► Pourquoi le groupe M6 n’est-il plus à vendre ?
Le feuilleton de la vente du groupe M6 s’est achevé prématurément lundi 3 octobre 2022 en début de soirée. Dans un communiqué, RTL Group, propriété du géant allemand des médias Bertelsmann, a indiqué qu’il conservait finalement sa participation majoritaire de 48,3 % dans le groupe français.
Les chaînes de M6 (M6, W9, 6ter, Gulli, Téva…) et les radios de RTL (RTL, RTL2, Fun Radio…), dont il est actionnaire depuis trente-cinq ans, resteront donc dans son escarcelle. Au grand dam des trois prétendants qui avaient rapidement déposé des offres – qualifiées de « financièrement attractives » par le groupe allemand – après l’échec de la fusion avec le groupe TF1.
La première, initiée par le producteur Stéphane Courbit (Banijay Group) et le PDG du géant du transport maritime CMA CGM Rodolphe Saadé, valorisait la participation de Bertelsmann à 1,2 milliard d’euros. Une seconde avait été proposée par Xavier Niel, associé à la famille Berlusconi, qui contrôle le groupe italien MediaForEurope. La troisième provenait du Tchèque Daniel Kretinsky, propriétaire de CMI France (Elle, Marianne. France dimanche… et participations dans les groupes Le Monde et TF1).
► Qu’est-ce qui a fait obstacle à cette vente ?
RTL Group a expliqué que « les risques et incertitudes juridiques sont trop élevés en raison des processus d’approbation requis de la part des autorités antitrust et des autorités des médias, et du calendrier du prochain renouvellement de la licence de la chaîne principale M6 ».
Rappelons que le processus de fusion des groupes M6 et TF1 avait été initié en mai 2021, soit il y a bientôt dix-sept mois. L’autorité de la concurrence aurait rendu sa décision à la mi-octobre 2022 si les groupes n’avaient pas renoncé à s’unir mi-septembre. Pourquoi ? Parce qu’ils ne se résignaient pas à céder les chaînes TF1 et M6 comme cela leur était demandé.
Le calendrier était « plus qu’ultra-serré », avait reconnu fin septembre Roch-Olivier Maistre, le président de l’Arcom (ex-CSA), qui doit aussi donner son feu vert à toute vente ou fusion.
Le gendarme de l’audiovisuel a aussi rappelé que l’autorisation de fréquence était accordée à M6 jusqu’en mai 2023, après quoi tout changement d’actionnaire ne serait plus possible pendant cinq ans. Cette mesure avait été prise en 2016 pour éviter que les détenteurs d’une fréquence TNT fassent commerce de leur licence gratuite délivrée par l’État, comme cela était arrivé en 2015 avec la chaîne Numéro 23.
► Quels enseignements tirer de cette vente manquée ?
Pour les salariés du groupe M6, c’est un retour à la case départ après beaucoup d’énergie et de moyens investis dans la fusion avec TF1, et une relative pause dans le développement de la production audiovisuelle, du numérique ou de la plateforme Salto (lancée avec TF1 et France Télévisions). « Le groupe M6 jouera un rôle clé dans toute nouvelle consolidation de l’industrie télévisuelle française », a par ailleurs souligné Thomas Rabe, le président de RTL Group, laissant la porte ouverte à de nouveaux investisseurs dans les prochaines années.
Ces longs mois de tractations ont aussi révélé l’appétit pour des médias audiovisuels de nouveaux acteurs, dont Rodolphe Saadé (CMA CGM), Stéphane Courbit (Banijay), Xavier Niel (Ilial) ou Daniel Kretinsky (CMI).
Sur le plan de la réglementation enfin, l’autorité de la concurrence a rejeté le changement de périmètre de « marché pertinent » de la publicité défendu par Bouygues et RTL Group. Les groupes TF1 et M6 (qui se seraient partagé 75 % du marché publicitaire de la télévision) souhaitaient inclure la publicité numérique dans le calcul. En se mesurant aux géants du numérique, ils seraient ainsi passés du statut de colosses à celui d’acteurs moyens.
Le gendarme de la concurrence a considéré que la télévision restait « un média très puissant », notamment auprès des « 25 à 49 ans », « principale cible commerciale des annonceurs ». Et que cette puissance n’était pas remise en cause « à un horizon prévisible », puisque les plateformes de streaming (Netflix, Disney +) avaient « vocation à rester des modèles payants ». Des abonnements moins chers avec publicité seront néanmoins bientôt proposés par ces mêmes acteurs.