Le communique du Comité National Interprofessionnel de la Pomme de Terre (CNIPT) commentait une « étude sur la perception et le rapport des Français à la valeur des pommes de terre vendue à l’état frais ». Il en ressortait que la patate, vendue 1,24 € le kilo en moyenne, est le légume qui a subi l’inflation la moins importante sur un an avec une hausse de son prix de 9 % contre 16 % pour le riz et 23 % pour les pâtes alimentaires. Ce communiqué élogieux indiquait que « la pomme de terre répond aux attentes et aux tendances de consommation aujourd’hui et coche toutes les cases : naturelle et saine, elle est bonne pour la santé et respectueuse de l’environnement ; une origine France, puisque 98 % des pommes de terre consommées en France sont françaises ; toujours au cœur de l’assiette, elle se consomme seule ou accompagnée ; c’est un indispensable de la cuisine pour 2/3 des Français. Ils sont 63 % à déclarer ne pas pouvoir s’en passer contre 58 % pour les pâtes et 35 % pour le riz ».
On ne gagne plus sa vie en produisant des plants
Histoire de nous donner la frite, le texte se terminait par ces mots : « la pomme de terre est un produit tendance qui a vraiment tout pour plaire ». Suivaient ces quatre lignes à propos du CNIPT : « Créé en 1977, Le Comité International de la Pomme de Terre a pour objectif de valoriser la pomme de terre de consommation française sur le marché du frais. Il est reconnu comme interprofession nationale par les pouvoir publics. Il agit dans le cadre du règlement de l’Union européenne N° 1308/2013 du 17 novembre 2013 et code rural. Le CNIPT représente tous les opérateurs du secteur de la pomme de terre, de la production au commerce ». Du producteur au distributeur, en passant par les transformateurs, il fédère donc les producteurs et professionnels et l’aval qui font le forcing pour sous-rémunérer ceux de l’amont, y compris les producteurs de plants. Dans « la France Agricole » de la même semaine, on pouvait lire un article intitulé « Hauts de France, plants de pomme de terre : rien ne va plus ». Pour récolter des pommes de terre en été, il faut planter des tubercules dotés de germes au début du printemps. Cela se fait sur des successions de rangées en butoir. À partir de ses germes, chaque plan (à savoir chaque patate plantée) fait alors pousser plusieurs branches dotées de feuillages. La pomme de terre plantée au printemps se décomposera en terre tandis que la plante qu’elle a fait pousser produira souvent de 8 à 12 patates nouvelles, voire plus. Producteur de plants de pomme de terre sélectionné à Mouriez dans le Pas de Calais, Arnaud Dedours évoquait dans « La France Agricole » l’évolution de ses coûts de production en ces termes : « En 2017, mon coût de production s’élevait à 9 715 € par hectare. En 2023, il grimpe à plus de 12 000 € par hectare. Le coût des carburants a fait un bond de 50 %, celui de l’électricité a été multiplié par deux ! Le poste engrais est passé de 600 à 988 € par hectare, les produits phytosanitaires de 825 à 1 290 € par hectare. Comme le prix de vente des plants n’a pas suivi, il eut été plus intéressant de produire des pommes de terre sous contrat pour l’industrie en vrac ventilé que des plants en caisses réfrigérées ».
C‘est toute la filière qui va être impactée
Il faut ici savoir que les plants destinés à être plantés en avril 2023 ont été récoltés à la fin de l’été 2022. Leur conservation en « caisses réfrigérées » est indispensable pour empêcher les germes de pousser durant les mois de stockage. D’où ce commentaire indigné d’Arnaud Dedours : « On est en train de démolir un maillon de la filière pomme de terre. Ça nous fait mal aux tripes. Je n’ai pas envie de jeter l’éponge et j’essaie de me battre pour trouver une solution car c’est une culture passionnante. Mais je ne veux pas mettre en péril mon exploitation pour une culture qui n’est plus rentable ». De son côté, Sylvain Halftermeyer, en charge de la section des plants de pomme de terre dans la région ajoutait dans le même hebdomadaire : « Sachant que le coût des plants représente jusqu’à un tiers du coût de production de la pomme de terre, c’est toute la filière qui va être impactée. Les collecteurs rencontrent déjà des difficultés pour répercuter équitablement les hausses de prix du plant et de leurs propres charges à leurs acheteurs français comme à l’export ». En décembre, le président de la République et son ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire ont été interpellés sur le sujet sans que l’on sache s’ils ont donné une réponse aux attentes des producteurs de plans.