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2022, l’année où l’inflation est entrée en collision avec le moral des Français

Quelles ont été les conséquences réelles de l'inflation sur le moral des Français en 2022 ?

Atlantico : Vous avez publié une note. 2022, le choc de l’inflation sur le moral des Français. Quelle est la force de ce choc ?

Mathieu Perona : Si on regarde un certain nombre d’indicateurs, comme par exemple la satisfaction dans la vie, on descend à des niveaux comparables à la crise des Gilets jaunes. Si on s’abstrait des moments Covid, qui étaient particuliers, on se rapproche des pires moments observés depuis 2016. Ce qu’on remarque comme tension forte dans nos données, c’est qu’il y a une érosion forte de la satisfaction dans la vie, une forte inquiétude vis-à-vis de l’inflation, des finances futures, du côté des ménages, ainsi qu’une dégradation des perspectives pour les prochaines années. Mais dans le même temps, l’appréciation de la situation financière actuelle et du niveau de vie ne chutent pas, pour l’instant. Pour beaucoup de gens, c’est plus une inquiétude qu’une souffrance réelle des conséquences de l’inflation (même s’il y en a bien évidemment qui souffrent déjà énormément). L’inflation a des conséquences sur le bien être en plus, et au-delà, des conséquences sur le budget des ménages. Elle est interprétée comme créatrice d’incertitude, et cela pèse sur le bien-être.

Vous consacrez une partie de votre analyse au fait que 2022 n’est pas 2018. Qu’est-ce qui distingue ces deux années ?

Il y a deux éléments. D’une part, l’inflation provient du Covid, de la guerre en Ukraine, ce n’est pas perçu comme une hostilité envers un mode de vie comme ça a pu être le cas au moment des gilets jaunes. L’autre élément que l’on tire de notre baromètre est que l’expression des émotions n’est pas du tout la même qu’en 2018.

La joie connaît une évolution notable. Elle était au plus bas au moment du Covid. Elle avait commencé à se dégrader fortement avec les gilets jaunes après un pic haut atteint en 2017. Il y avait un espoir assez élevé avec l’élection d’Emmanuel Macron, avec sa promesse que les choses allaient être différentes. Ces espoirs ont été douchés par la réalité du début du quinquennat. Cela a ensuite plongé avec les gilets jaunes puis le Covid a réaccentué le coup. Et nous étions en train de remonter aux niveaux pré-Covid en 2022 et la guerre en Ukraine a mis un coup d’arrêt ponctuel avant que cette reprise ne se poursuive. Dans la période actuelle on observe une nouvelle chute qui est sans doute plus liée à la réforme des retraites qu’à la guerre ou l’inflation.

La tristesse, elle est plus basse qu’au moment des gilets jaunes et du Covid mais la peur et la colère sont définitivement à des niveaux plus élevés que dans la période Gilets jaunes. Il faut néanmoins rappeler que ces données sont issues de Twitter et reflètent donc une population particulière.

Quelles évolutions peut-on observer depuis que vous avez commencé à prendre la mesure du bien être subjectif ?

Les métriques rebondissent en fonction de l’actualité et on reste relativement proche des métriques d’il y a 7 ans, mais pour deux d’entre elles on a le sentiment d’une dégradation tendancielle. Ce sont les perceptions sur les perspectives de la prochaine génération, en France et en Europe. C’est une lente érosion peu sensible à la conjoncture que l’on observe. Nous allons prochainement chercher à établir si cela est lié à une prise de conscience croissante des effets du changement climatique.

A quoi est dû le repli vers l’intime que vous observez ?

Alors que la plupart des grandes métriques sont en repli, il est vrai que l’on constate que les dimensions qui relèvent de la sphère personnelle, sur le travail, les relations avec les proches, sont plutôt bien orientées et au-dessus des moyennes de long terme. Il faut rappeler que l’évaluation de la relation avec les proches est celle qui recueille la moyenne la plus haute en France. Il y a aussi un repli vers une période, relative, durant laquelle le monde avait l’air d’être moins incertain.