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Les trois acolytes avaient été séparés par la pandémie après la tournée de l’excellent Cocoa Sugar en 2018, allant jusqu’à remettre en question l’avenir du groupe. Avec Heavy Heavy, les Young Fathers prouve qu’ils n’ont rien perdu de leur énergie, voire de leur sauvagerie. Si leur style est indéfinissable, tant le trio écossais aime mêler les influences, du grime aux chants de travail en passant par le gospel, leurs paroles et visuels provocateurs laissent aussi entendre un esprit punk. Sur la pochette de leur précédent album, Ally Massaquoi apparaissait retouché à la palette graphique, dans un design pouvant évoquer une critique du “blackface”. Car les Young Fathers ne se satisfont pas d’être seulement un très bon groupe. Ils s’engagent contre les résurgences du racisme systémique, pour la cause palestinienne et le décolonialisme en Écosse.
La myriade de références dont se revendique les Young Fathers s’explique en partie par la variété des parcours et origines de ses membres. Ally Massaquoi, né au Libéria, arrive en Ecosse à 4 ans. Kayus Bankole naît à Edinburgh de parents nigérians, vit quelque temps au Maryland et dans le pays d’origine de ses parents, avant de revenir dans sa ville natale. Graham Hastings grandit quant à lui dans les logements sociaux du nord de la capitale écossaise. Dans le morceau Ululation, le groupe allie ainsi les sonorités africaines et celtiques.
Depuis leurs débuts en 2008, les Young Fathers se sont démarqués par l’originalité de leur musique et les nombreux succès qui en ont découlé. Avec son premier album intitulé Dead, le groupe remporte en 2014 le Mercury Prize, récompensant le meilleur album de l’année paru en Grande-Bretagne, devançant des pontes tels que Damon Albarn ou FKA Twigs. Rien que ça. Ils se rapprochent de Massive Attack, dont ils font la première partie de la tournée européenne en 2016. Les trois hommes passent aussi sur le plateau de Jimmy Kimmel, dans la bande-son du célèbre jeu FIFA ou dans les campagnes publicitaires d’Apple. Entre temps, Young Fathers dévoile deux autres projets tout aussi acclamés que le premier. Pour ce quatrième album, le groupe a pris son temps pour répondre aux attentes.
Réjouissant vacarme
En l’espace de dix titres, Heavy Heavy s’adresse à notre être primitif et rassemble au rythme des percussions entêtantes et de l’alliance de mélodies majeures et mineures. Sur chaque morceau, Young Fathers semble viser une forme de climax libérateur dans des progressions tumultueuses, offrant ponctuellement quelques instants de répit et de douceur. Le titre de l’album peut évoquer le poids de la vie dont le trio tente de se détacher, mais aussi cette grandiloquence, particulièrement visible dans Tell Somebody, dont les orchestrations rappellent les derniers projets d’Arcade Fire ou d’Archive. Dans Holly Molly, les basses saturées et la rythmique jersey (style originaire du New Jersey qui se caractérise par un BPM très élevé) évoquent une forme d’urgence et de nécessité, tout en s’accouplant à des mélodies puissantes et désenchantées. Avec Shoot Me Down, les basses agressent. Les synthés dissonent, puis s’apaisent, avant d’offrir une résolution joyeuse et cacophonique.
Si l’on regrette à certains égards que le trio ait laissé de côté une forme de noirceur et de mélancolie qui sous-tendait leur précédent projet, cela se fait au profit d’une recherche de communion, de joie cathartique. Moins épuré que Cocoa Sugar, l’album offre une énergie pure, viscérale, où les voix basses se mêlent aux chants et cris de joie. A l’image de leur pochette, le trio entend mouvoir les corps, prêtant à espérer des lives d’une aussi grande qualité que leur réputation laisse supposer. Young Fathers se produira d’ailleurs en France, le 24 février prochain, à l’Elysée Montmartre.