPod et l’application GarageBand, qui permet de s’initier aussi à l’art de la production. »
Cet esthète aime créer des ambiances cinématographiques « pour immerger les gens dans un monde qui leur est inconnu. Comme dans le titre, J’aime ta violence, où je raconte l’histoire d’un homme qui s’adresse à la cocaïne et qui en fait sa meilleure copine parce qu’elle le sauve, or, bien sûr, c’est malsain puisqu’il en meurt. Quand je l’ai écrite, j’avais en tête des images de Gotham City (la ville de Batman – NDLR) hypersombres et délabrées. » Des tableaux qu’il porte ensuite à l’écran dans des clips inventifs dont il est, cela va de soi, le héros.
Nommé aux Victoires de la musique, face à Stromae, il se dit que c'est une fraude
Nommé aux 38es Victoires de la musique (le 10 février, sur France 2) – catégories « révélation masculine de l’année » et « chanson » pour Un jour je marierai un ange (près de 41 millions d’écoutes sur Spotify) –, il se retrouve en compétition face à son compatriote Stromae. « Avec Lady Gaga, David Bowie et Freddy Mercury, Stromae fait partie de mes idoles. J’aime la grande précision de ses textes. Il a déringardisé la chanson francophone grâce à une production hyperambitieuse à l’américaine. Me retrouver face à lui ? Je me dis que c’est une fraude ! » se marre-t-il, avant de préciser qu’il compte profiter de cette fenêtre d’exposition cathodique pour livrer une belle performance scénique. « J’ai envie de prouver que je progresse vocalement et dans la mise en scène car j’aime les happenings et les shows flamboyants, généreux qui envoient du rêve. »
Fort de 60 dates de concert prévues cette année, Pierre de Maere entend bien apporter sa pierre à l’édifice dans le monde du spectacle. D’abord grâce à son enthousiasme. « C’est une quête. Je vis tout ce qui m’arrive à cent à l’heure. Malgré les moments de doute, je suis hyper- heureux. »
Regarde-moi, Pierre de Maere (Cinq7/Wagram Music). Tournée : le 24 février au festival Hors-pistes, à Annecy, le 25, à Audincourt (25), le 2 mars à Saint-Avertin… le 19 avril, au Printemps de Bourges, et le 12 mai, à l’Olympia, à Paris.