Petit pays de 16 millions d’habitants, les Pays-Bas sont le second exportateur mondial de denrées agricoles et agroalimentaires. « Nous exportons 80 % de ce que nous produisons, sur place ou en l’important. Un modèle intensif d’agriculture qui faisait notre fierté », sourit Joris Roskam, cadre supérieur de la coopérative multinationale Agrifirm. Mais le modèle vacille. « Ce n’est plus acceptable aujourd’hui, la voie de la raison nous amène à devoir choisir la préservation de la planète, plutôt que le business à tout prix », insiste Martijn Weijtens, conseiller agricole de l’ambassade des Pays-Bas à Paris.
Plusieurs facteurs se cumulent
Le Covid a été un premier coup de canif porté au modèle néerlandais, surtout avec les perturbations logistiques qui ont impacté une économie essentiellement exportatrice. En juillet 2022, les études sur la pollution liée à la surutilisation de l’azote, et la publication par la ministre de la Nature d’une carte des principales zones à risques visant en majorité les zones agricoles ont amené à évoquer la diminution d’un tiers des élevages et la fermeture des 500 fermes les plus productives.
Le parti au pouvoir a fait de l’évolution des pratiques agricoles, une promesse de campagne. S’en est suivi un ras-le-bol, une jacquerie à la néerlandaise, pays pourtant plutôt calme, où l’on a vu des manifestations d’une ampleur inédite et les violences qui en ont découlé. Pour marquer clairement son hostilité, le monde agricole a été jusqu’à inverser les couleurs du drapeau national et les exhiber le long des routes de tout le pays.
Une remise en cause
La guerre en Ukraine a encore rebattu les cartes et fait exploser les prix de l’énergie, remettant en cause la rentabilité économique de fleurons comme la production sous serre, l’élevage hors-sol ou l’agriculture biologique. « Certaines serres n’ont pas semé, faute de visibilité sur la capacité à vendre, ne serait-ce qu’au prix de revient, à des consommateurs toujours plus demandeurs de prix bas », se désole Maritza Van Assen, ex-directrice de Néfyto, une organisation de lobby agricole.
Est-ce la faillite d’un système poussé à l’extrême ou une évolution naturelle dans un contexte environnemental et climatique différent. Même si la majorité du peuple semble encore derrière ses agriculteurs, une élite intellectuelle citadine agit pour faire évoluer fortement le modèle. Pourquoi importer en masse pour réexporter en dépit du bilan carbone ? Pourquoi produire beaucoup plus que l’on ne consomme ? Pourquoi ne pas revenir à une alimentation locale ? martèlent les associations environnementales avec un certain écho, notamment politique.