Burundi
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Interview exclusive | Charles Ntirampeba : « Le ministre ne s’est pas attaqué à la vraie racine du problème »

Répondant aux questions des sénateurs, le 18 mai, le ministre de l’Intérieur les a rassurés que, sous peu, les problèmes liés aux moyens de transport trouveront une solution grâce aux nouveaux bus. Les anciens bus en piteux état seront redirigés dans les quartiers périphériques. Le secrétaire général de l’Association des Transporteurs du Burundi(ATRABU) donne son point de vue.

Le ministre de l’Intérieur a indiqué que d’ici un mois et demi, des bus compris entre 60 et 100 transportant 30 personnes commenceront à desservir Bujumbura. Une bonne nouvelle ?

Au niveau de l’Atrabu, nous ne pouvons que nous en réjouir. Une bonne chose parce que ces nouveaux bus viennent renforcer le parc automobile des bus de transport. Une bonne nouvelle aussi pour certaines localités qui jusqu’aujourd’hui sont mal desservies. Toutefois, je doute fort que cela permettra de trouver une solution à tous les problèmes qui hantent le secteur du transport en commun.

Peine perdue, donc?

Loin de là. Néanmoins, au vu des problèmes qui minent ce secteur, le plus important aurait été d’associer toutes les parties prenantes pour dégager de vraies solutions. Sinon, j’estime que le ministre ne s’est pas attaqué à la vraie racine du problème.

Selon vous, qu’est-ce qui est le plus urgent ?

L’Atrabu a toujours plaidé pour que soient organisés les États Généraux du secteur transport afin d’élucider toutes les questions y relatives. Dans cette logique, nous avons même adressé une correspondance au chef de l’Etat. Des doléances qui semblent ne pas avoir trouvé un écho favorable. A titre d’exemple, cela fait bientôt sept mois que la pénurie de carburant bat son plein. Chaque mois, les propriétaires de bus de transport doivent payer les impôts, les taxes, alors que leurs véhicules sont quasiment à l’arrêt. Un tas de problèmes qui auraient été solutionnés, s’il y avait eu un dialogue.

Concrètement…

Il suffit de voir comment le ticket de transport est fixé. Cela ne cadre pas avec la réalité sur le terrain. Le gouvernement ne doit pas seulement décréter la mesure. En principe, il doit tenir compte des divers aspects (dépenses) qui entrent en jeu pour éviter que les propriétaires des véhicules de transport ne travaillent pas à perte.

Souvent, ce que les autorités oublient, c’est que les transporteurs sont également des commerçants comme les autres. Pourtant, ils ne sont pas traités sur le même pied d’égalité que les autres. Tenez, en 2015, un pneu d’un bus Hiace coûtait 80 mille BIF. Actuellement, il coûte entre 220 et 250 mille BIF. Un litre d’huile lubrifiant qui coûtait 8000 BIF coûte aujourd’hui 15000 BIF. Des genres de questions qui doivent être pris en considération pour que le transporteur se sente valorisé dans l’exercice de son métier.

Quid de l’actuelle pénurie de carburant ?

Outre le difficile accès aux devises, c’est l’autre grand problème. Dorénavant, un bus peut passer 3 voire 4 jours sans travailler à cause du manque de carburant. Il faut ajouter l’état piteux des infrastructures comme cause de l’amortissement des véhicules, la problématique des taxes et impôts. Une kyrielle de problèmes qu’il importe de débattre à bâtons rompus. Pour ainsi déboucher sur un consensus qui permettrait de fixer un ticket de transport, sans léser ni les usagers ni les propriétaires. Sinon, je vous le garantis, ce secteur risque de tomber en faillite.

Tomber en faillite alors que dorénavant le gouvernement plaide pour que les investisseurs du secteur aient des devises ?

C’est l’autre grande question que l’on se pose. Ceux qui ont bénéficié de ces faveurs sont-ils des gens qui travaillent dans le secteur ? A ma connaissance, l’Atrabu n’a pas été approchée, ni consultée. Comme tout le monde, nous l’avons appris par la voix des ondes. Si des facilités pour avoir des devises, des exonérations venaient à être accordées à nos membres, Bujumbura voire toutes les provinces du pays seraient desservies par des bus flambant neuf. Pour éviter qu’il y ait des interprétations erronées, le ministère de tutelle devrait faire une manifestation d’intérêt. Ou bien mettre en place un canal à travers lequel les transporteurs peuvent trouver des devises.

Une fois les nouveaux bus sur place, le ministre Ndirakobuca a fait savoir que les anciens bus seront dirigés vers les quartiers périphériques. Votre commentaire ?

Tant qu’il n’y a pas encore une notification officielle, l’Atrabu considère cela comme une rumeur. Certes, le ministre a indiqué que des véhicules compris entre 60-100 seront à Bujumbura dans un mois et demi. Mais c’est un effectif loin d’être suffisant pour desservir toute la ville au vu de son extension, du problème des routes, de carburant.

Pour revenir à votre question, je ne nie pas que les véhicules en piteux état n’existent pas. Mais je m’interroge : ‘’Quels sont les critères pour voir que tel ou autre véhicule est en mauvais état de telle sorte qu’il ne dessert plus la ville?’’ Je pense qu’il faudra mettre en place une commission ad hoc, neutre, qui pourrait déterminer lesquels de ces véhicules continueront à servir Bujumbura. Dans le cas contraire, il y a risque que certains transporteurs abandonnent le métier, malgré eux.

Encore une fois, le problème n’est pas leur nombre. Parce qu’auparavant, il y a eu des investisseurs, à l’instar de Mémento, Volcano Express, qui ont acheté des bus flambant neuf, mais qui se sont toujours heurtés à la problématique des infrastructures. Si nos routes restent telles qu’elles sont, un répit de courte durée s’observera dans le transport en commun. Mais je ne doute point qu’au bout d’une année, les nouveaux bus seront amortis. Je pense que ces nouveaux investisseurs ont d’abord fait une étude de faisabilité. Autrement, le retour sur investissement sera difficile.
Propos recueillis par Hervé Mugisha