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A Bayonne, 3 500 personnes pour dire stop à la «folie» immobilière au Pays basque

Le mot d’ordre du jour est «stop», ou «aski» en langue basque. A Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), environ 3 500 personnes l’ont scandé en chœur dans l’après-midi du samedi 1er avril, comme un plaidoyer en faveur de mesures fortes pour freiner la «folie» immobilière au Pays basque et revendiquer le droit à un logement digne pour tous et toutes. Derrière des banderoles «Taxez les millionnaires, pas les locataires» ou «Le logement c’est pour les gens, pas pour l’argent», les manifestants ont dit «stop à la prolifération» des résidences secondaires et des meublés de tourisme, mais aussi aux «effets néfastes» du marché, en ce jour de fin de trêve hivernale. Depuis fin 2019, le prix du m² a augmenté de 35 % sur le territoire, selon la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), avec des pics de 8 000 à 10 000 euros dans des villes comme Biarritz ou Saint-Jean-de-Luz.

Benat Caplane-Sallaberry, 26 ans, vit chez ses parents tant que son contrat de travail n’est pas pérennisé, pour ne «pas mettre autant d’argent dans un loyer» sans certitude. Un problème économique pour lui, «mais aussi humain». «Mon père est maître d’œuvre et, sur des chantiers, il a des gars qui travaillent et qui dorment dans leur voiture parce qu’ils ne trouvent pas de logement dans leur budget. C’est malheureux de voir ça en 2023.»

Amaia, étudiante en stage de 23 ans, vit à 30 minutes du littoral et paie un loyer de 700 euros pour un T2. Elle raconte sa galère à trouver un logement à l’année, quand un grand nombre des annonces de cette région hautement touristique propose des baux de septembre à juin. «Il n’y a pas d’offre, donc on ne choisit même pas ce qu’on veut, on prend ce qu’il y a dans nos prix, ce qui laisse un choix très limité.»

Une association «qui a fait bouger les choses plus que n’importe qui»

En dix ans, le Pays basque a connu une hausse de 9,6 % de sa population, couplée à une augmentation du nombre de locations saisonnières et de résidences secondaires. Ces dernières représentent désormais 21 % du parc immobilier selon l’Insee, et atteignent des proportions de 50 % dans certaines communes littorales. Chaque année, 3 000 nouveaux arrivants s’installent au Pays basque, essentiellement sur la frange littorale et ses environs.

«Il y a deux fois plus de résidences secondaires que de logements locatifs sociaux au Pays basque», dénonce Maialen Errotabehere, membre de la plateforme organisatrice de la manifestation baptisée «Se loger au pays», qui rassemble 32 associations, partis politiques et syndicats. Alors que la loi SRU sur la production de logement social fixe un seuil de 25 % pour les communes de plus de 3 500 habitants, le Pays basque est très en retard. Seule la ville de Bayonne l’atteint aujourd’hui. Selon l’Insee, une demande d’attribution sur 6,5 aboutit, quand 72 % de la population est éligible à un logement social.

Philippe, 57 ans, vit à Bayonne et ne tient pas à dévoiler son nom pour éviter de se mettre en difficulté avec son bailleur social. Il a attendu un logement pendant dix ans avant de faire appel à une association d’aide aux locataires, intervenue en sa faveur. «La moitié de ma pension d’invalidité passait dans mon loyer et je vais maintenant payer deux fois moins, donc ça va me libérer.» Il a tenu à défiler «pour soutenir l’association qui a plus fait bouger les choses que n’importe qui d’autre». «Sans eux, j’attendrai encore», soupire-t-il.

«Un droit qui n’est pas négociable»

Les élus de l’agglomération basque, intercommunalité de 158 communes, ont voté l’entrée en vigueur, au 1er mars dernier, d’une mesure de compensation visant à freiner l’expansion des meublés de tourisme de type Airbnb sur une zone tendue, littorale, de 24 communes. Elle oblige les propriétaires à produire, dans la même ville et avec une surface équivalente, un bien sur le marché locatif à l’année pour compenser un logement transformé en meublé touristique. Les militants veulent maintenant «obliger les responsables nationaux à légiférer pour de nouveaux outils juridiques et légaux», afin de juguler un marché devenu inaccessible. «Vous devez agir vite pour ce droit qui n’est pas négociable.» Parmi les solutions évoquées, la fin d’un abattement fiscal de 50 à 71 % des revenus locatifs octroyés aux meublés de tourisme, pour favoriser le logement à l’année.

La fondation Abbé Pierre estime que le nombre de personnes à la rue sur le territoire a doublé en huit ans, sans compter les gens logés par des amis ou des proches. Un constat que partagent aussi des associations d’aide aux plus démunis, à l’instar de la Table du soir qui sert des repas gratuits pendant une grande partie de l’année. Sa présidente Cathy Loubressac observe que ses nouveaux bénéficiaires y viennent car le principal de leurs dépenses passe dans leur loyer. «Ils sacrifient l’alimentation pour réussir à se loger.»