B2, J2, S9, T54, K43... À première vue, la classification parasportive détaillée sur le site Internet des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 ressemble à s'y méprendre à une bonne vieille partie de " Touché-Coulé " amélioré. Mais en regardant de plus près, entre les différents sports, les nombreux critères et toutes les catégories, celle-ci n'a rien d'un jeu d'enfant.
" C'est vrai que les gens ont du mal à comprendre, du coup ils ne s'intéressent pas au sport paralympique et c'est pour ça que c'est un enjeu majeur en vue de Paris 2024, confirme Ugo Didier, double médaillé de para natation à Tokyo. Ce n'est pas assez parlant, ils n'ont pas envie d'y passer du temps. Pourquoi plusieurs types de handicaps peuvent exister dans une seule et même classification, pourquoi les classifications diffèrent en fonction des sports, ils ne comprennent pas.
Ugo Didier et les étudiants de CentraleSupélec. (PICS)
Pour tenter de remédier à cela, le jeune nageur de 21 ans a participé les 3 et 4 février à un événement au sein de l'école d'ingénieur CentraleSupelec, durant lequel 50 étudiants ont à l'initiative d'EDF - partenaire de Paris 2024 et de la Fédération française handisport (FFH) - planché sur l'élaboration d'un outil pour comprendre plus facilement ces classifications parasportives.
" Tant qu'on ne comprend pas la classification, on ne peut pas comprendre la performance
Sami El Gueddari, directeur de la performance à la FFH
Également présent Sami El Gueddari, directeur de la performance à la FFH, guidait lui aussi les participants. " Le paralympisme demande un effort au départ, mais finalement, quand je regarde le rugby, si je ne connais pas la règle des passes en-avant, je ne comprends pas et il faut m'instruire. Le hors-jeu au foot, c'est pareil. Il suffit de réussir à trouver le bon moteur ou le bon véhicule pour intéresser les gens et peut-être que dans dix ans, on ne se posera plus ces questions. Mais tant qu'on ne comprend pas la classification, on ne peut pas comprendre la performance.
Sami el Gueddari donne ses conseils aux élèves. (PICS)
Comment déterminer la catégorie ?
C'est la spécification des parasports : la classification. Le postulat est que chaque athlète a toutes ses capacités avec un nombre de points identiques. Pour définir la catégorie, le jury classificateur enlève des points selon le handicap et le degré d'incapacité qui en découle. Ainsi, plus son handicap est sévère, moins l'athlète a de points. Et change donc de catégorie. "On raisonne par équivalence de handicaps et non par similarité, a expliqué Ugo Didier aux élèves de CentraleSupelec. Cette catégorisation n'est pas immuable et varie au grès de l'évolution des pathologies des athlètes. Par exemple, le handicap neurologique est revu tous les deux ans par le jury.
" Il y a tout un système en place robuste qui permet de garantir l'équité, assure Ludivine Munos, responsable de l'intégration paralympique Paris 2024. Un peu comme le système de poids au judo, t'as tant de muscles qui fonctionnent tu rentres dans telle catégorie. Une personne va bouger un bras, l'autre personne va peut-être bouger deux jambes, on mesure l'impact dans chaque discipline et on classifie.
L'enjeu était donc de taille pour les étudiants. Répartis en dix groupes de cinq, ils ont eu 24 heures, nuit blanche comprise, pour développer leurs différents projets avant de le présenter pendant trois minutes devant un jury composé notamment de Sami El Gueddari et de Ludivine Munos, responsable de l'intégration paralympique Paris 2024 et triple médaillée d'or aux Jeux Paralympiques.
Hologramme, miroir de réalité virtuelle, avatars, carte façon Panini avec flashcode et plateforme de pronos, série animée, jeu de plateau... les futurs ingénieurs ont rivalisé d'imagination pour convaincre les jurés.
" On ne trouvera pas la solution qui va permettre de répondre à tout, c'est trop gros. On parle d'expliquer 22 sports paralympiques, mis bout à bout cela fait plus de 200 classifications "
" C'est une chance de travailler avec des gens qui sont éloignés du sujet, reprend Sami El Gueddari, chacun en fonction de sa sensibilité vient aborder le sujet avec un angle. Il y en a, c'est le côté perf. Il y en a d'autres, c'est le côté ludique, pédagogique. Ça vient nous bousculer. Dans le milieu paralympique où je suis depuis longtemps, on a tendance à être très technico-tactiques et force est de constater que ça ne marche pas. On ne trouvera pas la solution qui va permettre de répondre à tout, c'est trop gros. On parle d'expliquer 22 sports paralympiques, mis bout à bout, cela fait plus de 200 classifications. Mais grâce à ça on va pouvoir commencer à se dire : une perf est liée à un handicap qui est lié à une classe donc en fait j'arrête de comparer des gens qui n'ont rien à voir.
Deux projets ont finalement tapé dans l'oeil du jury. Un premier coup de coeur pour une version revisitée du célèbre " Qui est-ce ? " version paralympique, grandeur nature, avec des cartes d'1,20 m (avec du braille pour les non-voyants), sur les athlètes et leurs catégories, qui pourraient être installées lors des différents événements dont les Jeux Olympiques et Paralympiques. " C'est peu coûteux et on peut aussi le décliner en petite version ", détaillent Maxime, Pierre-Louis et Constant, trois des porteurs de l'idée.
Vers un jeu vidéo sur les parasports ?
Mais c'est un autre projet qui a complètement enthousiasmé le jury. Un jeu vidéo de parasport façon " Nintendo Switch Sport " où les joueurs pourraient incarner les athlètes, apprendre leurs catégories, ou encore passer devant un médecin virtuel pour une visite concernant la classification. En moins de 24 heures, l'équipe d'Alice et Ethan a réussi à développer une courte démo du jeu.
Capture du jeu vidéo
" On peut passer des heures sur son téléphone ou sur console donc pourquoi pas jouer en apprenant à connaître les sportifs et leur classification, explique Ludivine Munos. Nous maintenant on va se demander comment s'inspirer de tout cela pour pourquoi pas le mettre en oeuvre.
" J'espère que ça verra le jour, s'enthousiasme Ugo Didier, et que ça va permettre la médiatisation des sports para comme FIFA l'a permis pour le foot féminin. EDF s'engage de son côté à accompagner dans les mois à venir l'équipe victorieuse pour étudier la mise en place de son projet.
L'ensemble des étudiants. (PICS)
publié le 7 février 2023 à 13h42