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À Hebi, la ruée vers l’immobilier des “fauchés de Chine”

Ding Le, un Pékinois de 39 ans, ne passe pas inaperçu dans le groupe d’acheteurs immobiliers qu’il a créé il y a quelques années sur [le réseau social] WeChat. Ce groupe, très actif, compte près de 400 membres, presque tous étrangers à la région, ayant déjà acheté un logement à Hebi ou souhaitant le faire prochainement. Les discussions portent surtout sur les biens immobiliers à vendre pour une bouchée de pain dans la vieille ville, ou sur la vie à l’écart du monde qu’on peut y mener.

En matière d’acquisition immobilière, Ding Le n’y va pas avec le dos de la cuillère : depuis fin 2020, il est devenu propriétaire de pas moins de quatorze appartements très bon marché boudés par les habitants locaux, dans la vieille ville de Hebi, en déboursant au total 300.000 yuans [environ 38.000 euros]. Quand il s’est porté acquéreur de huit appartements pour 100.000 yuans, son achat est apparu dans le top des recherches du réseau social chinois Weibo, et cette petite bourgade du nord du Henan [dans le centre-est de la Chine] a été placée sous le feu des projecteurs pour la première fois de son histoire.

Il y a quelques jours, il s’est encore offert un quatre-pièces dans un immeuble vieux de 31 ans pour 18.000 yuans [2.300 euros]. Une épaisse couche de poussière y recouvre le sol, le carrelage comporte des traces de moisissures, et les murs sont noircis par la fumée. On se croirait dans un logement encore en chantier. C’est le quinzième bien que Ding Le achète à Hebi. Dans chaque cas, il s’agit d’appartements présentant des inconvénients rédhibitoires pour la plupart des gens, du fait de leur état de saleté ou de délabrement, de fuites au plafond ou encore de leur emplacement trop éloigné.

L’achat le moins cher réalisé par Ding Le porte sur un bien situé dans le district de Heshan, dans la partie la plus ancienne de la ville. Il en a obtenu le titre de propriété pour seulement 1.000 yuans. L’appartement se trouve au premier étage d’un immeuble en briques rouges, sans aucun autre bâtiment autour, près d’une bretelle d’accès à l’autoroute. De gros camions passent souvent sous ses fenêtres. L’un d’eux a même fait un jour un trou dans la rambarde en fer du balcon du premier étage.

“Vagabond cherche nouvelle vie

Ding Le est très fier de sa capacité à dénicher des bonnes affaires. Il y a trois ans, il avait eu vent de ce logement proposé à la vente par un agent immobilier au prix de 2.000 yuans. Faute d’acquéreur, au bout de six mois, ce prix a été divisé par deux, ce qui l’a décidé à faire une offre.

Personne ne comprend les raisons de son choix. Lui-même ne se l’explique pas, mais estime que pour un bien aussi peu cher, on n’a pas à se justifier :

“Pour 1.000 yuans, on n’a même pas un smartphone de nos jours. Je trouve ça amusant de pouvoir acheter un logement à ce prix-là !”

En fait, bien avant que Ding Le ne jette son dévolu sur la ville, Hebi était déjà une destination très prisée de nombreux internautes, désireux de vivre de façon un peu recluse.

En décembre 2020, un internaute au pseudo d’“enfant malchanceux” a raconté en direct d’un cybercafé de Hebi toute la démarche qui l’avait conduit à acheter un logement sur place pour y vivre en reclus. Son message lui a valu plus d’un millier de réponses, et de nouvelles continuent toujours d’affluer. Après s’être constitué un pécule de quelques dizaines de milliers de yuans en travaillant à Shanghai pendant plusieurs années, “enfant malchanceux” avait acheté pour 37.000 yuans un appartement situé au dernier étage d’un immeuble de Hebi pour y vivre coupé du monde.

C’est là qu’il passe l’hiver à jouer à des jeux vidéo, ne retournant à Shanghai que durant l’été pour y gagner un peu d’argent en faisant des petits boulots. Il est donc devenu, en quelque sorte, un travailleur itinérant.

On peut lire de plus en plus d’histoires comme la sienne. Dans les forums intitulés “nomades” ou “reclus”, ils sont des dizaines de milliers de “vagabonds” comme lui à chercher sur le vaste territoire chinois un endroit où poser leurs valises. Beaucoup sont originaires de régions rurales, qu’ils ont quittées pour aller exercer des petits boulots dans les grandes métropoles. Arrivés à un certain âge, ils sont à la recherche d’un lieu pouvant leur servir de port d’attache.

Existence pépère

Mais, dans les grandes villes, les logements à vendre sont inabordables pour de nombreuses personnes, contraintes de se tourner vers des destinations plus isolées, comme d’anciennes villes minières ou des petites villes frontalières. Ainsi, à Yumen, dans le Gansu (nord-ouest du pays), Fuxin, dans le Liaoning (nord-est), ou Hegang, dans le Heilongjiang (nord-est), il est possible d’acquérir un appartement pour quelques dizaines de milliers de yuans seulement. Mais depuis que les moteurs de recherche désignent Hebi comme un lieu où des biens sont à vendre pour quelques milliers de yuans, les “acheteurs immobiliers les plus fauchés de Chine” y affluent.

Selon un agent immobilier de la vieille ville, il est courant aujourd’hui de voir des personnes étrangères à la région acheter sept ou huit appartements à Hebi. Des habitants des provinces du Jiangsu (est du pays), du Nord-Est et du Henan sont intéressés par les logements à vendre. Ils les réservent directement sur Internet, par le biais d’agents auxquels ils donnent mandat d’acheter, sans même pa