Au-delà des postures et des anathèmes jetés sur les salles de consommation à moindre risque (SCMR), il y a les faits. Ceux révélés ce mercredi 27 septembre dans la revue scientifique Addictions sont de nature à éclairer d’un jour favorable ce qu’on surnomme les «salles de shoot». Les scientifiques de l’Inserm, du CNRS, de l’EHESS et les universités de Strasbourg, Aix-Marseille et Bordeaux publient les résultats d’une grande étude, basée sur le suivi de 665 consommateurs de drogues de plus de 18 ans entre 2016 et 2018. Ils ont observé une «diminution de 90 % du risque de partage de matériel entre les personnes ayant accès aux salles de consommation», ainsi que celles «ayant accès à d’autres types de structures de réduction de risques».
Seulement 1 % des participants ayant accès aux salles de consommation «déclaraient être susceptibles de partager leur équipement d’injection, contre 11 % de ceux n’ayant pas accès à ces lieux». «Cela représente une diminution de 90 % du risque de partage de matériel par les SCMR, détaille Marie Jauffret-Roustide, chercheuse à l’Inserm et co-autrice de ces travaux, dans un communiqué de presse. Ce qui montre que, dans le contexte de soin français, ces lieux auraient un impact positif sur les pratiques à risque infectieux de VIH et d’hépatite C.»
En revanche, les chercheurs n’ont pas noté une grosse différence entre les deux groupes concernant le dépistage de l’hépatite C, qui est proposé dans les SCMR. Perrine Roux, co-autrice de la publication, explique ces résultats «par le fait que le modèle de soin français permet de proposer désormais systématiquement un dépistage de l’hépatite C dans les [autres] lieux de réduction des risques».
Il n’y a pas non plus de grande différence dans la prise de traitements contre la dépendance par agonistes opioïdes (TAO) – des médicaments qui limitent le sevrage et réduisent les états de manque d’opioïdes –
entre les publics fréquentant ou non une SCMR. «Selon notre étude, les personnes qui accèdent aux salles de consommation à Paris sont très nombreuses à utiliser des sulfates de morphine sans prescription, ce qui n’est pas encore considéré officiellement comme un TAO : cela pourrait donner un résultat sous-évalué pour les salles de consommation», précisent Marc Auriacombe et Laurence Lalanne, médecins et co-auteurs de ces travaux.
Quoiqu’il en soit, cette nouvelle étude est en «cohérence avec des travaux antérieurs» et apporte une légitimité scientifique au développement des SCMR. Les auteurs appellent en conclusion à «faciliter l’accès à des traitements par agonistes opioïdes plus diversifiés et proposer des prises en charge globales».