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Affaire Dupond-Moretti : « Un ministre est chargé de défendre l’intérêt général, pas de défendre tel ou tel intérêt privé »

Le ministre de la justice Eric Dupont-Moretti durant une visite à la cour d’appel de Cayenne en Guyane, le 29 septembre 2022.

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Alors que la Cour de justice de la République a ordonné lundi le renvoi en procès du garde des sceaux, notre journaliste Jean-Baptiste Jacquin répond en direct à vos questions sur la genèse des conflits entre l’ex-avocat et la magistrature, ainsi que sur la procédure enclenchée à son encontre.

Par définition la justice n’est pas prévisible. A l’occasion de ce pourvoi sur l’arrêt de renvoi du garde des sceaux devant la CJR, l’assemblée plénière de la Cour de cassation va devoir examiner toutes les nullités soulevées au cours de l’instruction par les avocats de M. Dupond-Moretti toutes les demandes d’audition de témoins qu’ils ont formulées en vain. Cela fait beaucoup de points différents à trancher. La Cour de cassation peut tout à fait renvoyer le dossier devant la commission d’instruction de la CJR en lui demandant de faire des actes d’instruction supplémentaires. Ou rejeter le pourvoi.

Jean-Baptiste Jacquin

Le Syndicat de la magistrature n’est pas tout puissant, pas plus que l’Union syndicaldes magistrat qui est le premier en termes de voix aux éléctions professionnelles. Ces deux syndicats ont bien déposé plainte contre le ministre en décembre 2020, après une plainte déposée par l’association de lutte contre la corruption Anticor. Mais ce n’est pas les syndicats qui ont mis en examen le ministres ni qui l’ont renvoyé devant la Cour de justice de la République. C’est la commission d’instruction de la CJR, composée de trois magistrats du siège de la Cour de cassation, qui a pris ces décisions. Il est vrai que la défense du ministre fait croire que ces étapes de procédure sont des décisions syndicales. Rémi Lorrain, l’un des avocats de M. Dupond-Moretti a ainsi dénoncé aujourd’hui à l’agence Reuters « une instrumentalisation gravissime du droit pénal et de la Cour de justice dont le seul objectif est de nuire à l’action politique du ministre de la Justice. » C’est un argument d’un avocat de la défense.

Jean-Baptiste Jacquin

Bien sûr que non ! La nomination au gouvernement ou la démission d’un de ses membres sont des décisions qui relèvent exclusivement du champ politique. Il y avait bien une « jurisprudence » établie dans les années 1990 par Pierre Bérégovoy et Edouard Balladur selon laquelle un ministre mis en examen devait démissionner. Mais il s’agissait d’une pratique politique instaurée, non d’une règle juridique. Ce qui a permis à Emmanuel Macron de la remettre en cause en juillet 2021, lorsque Eric Dupond-Moretti a été mis en examen. Non seulement il l’a maintenu, mais il l’a reconduit en mai 2022 dans le premier gouvernement de son second quinquennat.

Jean-Baptiste Jacquin

Il n’y a pas beaucoup d’antécédants. Un tel pourvoi doit être examiné par la formation plénière de la Cour de cassation qui ne peut pas être convoquée rapidement. La dernière fois qu’un pourvoi en cassation a été formé contre une décision de renvoi devant la Cour de justice de la République, c’était pour le cas d’Edouard Balladur. Cela avait pris environ six mois. Donc, on peut imaginer une décision au printemps. Si le renvoi devant la juridiction de jugement était confirmé, le procès pourrait se tenir au cours du second semestre 2023.

Jean-Baptiste Jacquin

Bonjour Question de cohérence,

Très bonne question ! Lorsqu’il était avocat, Eric Dupond-Moretti travaillait pour des clients. Ses prises de position pouvaient donc être décidées en fonction des intérêts de ses clients, et c’est bien normal. Mais un ministre est chargé de défendre l’intérêt général, pas de défendre tel ou tel intérêt privé. La prise illégale d’intérêts, est un délit pénal institué pour prévenir ce risque.

Jean-Baptiste Jacquin

Début du tchat avec Jean-Baptiste Jacquin

De la genèse des conflits entre l’ex-avocat pénaliste et la magistrature à l’annonce du renvoi en procès du garde des sceaux pour « prises illégales d’intérêts » ce lundi et ses possibles conséquences, notre journaliste Jean-Baptiste Jacquin, chargé du suivi des questions de justice pour Le Monde, répond à vos questions sur l’affaire Dupond-Moretti.

La genèse des conflits entre l’ex-avocat pénaliste et la magistrature

D’où vient cette détestation réciproque entre une profession et celui qui est son ministre de tutelle ? La question oblige à revenir à la source, au temps où Eric Dupond-Moretti était avocat pénaliste. Une enquête menée par les grands reporters Gérard Davet et Fabrice Lhomme, à retrouver ici :

Posez vos questions dès maintenant à notre journaliste Jean-Baptiste Jacquin

Quelle est la genèse des conflits entretenus entre l’ex-avocat et la magistrature ? Quels sont les soupçons de « conflits d’intérêts » qui pèsent sur le garde des sceaux ? Alors qu’Eric Dupond-Moretti est le premier ministre en exercice à être renvoyé devant la Cour de justice de la République, quelles pourraient en être les conséquences juridiques et politiques ?

