France
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À Bure, plongée à 500 mètres sous terre, dans les entrailles du futur cimetière nucléaire français

Quand la porte de l’ascenseur, qui ressemble à une salle d’un sous-marin, se referme, Mathieu Saint-Louis lance : “Nous descendons à l’endroit le plus profond en France.” Avec son collègue Jacques Delay de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), il prépare un groupe de journalistes de différents pays à ce qui les attend sous terre. Ils ne le comprennent pas, car l’étroit ascenseur passe juste devant les turbines qui servent à ventiler les galeries. Au bout de cinq minutes, nous arrivons à une profondeur de 500 mètres, au milieu de la roche argileuse qui sert de capsule de protection au laboratoire. C’est ici que les chercheurs s’efforcent de trouver le meilleur moyen de stocker les déchets radioactifs de manière sûre et à très long terme. Le dépôt proprement dit, destiné au stockage des déchets radioactifs, doit être construit quelques kilomètres plus loin, d’ici quatre ans au plus tard.

Aucun dépôt en couche géologique profonde pour le stockage définitif du combustible nucléaire usé n’est encore opérationnel dans le monde. Le premier, situé dans le sud-ouest de la Finlande, devrait l’être en 2023. Les Français, qui ont la plus grande part d’électricité nucléaire au monde, sont juste derrière les Finlandais pour ce qui est de l’avancement du projet. La Slovaquie devra elle aussi à terme construire son propre centre d’enfouissement. Cinq sites possibles ont déjà été identifiés, mais la très grande majorité des habitants des régions concernées n’en savent absolument rien. Aucune décision n’a encore été prise quant à son emplacement. La nature aura le dernier mot. La construction d’un dépôt souterrain pour les déchets radioactifs n’est possible que si les conditions géologiques s’y prêtent.

C’est le cas aussi pour le premier dépôt français prévu à proximité du village de Bure, à 220 kilomètres à l’est de Paris. Il devrait accueillir tous les déchets produits par l’industrie nucléaire. Dans un laboratoire souterrain voisin, les chercheurs étudient les moyens de le construire en toute sécurité.

Le laboratoire expérimental contesté

La construction du laboratoire expérimental a commencé il y a vingt ans. Bien qu’on y trouve galeries et puits, le personnel de l’Andra répète à l’envi qu’il n’y a pas de déchets radioactifs sur le site et qu’ils ne sont que des “chercheurs qui font des expériences”. Les militants antinucléaires n’en croient pas un mot. Eux prétendent que le gouvernement applique la “tactique du salami” : d’abord un laboratoire, et lorsque celui-ci sera achevé, on dira qu’il serait dommage de ne pas l’utiliser pour le stockage. La tentation de relier le laboratoire déjà creusé au dépôt prévu à quelques kilomètres de là sera immense.

Le coût du dépôt final avait été estimé à 26 milliards d’euros il y a six ans. Depuis, les prix ont augmenté, et le personnel lui-même admet que le montant pourrait être jusqu’à deux fois plus élevé. Chaque kilomètre de galerie économisé aura donc une très grande valeur. Actuellement, le réseau de galeries mesure plus d’un kilomètre de long, et les chercheurs continuent d’en percer d’autres quand cela est nécessaire. Ils testent les différents paramètres des galeries et des puits. Ils modifient par exemple leur diamètre ou les matériaux et la structure des renforcements. À certains endroits, les galeries ne font que cinq mètres de large, à d’autres elles en font dix. Ailleurs, l’enveloppe de béton peut avoir une épaisseur allant de 20 à 50 centimètres.

Des centaines de forages expérimentaux ont été effectuées dans toutes les directions depuis les galeries. Environ 10 000 capteurs et appareils de mesure différents y ont été installés. Ils sont censés indiquer la meilleure combinaison possible et comment la roche environnante se comporte. Ils surveillent par exemple la température, l’humidité et les mouvements microscopiques. À partir des données recueillies sur plusieurs années, ils tâchent de modéliser l’évolution pour les milliers d’années prochaines.

L’incendie, la pire menace

“Les galeries sont construites de telle manière qu’au lieu de libérer l’énergie d’un tremblement de terre à l’intérieur, elles l’expulsent”, explique Jacques Delay, responsable de l’équipe de