France
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Adeline Hazan : «  Tous les enfants, doivent être protégés »

Ancienne Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, la présidente d’Unicef France, Adeline Hazan, alerte, avec une trentaine d’associations et ONG, sur le sort réservé aux mineurs non accompagnés (MNA). Et avance de nombreuses propositions pour « (l’) améliorer ».

Quelles sont les principales mesures qui devraient être prises pour garantir le respect des droits des MNA ?

Nous faisons 90 propositions pour une meilleure protection de ces enfants, car la prise en charge des MNA est très variable d’un département à l’autre. Aujourd’hui, si un mineur français se présente à l’aide sociale à l’enfance (ASE), il est immédiatement pris en charge. Si c’est un mineur étranger, certains départements le soupçonnent parfois de mentir. Nous voulons mettre fin à cette discrimination. D’après les chiffres des associations, 50 à 60 % de ces mineurs étrangers sont refusés, lorsqu’ils se présentent d’eux-mêmes, alors que pour 50 à 80 % d’entre eux les juges pour enfants reconnaissent finalement leur minorité. C’est pourquoi nous proposons que le juge des enfants soit mis au centre de la procédure d’accueil et que, pendant la période d’évaluation de son âge, le jeune soit considéré­ comme mineur. C’est ce qui s’appelle la présomption de minorité. Ces jeunes ont eu un parcours migratoire difficile et violent. Il faut qu’ils soient protégés, scolarisés et aient accès à des soins médicaux.

Comment évalue-t-on l’âge d’un mineur se présentant à l’ASE ?

Certains départements continuent de pratiquer des tests osseux, même si c’est une pratique reconnue comme non fiable. Nous dénonçons également le fichage de ces évaluations. Cela éloigne certains jeunes de toute protection. Ils n’osent pas se présenter de peur d’être fichés et refusés en se présentant dans un autre département. On observe, en outre, que des juges des enfants ordonnent parfois le placement d’un mineur non accompagné à l’ASE sans que le département exécute la mesure. Nous demandons que les subventions de l’État ne lui soient plus accordées s’il s’avère que le département ne respecte pas les décisions des juges. Aux frontières par ailleurs, notamment entre la France et l’Italie, la minorité des MNA est souvent remise en cause, la plupart du temps à partir de leur apparence physique. Ils y sont illégalement refoulés. Nous demandons qu’ils soient admis systématiquement et évalués par la suite. On observe aussi des cas où une personne se disant mineure mais évaluée majeure est enfermée en rétention. Lorsqu’on parvient à la faire reconnaître mineure, elle est libérée. Mais, parfois, entre-temps, elle a déjà été expulsée.

De nombreux enfants continuent d’ailleurs d’être placés en rétention…

L’enfermement, même pour un jour ou deux, est extrêmement traumatisant pour eux – même si ce n’est pas une prison, un centre de rétention, il y a des grilles, du bruit et des appels par haut-parleur, c’est un univers quasi carcéral. Le projet de loi, porté par Gérald Darmanin, propose donc de l’interdire pour les moins de 16 ans. C’est un premier pas mais aucun motif ne justifie la différence de traitement entre 16 et 18 ans. Un mineur l’est jusqu’à 18 ans. On ne comprend pas, par ailleurs, pourquoi cette interdiction ne serait effective qu’à partir de 2025, ni pourquoi elle ne concernerait pas Mayotte. Nous demandons d’interdire l’enfermement de tous les mineurs tout de suite et sur l’ensemble du territoire français. La France, depuis 2012, a été condamnée neuf fois par la Cour européenne des droits de l’homme à ce sujet. Depuis la première condam­nation, plus de 30 000 enfants ont continué d’être enfermés.

Quel sort réserve la France aux jeunes étrangers devenus majeurs ?

La loi prévoit actuellement que s’ils ont été accueillis avant leurs 16 ans, ils obtiennent automatiquement un titre de séjour temporaire d’un an à leur majorité. Mais que, s’ils ont été accueillis entre 16 et 18 ans, ils ne peuvent l’avoir qu’exceptionnel­lement, en justifiant de six mois de formation professionnelle « réelle et sérieuse ». On met ainsi de nombreux jeunes en situation irrégulière parce que tous ne sont pas en formation depuis si longtemps et que les notions « réelle et sérieuse » ne sont pas définies. Nous demandons que tous les mineurs pris en charge par l’ASE bénéficient d’un titre de séjour à leur majorité.

Les départements ont-ils les moyens de répondre à tous les besoins ?

D’un côté, l’État doit augmenter les aides pour l’hébergement d’urgence. De l’autre, les départements doivent aussi augmenter la part de leur budget destinée à la protection de l’enfance. Sinon, qu’il s’agisse de mineurs étrangers ou de mineurs français, il persistera un problème de nombre de places et de moyens mis en œuvre. Par ailleurs, certains départements sont, de fait, plus en tension concernant l’accueil des MNA. On peut imaginer une forme de péréquation financière entre les départements.