Trois semaines après le salon agricole de Rennes, connu sous le sigle SPACE et consacré aux différentes filières agricoles, le « Sommet de l’élevage » se déroule à Clermont-Ferrand du 4 au 7 octobre. En Auvergne, et plus largement dans le grand Massif Central, l’élevage des bovins de races allaitantes a toujours tenu une place importante. Aubrac et Salers sont deux races locales très anciennes dans la région. La Limousine, comme son nom l’indique, ne vient pas de loin et la Charollaise est également présente en Auvergne de même que la Blonde d’Aquitaine.
Mais le cheptel des races à viande est en baisse depuis plusieurs années. Faute d’en tirer un revenu suffisant, des éleveurs abandonnent ce type d’élevage tandis que d’autres réduisent leur troupeau de vaches afin de ne pas trop s’endetter ; surtout quand la récolte du foin et des autres fourrages est en forte baisse comme cette année du fait de la sécheresse. Selon Philippe Choteau, chef du département économique à l’Institut de l’élevage, « ces animaux sont essentiellement détenus par des éleveurs spécialisés. Mais 54 % d’entre eux ont plus de 50 ans et 20 % plus de 60 ans. Il y a un vrai problème entre une reprise de captal très conséquente et une rentabilité qui n’est pas à la hauteur (…) Les aléas climatiques répétés a également joué en faveur de la baisse du chargement, pour gagner en autonomie fourragère ».
Des élevages valorisants pour le Massif Central
Les vaches allaitantes des diverses races citées plus haut que nous voyons au pré accompagné de leurs veaux sont pourtant un atout pour le pays et plus encore pour les zones herbagères composées de prairies naturelles trop peu fertiles pour être mise en culture. Selon Thierry Turlan, ingénieur général du ministère de l‘Agriculture, « le bovin viande 2035 idéal incarne le territoire du Massif Central : il atteste de son bien-être, émet peu de méthane et contribue au stockage de carbone dans le sol. Il valorise bien l’herbe, possède un avant développé pour faire du steak haché et un arrière fournissant des pièces de taille raisonnable, tendre et goûteuse ». Selon lui, « le Massif Central, marqué par un élevage à l’herbe et des races rustiques, ne manque pas d’atouts pour résister aux aléas des marchés mondiaux, des changements climatiques et des évolutions des modes de consommation de la viande. Encore faudrait-il valoriser davantage ces atouts », ajoute-t-il.
Mais comment valoriser ces atouts quand des reportages télévisés nous montrent chaque jour des consommateurs en recherche de prix bas dans les enseignes de la grande distribution ? Comment valoriser ces atouts quand la Commission européenne, avec l’accord des pays membres dont la France, ne cesse de négocier des accords de libre-échange avec des pays tiers, dont l’Australie et la Nouvelle Zélande après ceux du Mercosur dont l’Argentine et le Brésil ? Selon Greenpeace, « la déforestation a augmenté de +20 % au Brésil en 2021 par rapport par rapport à 2020 et la valeur des exportations brésiliennes de produits alimentaires est passée de 85 milliards de dollars en 2016 à 130 milliards en 2021 ».
Même Jean-Paul Bigard fait mine de s’inquiéter !
En France, le nombre de vaches allaitantes a diminué de 450 000 têtes en six ans, pour tomber à 3 880 000 têtes. Au point que Jean-Paul Bigard, le principal patron des abattoirs en France, fait mine de s’inquiéter selon les propos rapportés dans La France Agricole du 30 septembre : « peu importe de savoir à qui la faute, la décapitalisation bovine est le signe d’une crise qui va s’aggraver, celle de l’indépendance alimentaire ».
La solution viendra-t-elle de Marc Fesneau nanti désormais du titre de « ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire » ? Il inaugurait le Salon hier. Hervé Boudon, éleveur en Lozère, l’a interpellé en ces termes : « La souveraineté alimentaire est une vraie priorité. Mais pour cela, il faut aussi des animaux ! La sécheresse, couplée à la hausse des charges, fait que nous sommes en train de vendre des animaux ». Évitant d’évoquer cette souveraineté alimentaire le ministre lui a répondu qu’il y aura « pour les neuf départements les plus touchés par la sécheresse une avance à partir de début novembre pour répondre aux besoins de trésorerie et les autres départements suivront ».
Cela ne suffira pas pour enrayer le processus de décapitalisation alors que la moitié des éleveurs sont à moins de dix ans de la retraite.