FOCUS - Depuis le 1er janvier, l'État du sud des États-Unis impose aux personnes souhaitant visionner un film X de présenter une pièce d'identité prouvant leur majorité.
Le gouvernement souhaite interdire l'accès des sites pornographiques aux mineurs. Pourquoi ? Car les jeunes de l'Hexagone ont en moyenne 11 ans, malgré la législation en vigueur qui interdit aux plateformes l'accès aux mois de 18 ans. Pour endiguer ce phénomène inquiétant, le gouvernement a annoncé ce lundi vouloir interdire, dès septembre, l'accès de ces sites aux mineurs. «Ce scandale, je compte bien y mettre fin», a annoncé le ministre en charge du Numérique, Jean-Noël Barrot, au Parisien .
Vérifier les pièces d'identité
Parmi les solutions envisagées par la France figure celle adoptée il y a un mois par la Louisiane. Le 1er janvier 2023, l'état du sud des États-Unis a voté une loi qui impose aux personnes souhaitant accéder à un site pornographique de présenter une preuve de leur majorité : un permis de conduire ou toute autre pièce d'identité émise par le gouvernement. La loi n°440 vise les sites dont le contenu est composé d'au moins 33,3% de matériel pornographique.
La mesure, soutenue par l'élue républicaine Laurie Schlegel, également thérapeute spécialisée dans l'addiction au sexe, vise à protéger les enfants des «dangers de la pornographie en ligne». Cette dernière «est extrême et graphique et à seulement un clic de nos enfants», avait-elle alerté sur Twitter. Plusieurs sénats d'États américains, comme celui de l'Arkansas, du Mississippi et de l'Utah, sont déjà en discussion pour adopter la même stratégie.
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Comment cela se passe concrètement ? Depuis le début de l'année, en Louisiane, les plateformes ont donc recours à un prestataire extérieur chargé de vérifier la validité des pièces d'identité lorsqu'un internaute se connecte depuis l'état du sud des États-Unis. L'entreprise MindGeek, propriétaire de Pornhub et YouPorn, travaille par exemple avec le site AllPassTrust qui joue le rôle d'intermédiaire, rapporte Numerama . Si les sites ne respectent pas cette règle, ils s'exposent à d'éventuelles poursuites judiciaires. Cependant, la mesure a déjà montré une faiblesse majeure : en indiquant, via un VPN, être localisé ailleurs qu'en Louisiane, il est quand possible pour un utilisateur d'accéder aux sites pornographiques.
Mainmise sur les données personnelles
Second point épineux : depuis la mise en place du dispositif, les organisations américaines de défense de la vie privée déplorent la possibilité offerte aux plateformes d'avoir la mainmise sur les données personnelles des internautes. La loi comprend pourtant l'obligation formelle pour les sites de supprimer les données de façon immédiate, juste après connexion. «La loi mentionne explicitement l'obligation de supprimer [les informations] pour les outils de vérifications et les sites web qui en ont usage», avait notamment précisé Jason Kelley, le directeur associé de la stratégie numérique à l'Electronic Frontier Foundation, à la radio NPR.
En France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a également pointé les risques et conséquences éventuels de ce dispositif pour la vie privée dans un document recensant précisément les principaux types de systèmes de vérification de l'âge : «Ce système est (...) à la fois peu fiable et peu respectueux des données personnelles, car il nécessite, pour fonctionner, la collecte et le traitement d'un justificatif d'identité officiel». Elle ajoutait par ailleurs que l'équilibre entre la protection des mineurs et le respect de la vie privée était difficile à trouver.
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«Conserver la vie privée»
En France, le gouvernement semble donc privilégier une autre solution. Fruit d'un travail conjoint entre Bercy, le Cnil, l'Arcom et des sociétés spécialisées, cette dernière permettrait de certifier la majorité sans dévoiler l'identité de l'internaute, rapporte Le Parisien. «Un utilisateur d'un site pornographique, lorsqu'il souhaitera y accéder, devra certifier de sa majorité en cliquant sur cette attestation numérique, explique le ministre. Cela fonctionnera un peu comme le contrôle demandé par votre banque lorsque vous réalisez un achat en ligne, sauf que ce certificat de majorité sera anonyme», a expliqué le ministre en charge du Numérique dans Le Parisien.
Pour l'association «Voix de l'enfant», les mesures attendues sont essentielles. Tout en saluant le travail mené par le gouvernement, la présidente du collectif, Martine Brousse, s'inquiète : «On veut évidemment conserver la vie privée mais à quel prix?». «Il faut se questionner sur les limites de cet anonymat quand on sait les dégâts que provoquent les images violentes que visionnent les enfants, parfois très jeunes», ajoute-t-elle.
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Si l'incertitude plane encore sur le dispositif qui va être privilégié, il semble que la question de l'anonymat soit au cœur des prochaines annonces. Ainsi, il est peu probable que la piste nécessitant la présentation d'une pièce d'identité soit retenue.
«Évidemment, un dispositif comme celui de la Louisiane serait l'idéal, mais toutes les autres solutions sont bonnes à prendre», explique encore Martine Brousse. «Il faut se dire que, dans tous les cas, c'est une première étape, il ne faut pas oublier que nous partons de très loin». Tout en soulignant un paradoxe : «On ne peut pas lutter contre la violence et le harcèlement d'un côté et de l'autre côté défendre à tout prix l'anonymat et la liberté concernant le visionnage de vidéos pornographiques».
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