Burundi
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Production agricole, le ministre Rurema recadré

Interrogé sur la montée des prix des produits de consommation, le ministre en charge de l’agriculture a souligné que la récolte a été bonne. Selon lui, ce n’est qu’une affaire de fonctionnaires qui n’ont même pas de petit potager. Pourtant, le président Evariste Ndayishimiye dans une conférence de presse de ce mardi a dit tout le contraire de son ministre.

« La récolte a été bonne. Les commerçants demandent même en masse le droit d’exporter le surplus de la récolte », a déclaré ce lundi 9 mai, le ministre Deo Guide Rurema lors de la présentation des réalisations du troisième trimestre de l’exercice 2021-2022 du ministère de l’Agriculture et de l’Elevage.

Interrogé sur la hausse des prix des produits de première nécessité sur le marché, le ministre Rurema a répondu que le plus important est que ces produits sont disponibles sur le marché. « Heureusement que ceux qui le disent ne déclarent pas que ces produits ne sont pas disponibles. Ils soutiennent que ces produits sont chers, mais disponibles », a précisé le ministre.

Il a par la suite imploré aux ministres en charge de l’Intérieur et celle du Commerce de travailler en synergie pour voir s’il n’y a pas des commerçants qui spéculent sur les prix fixés.
« Ceux qui disent que les prix ont augmenté sont des fonctionnaires qui n’ont même pas un petit champ potager. Ils devraient au moins avoir un petit champ au lieu d’être toujours dans les marchés pour s’approvisionner », a dit le ministre Rurema.

Pour ceux qui disent que les prix flambent suite à l’ANAGESSA (Agence nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire) qui achète la récolte de la population pour la revendre sur le marché, le ministre a répondu que ce n’est pas à l’ANAGESSA de fixer les prix. « C’est plutôt du ressort d’un comité multisectoriel dont les membres proviennent de différents ministères

Quand le président contredit son ministre.

Le chef de l’Etat s’est exprimé par rapport à l’actuelle montée des prix des denrées alimentaires, lors de sa première conférence de presse animée ce mardi 10 mai, en expliquant que la récolte n’a pas été bonne pour cette saison.
Evariste Ndayishimiye a ajouté qu’il a déjà demandé au ministre en charge de l’agriculture les raisons de la cherté des denrées alimentaires. Il également a indiqué qu’il a su grâce aux services de renseignements qu’il y a des commerçants qui collectent les produits alimentaires comme le haricot pour les exporter dans les pays arabes comme Oman et Dubaï, provoquant ainsi la rareté de ces denrées.

Selon les données de l’Institut des statistiques et d’études économiques du Burundi (ISTEEBU), le taux d’inflation (variation des prix par rapport au même mois de l’année précédente) des pains et céréales (riz, maïs, sorgho, pain…) a considérablement augmenté.

Il était de -3,1% en avril. Puis, il a commencé de s’envoler avec 3.2% en juin 2021 et depuis lors, il n’a cessé de grimper jusqu’à atteindre 26,1% en mars 2022.

Des causes multiples, un expert explique

La flambée des prix s’explique principalement par l’insuffisance des pluies en saison A qui a affecté l’offre alimentaire

Patrice Ndimanya, professeur à l’université du Burundi au département d’Economie rurale et des entreprises agro-alimentaires, indique que la flambée des prix s’explique principalement par l’insuffisance des pluies en saison A qui a affecté l’offre alimentaire, surtout dans les plaines de l’Imbo, du Kumoso et du Bugesera : « Cela insinue que même en moyenne altitude, le volume des précipitations n’a pas atteint les seuils souhaités. »

D’autres facteurs viennent aggraver la situation notamment la pénurie du carburant qui affecte le transport des marchandises et l’importation de ces produits qui reste limitée par le manque de devises.
M. Ndimanya indique que si l’Etat fixe le prix pour soutenir les consommateurs en réduisant le prix du marché, le gouvernement doit prévoir un fonds pour financer le différentiel.