Jean-Baptiste Jacquin, journaliste en charge de la rubrique justice au Monde, répond à vos interrogations sur le sujet à partir de 14 heures.

La Cour de justice de la République ordonne le renvoi en procès du garde des sceaux pour « prises illégales d’intérêts »

Un ministre en exercice renvoyé devant la Cour de justice de la République (CJR), c’est totalement inédit. Eric Dupond-Moretti, ministre de la justice, s’est vu signifier lundi 3 octobre, par les magistrats de la commission d’instruction, son renvoi devant cette juridiction pénale pour être jugé pour « prises illégales d’intérêts ».

Ce délit est passible de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 euros. Cette décision de renvoi, qui clôt l’instruction ouverte en janvier 2021, est tout sauf une surprise. Mais elle risque de rendre la situation du garde des sceaux de plus en plus inconfortable. Décryptage, par Jean-Baptiste Jacquin :

Bienvenue dans ce tchat consacré à l’affaire Dupond-Moretti, suite à l’annonce d’un renvoi en procès du ministre de la justice pour « prises illégales d’intérêts »

  • La Cour de justice de la République (CJR) a ordonné lundi le renvoi en procès du ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, pour « prises illégales d’intérêts ». Ses avocats ont annoncé immédiatement un pourvoi en cassation. L’ancien ténor du barreau, à la tête du ministère de la justice depuis l’été 2020, est accusé d’avoir profité de sa fonction de garde des sceaux pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir lorsqu’il était avocat, ce qu’il conteste.
  • Des plaintes de syndicats de magistrats et de l’association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflit d’intérêts depuis son arrivée à la chancellerie, avaient donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire en janvier 2021.
  • Le premier dossier concerne l’enquête administrative que le ministre a ordonnée en septembre 2020 contre trois magistrats du Parquet national financier (PNF). Ces derniers avaient fait éplucher les factures téléphoniques détaillées de l’avocat avec pour objectif de débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy dans l’affaire des écoutes. Un vice-procureur du PNF, Patrice Amar, et son ex-patronne, Eliane Houlette, ont comparu en septembre devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui doit rendre sa décision le 19 octobre. Aucune sanction n’a été requise à leur encontre. La troisième magistrate mise en cause, Ulrika Delaunay-Weiss, a, pour sa part été blanchie.
  • Dans le second dossier, il est reproché au garde des sceaux d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients. Eric Dupond-Moretti avait critiqué ses méthodes de « cow-boy ». Le CSM a décidé le 15 septembre de ne pas sanctionner M. Levrault, estimant qu’« aucun manquement disciplinaire ne saurait lui être reproché ». Une décision qui a sonné comme un désaveu du ministre.
  • Soulevée à chaque étape procédurale de ce dossier, la question du maintien au gouvernement d’Eric Dupond-Moretti se pose de nouveau. « Il n’y a aucune raison qu’il démissionne », a rétorqué lundi un de ses avocats, Me Ingrain, sur BFM-TV, ajoutant : « Sa légitimité, il ne la tient pas des syndicats de magistrats, il la tient du président de la République et de la première ministre. »

Le contexte

Live animé par Marie Pouzadoux

Image de couverture : Le ministre de la justice Eric Dupont-Moretti durant une visite à la cour d’appel de Cayenne en Guyane, le 29 septembre 2022. JODY AMIET / AFP

  • Il est le premier ministre en exercice à être renvoyé devant cette juridiction : les magistrats de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR) ont ordonné, lundi 3 octobre, le renvoi en procès du ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, pour « prises illégales d’intérêts » – un délit passible de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende. Ses avocats ont annoncé un pourvoi en cassation.
  • L’ancien ténor du barreau, à la tête du ministère de la justice depuis l’été 2020, est accusé d’avoir profité de sa fonction de garde des sceaux pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir lorsqu’il était avocat, ce qu’il conteste. Des plaintes de syndicats de magistrats et de l’association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflit d’intérêts depuis son arrivée à la chancellerie, avaient donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire en janvier 2021.
  • Le premier dossier concerne l’enquête administrative que le ministre a ordonnée en septembre 2020 contre trois magistrats du Parquet national financier (PNF). Ces derniers avaient fait éplucher les factures téléphoniques détaillées de l’avocat avec pour objectif de débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy dans l’affaire des écoutes. Un vice-procureur du PNF, Patrice Amar, et son ex-patronne, Eliane Houlette, ont comparu en septembre devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui doit rendre sa décision le 19 octobre. Aucune sanction n’a été requise à leur encontre. La troisième magistrate mise en cause, Ulrika Delaunay-Weiss, a, pour sa part, été blanchie.
  • Dans le second dossier, il est reproché au garde des sceaux d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients. Eric Dupond-Moretti avait critiqué ses méthodes de « cow-boy ». Le CSM a décidé le 15 septembre de ne pas sanctionner M. Levrault, estimant qu’« aucun manquement disciplinaire ne saurait lui être reproché ». Une décision qui a sonné comme un désaveu du ministre.
  • Soulevée à chaque étape procédurale de ce dossier, la question du maintien au gouvernement d’Eric Dupond-Moretti se pose de nouveau. « Il n’y a aucune raison qu’il démissionne », a rétorqué lundi un de ses avocats, Me Ingrain, sur BFM-TV, ajoutant : « Sa légitimité, il ne la tient pas des syndicats de magistrats, il la tient du président de la République et de la première ministre. »

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