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Face au défi environnemental, c’est aux mieux nantis de fournir l’essentiel de l’effort

"J’y pense et puis j’oublie, c’est la vie, c’est la vie." Notre attitude face au défi environnemental est souvent proche des paroles sarcastiques de Jacques Lanzmann chantées par Jacques Dutronc. En effet, avec l’actualité brûlante - mais ce jeu de mots ne fait pas rire - de la sécheresse actuelle, il n’est pas possible de ne pas y penser, mais ne l’oublions-nous pas aussi vite, sans changer grand-chose à notre vie, qu’il s’agisse de la manière de se nourrir, de se loger, de se déplacer ou de se divertir.

Pourtant, l’enjeu est majeur, et à dire vrai, s’agissant de nature, de climat et de biodiversité, les paroles devraient être "J’y pense et puis j’oublie, c’est la mort, c’est la mort." Car, aujourd’hui, ne nous voilons pas la face, les atteintes à l’environnement tuent. Ne pensons qu’aux victimes des incendies, des inondations et de ces autres catastrophes à ne plus qualifier de naturelles et à ces morts invisibles mais par milliers du fait de la dégradation de la qualité de l’air.

Bien sûr, ce ne sont ni mon changement de comportement individuel ni le vôtre qui suffiront pour infléchir le cours des choses, ni même nous mettre à l’abri, et l’action doit être collective. Toutefois, ceci ne nous dispense en rien de l’obligation éthique de changer nos habitudes personnelles. Et l’économiste ajoutera que les efforts peuvent augmenter instantanément notre bien-être, notre "utilité" dans le jargon de la profession. Demandez à celles et ceux qui ont troqué la voiture pour le vélo s’ils regrettent leur choix ! En outre, nos "bonnes actions" environnementales contribuent positivement à cette "utilité". Les personnes qui déposent des vêtements dans une bulle de collecte de seconde main installée par une chouette association ne tirent pas la tête en pensant à l’argent perdu, mais se réjouissent que demain ces objets auront une nouvelle vie.

Les États membres de l’Union européenne se sont engagés à réduire de 15 % leur consommation de gaz d’ici l’hiver prochain. Des voix politiques ont été immédiatement entendues, soutenant que les ménages n’avaient pas à craindre que des efforts leur seraient demandés. Voilà qui est dommage. En lieu et place, n’aurait-il pas été mobilisateur d’inviter chacune et chacun à agir ? "Que puis-je changer dans mon comportement pour réduire de 15 % à brève échéance mon empreinte environnementale ?", voilà la question qu’il aurait convenu de porter auprès de l’opinion.

Cette question aurait même gagné à être modulée. Si, tous, nous devons fournir un effort significatif en matière environnementale, celui-ci se doit d’être fonction à la fois de nos capacités, notamment financières, et de notre empreinte actuelle. À cet égard, une statistique interpelle, et qui indique de manière indubitable que c’est aux mieux nantis de fournir l’essentiel de l’effort. Elle est la suivante : aux États-Unis comme en France, les 50 % les moins nantis de la population ont une empreinte qui est compatible avec les objectifs de réduction à atteindre en 2030, ou quasi (2). Ce n’est donc pas à eux de se mobiliser en premier, ou de l’être au travers de mesures contraignantes, mais à l’autre moitié de la population de s’activer !

Comme l'a justement redit récemment le FMI, il faut que l'énergie soit chère pour tout le monde, condition pour des comportements économes et pour le développement des énergies renouvelables, mais il faut que ceux qui polluent le plus polluent nettement moins. Avec Michael Sandel, auteur de Ce que l'argent ne saurait acheter (Seuil), on ne saurait accepter l'idée qu'il leur suffirait d'acheter le droit de polluer autant qu'aujourd'hui.

(1) etienne.decallatay@orcadia.eu

(2) Voir le graphique 6.10 au chapitre 6 du "World Inequality Report 2022".