« Si l’état fixe le prix à 1.000 BIF alors que le prix du marché est 1.200 BIF. Il doit financer le différentiel, car les commerçants ne vont pas accepter de vendre à perte », précise-t-il.

Selon ce professeur d’université, les pays développés ont réussi cette politique parce qu’ils pouvaient financer le différentiel par les sources produites par le secteur industriel et des services : « Ce qui n’est pas le cas pour nous, parce que ce secteur occupe moins de 10% de la population ».

Pour lui, il est très difficile de réguler les prix par des mesures protectionnistes. Par contre, recommande-t-il, il faut penser à l’importation de ces biens dans les pays transfrontaliers étant donné que nous sommes membres de plusieurs blocs régionaux.

Il fait savoir en outre que si nos produits sont appréciés par des acheteurs internationaux, c’est une bonne nouvelle. « Il faut développer ce marché, car les agriculteurs vont y voir un gain et produire davantage. »
« Ne pas aller sur le défensif, mais plutôt essayer de trouver des solutions. »
Un autre expert qui a requis l’anonymat estime que c’est très étonnant qu’un ministre se vante de ses exploits alors que les rapports de la primature montrent que le taux de réalisation de son ministère est toujours faible et se retrouve parmi les trois derniers.

D’après lui, cette hausse est due à des facteurs externes difficiles à contrôler et ne dépendent pas de leur volonté notamment les aléas climatiques : « il ne faut pas trop aller sur le défensif, mais plutôt essayer de trouver des solutions.»

Pour lui, plutôt le ministère en charge de l’agriculture devrait penser à corriger les erreurs afin de réaliser l’objectif de la politique agricole et alimentaire, qui est de permettre l’accès de la population à une alimentation suffisante et équilibrée à un prix accessible.

De plus, s’interroge cet analyste, l’agriculture est exploitée par plus de 90% de la population burundaise, comment alors s’en prendre aux fonctionnaires qui s’occupent d’autres secteurs ? « Il fallait plutôt penser à mécaniser l’agriculture. Dans les pays développés, l’agriculture est occupée par seulement 3% de la population. »

Réactions

« Les propos du ministre ne reflètent pas la réalité. »

Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, indique que les données de l’Isteebu prouvent que les propos du ministre de l’agriculture ne sont pas vrais.

le gouvernement devrait avoir une même vision de choses sur un problème quelconque. « J’espère d’ailleurs que le ministre ayant l’agriculture dans ses attributions aura à s’expliquer pour avoir donné une fausse information.»
S’agissant de la fixation des prix, M. Rufyiri explique qu’il n’y a pas intérêt de fixer le prix des denrées alimentaires, car lorsqu’elles sont disponibles en quantité suffisante, le prix doit baisser. « C’est tout simplement la loi de l’offre et de la demande. »

Pour lui, tous les Burundais ne peuvent pas devenir des agriculteurs. « Plus de 90% de la population burundaise font l’agriculture et l’élevage, ne sont-ils pas suffisants pour développer ce secteur ?», s’interroge-t-il.

« Tout les Burundais ne peuvent pas devenir agriculteurs »

Le leader de la PARCEM estime que le Burundi manque d’un cadre opérationnel effectif des documents de référence nationale et de planification, ceci étant à l’origine des différences dans les discours des membres du gouvernement.
Pour ce qui est des fonctionnaires qui devraient avoir des champs, Faustin Ndikumana ne le voit du même œil que le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage Déo Guide Rurema.

« Être agriculteur est aussi un métier qui demande du temps, un business à risques qui demande des investissements. Tout le monde ne peut pas être agriculteurs, il y a ceux qui font ce métier, il y a des fonctionnaires qui font aussi d’autres activités génératrices de revenus, mais l’agriculture demande un suivi, des investissements des fois énormes », nuance Faustin Ndikumana.