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Affaire du Louvre Abu Dhabi : une enquête de dimension internationale

Jean-Luc Martinez et Jean-François Charnier s’apprêtent-il à en finir avec la justice ? La chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris est censée se prononcer vendredi 3 février sur l’annulation de leur mise en examen, requise par l’avocat général. La justice les soupçonne d’avoir facilité l’acquisition, par le Louvre Abu Dhabi, de sept œuvres à la provenance douteuse pour un montant de 50 millions d’euros. Leurs défenseurs, respectivement François Artuphel et Corinne Hershkovitch, ont cherché, eux, à démontrer l’absence d’indices « graves et concordants » contre leurs clients.

La mise en examen de l’ancien président du Louvre, en mai, puis celle de son ex-bras droit, deux mois plus tard, sont le fruit d’une enquête menée de longue date par l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC). Dans son viseur, un réseau aux multiples ramifications, au Moyen-Orient, en Allemagne, en France, aux États-Unis…

Une enquête qui commence à New York

C’est en effet une information venue d’outre-Atlantique qui a permis aux enquêteurs français de suivre la piste des antiquités du Louvre Abu Dhabi. En 2018, le procureur de New York identifie un réseau ayant fait acheter au Metropolitan Museum of Art (Met) un sarcophage pillé en 2011 en Égypte – qui le récupère en 2019. L’OCBC – qui a pour habitude de « travailler en étroite coopération avec les Américains afin de prendre les réseaux dans leur globalité », selon son directeur, le colonel Hubert Percie du Sert – est alors informé qu’un intermédiaire français, Christophe Kunicki, apparaît dans le dossier.

Expert auprès de la maison de vente Pierre Bergé et Associés, celui-ci fait désormais partie des huit personnes mises en examen pour des motifs allant de l’escroquerie en bande organisée au recel, en passant par le blanchiment. C’est en effet Christophe Kunicki qui, en 2016, a notamment proposé la stèle de granit rose pour le Louvre Abu Dhabi, via l’ agence France-Muséums. Celle-ci conseille le musée des Émirats pour ses acquisitions. Jean-Luc Martinez est le président de son conseil scientifique, tandis que Jean-François Charnier en assure la direction scientifique.

Les interrogations des experts

Tous deux avaient-ils les moyens de connaître la véritable provenance des antiquités finalement sélectionnées ? Ont-ils fait leur possible pour le savoir ? « Jean-François Charnier, bien loin d’avoir fait preuve de négligence, a au contraire tenté de sécuriser les acquisitions faites par le Musée du Louvre Abu Dhabi en renforçant le processus de recherche de provenance », assure son avocate, Corinne Hershkovitch.

Dès qu’il a examiné une photo de la stèle de Toutankhamon, fin 2017, l’égyptologue Marc Gabolde s’est interrogé sur les informations du certificat, finalement transmises par le Louvre Abu Dhabi : la stèle a appartenu à Johannes Behrens, officier de la marine marchande allemande ; il l’a achetée au Caire à Habib Tawadros en 1933 ; elle serait restée outre-Rhin parmi les descendants de Behrens jusqu’à la fin des années 1990.

« Pourquoi n’en a-t-il parlé à personne ? »

« À l’époque, je me suis demandé comment, avec un salaire d’officier dans la marine, acquérir une telle œuvre ? Et si Behrens détenait un objet si extraordinaire, pourquoi n’en a-t-il parlé à personne ? », se remémore Marc Gabolde, interrogé en juin 2020 par l’OCBC.

« Lorsque j’ai une suspicion sur une œuvre, dans 90 % des cas, je trouve matière à l’étayer », témoigne de son côté l’archéologue Morgan Belzic, qui assiste l’OCBC sur plusieurs enquêtes. Mais la responsabilité d’une telle recherche incombe-t-elle aux conservateurs ? Son confrère Vincent Michel, qui travaille aussi avec l’OCBC, explique : « Ils sont formés pour attester de l’authenticité d’une œuvre, pas pour vérifier celle des documents, une démarche répressive. »