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A la manifestation de Lyon, «les jeunes ne se laissent pas faire»

A Lyon, des bennes à ordures, des grilles et des cartons sont entassés devant les portails de la Manufacture des tabacs, le campus de l’université Lyon-III, resté fermé toute la journée. Une fois n’est pas coutume, les étudiants de cette faculté de droit, philosophie et langues ont rejoint dans le mouvement ceux de Lyon-II, l’entité dévolue aux sciences humaines et économiques. Selon le rectorat de Lyon, seuls cinq établissements scolaires ont également été bloqués ce mardi. «Et nous aussi, on passera en force», haranguent en chœur une demi-dizaine de militants dans des mégaphones. Face à eux, plusieurs milliers de manifestants brandissent banderoles et pancartes dans un pack resserré. Un cortège fourni et surmonté d’un gros bouquet de drapeaux de l’Unef, des Jeunes communistes, des Jeunes socialistes et des insoumis. C’est le tronçon «jeunes» de la manifestation lyonnaise de cette dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, qui a rassemblé 35 000 personnes selon l’intersyndicale, 12 500 selon la préfecture.

Devant Lyon-III, une pancarte interroge : «Le problème des blocages ? Y’a jamais assez de poubelles pour y mettre le gouvernement et le patronat.» Pour Evann, il est évident que «Borne et ses ministres doivent sauter». «Difficile de se projeter sur la retraite quand on n’a pas encore travaillé», reconnaît l’étudiant en philosophie de 19 ans, qui espère pourtant que cette réforme «s’arrête d’une manière ou d’une autre, que ça change». Alors il s’est décidé à rejoindre le cortège lyonnais jeudi dernier, puis est revenu ce mardi. Son acolyte Matthieu, 21 ans, opine. «Pas vraiment politisé», ce serveur dans la restauration a voté pour la première fois à la présidentielle en 2022, pour Mélenchon : «J’y croyais de ouf.» Aujourd’hui, le «climat de tensions» lui «inspire de la peur». «Le problème, c’est que les policiers sont surarmés face aux manifestants, souligne Evann. Je préférerais une mobilisation pacifique mais pour l’instant, ça n’avance pas, ça ne sert pas à grand-chose.»

«Cette réforme, ça concerne aussi la police»

Malgré tout, Alice, 18 ans, veut pouvoir raconter plus tard comment ce mouvement «a marqué l’histoire» : «Je suis hyper curieuse de ce qu’il se passe sur le terrain, je n’ai pas envie de manquer ça, je veux voir comment les jeunes ne se laissent pas faire», explique cette étudiante en droit et sciences politiques. Ses potes l’ont «vachement encouragée» à défiler, alors que sa mère préférerait qu’elle ne mette pas les pieds en manif. «Ils m’ont expliqué l’utilisation abusive du 49.3 et j’ai vu la violence policière totalement injustifiée» : jeudi dernier, la jeune femme s’est fait gazer «sans raison». «Affolant», dit-elle en portant la main à sa gorge. Parmi ses camarades, Emile ne s’était «jusque-là pas trop mobilisé» : «Je n’y prêtais pas énormément attention», dit cet étudiant en histoire de l’art de 19 ans. Mais une «accumulation de frustrations» l’a poussé à suivre les copains : «Le concept antidémocratique du 49.3, ça m’a énervé et le coup de trop, ça a été la motion refusée à neuf voix près. Là, je me suis dit que j’allais apporter mon soutien.» Jeudi puis ce mardi, Emile est venu «pour être un de plus parmi les manifestants recensés» : «Je n’ai pas envie de brandir une pancarte mais je fais le nombre, c’est important.»

Djalil aussi s’est motivé tardivement pour qu’il y ait «plus de monde» pour faire pencher la balance : «Si on n’agit pas, ça peut vouloir dire qu’on est pour, il faut inverser la tendance», explique ce commercial de 19 ans. Avec son amie Emma, étudiante en BTS économie sociale et familiale, ils craignent les violences de chaque camp. «Le gouvernement ne nous écoute pas alors le peuple se révolte, mais il faudrait un juste milieu avec la police, ça les concerne aussi, cette réforme», pointe Emma, qui a regardé énormément de vidéos d’affrontements lors des précédentes journées de mobilisation : «Les casseurs n’aident pas non plus la cause, mais quand la police s’en prend à des pacifistes, ça attise la haine», prévient la jeune femme. L’idée de la CFDT de mettre la réforme en «pause» les fait marrer. «OK si on refait tout entre-temps, tranche Djalil. Donc ça veut dire que c’est soit la dissolution, soit la VIe République.»