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Affaire Péchier : les soupçons d’empoisonnement s’accumulent sur l’ancien anesthésiste de Besançon

Il arrive régulièrement que la justice ait à se pencher sur des faits qui, au départ, apparaissaient impensables. Mais dans cette catégorie, l’affaire du docteur Frédéric Péchier bat tous les records. « C’est un dossier hors norme. Jamais on n’a connu une histoire similaire en France », estime Me Frédéric Berna, avocat de nombreuses parties civiles. « Comment aurait-on pu imaginer qu’un médecin ait pu volontairement empoisonner des patients de la clinique où il travaillait ? », ajoute-t-il.

À ce stade, le docteur Péchier est présumé innocent. « Il faut se méfier des accusations à charge et sans aucun recul », réplique Me Randall Schwerdorffer, défenseur du médecin qui nie formellement les faits.

Les chiffres donnent le vertige.

Ce mercredi 29 mars, le docteur Péchier sera entendu par une juge d’instruction de Besançon, dont sa défense a demandé la récusation. Elle pourrait le mettre en examen pour deux nouveaux cas de suspicion d’empoisonnement, dont un mortel, qui viendraient s’ajouter à une besace judiciaire déjà bien remplie. Pour l’instant, l’ancien anesthésiste est mis en examen pour 29 cas suspects d’empoisonnement, dont 12 mortels, et a le statut de témoin assisté pour un cas supplémentaire.

Les chiffres donnent le vertige, tout comme les motivations que l’accusation prête au mis en cause. Selon sa thèse, l’anesthésiste aurait agi pour régler ses comptes avec des collègues avec lesquels il était en conflit.

Des arrêts cardiaques inexpliqués

L’affaire débute en janvier 2017 à la clinique Saint-Vincent de Besançon. Deux patients font des arrêts cardiaques inexpliqués. Ce n’est pas la première fois que cet établissement est confronté à ce qu’on appelle, dans le jargon hospitalier, des EIG : des « événements indésirables graves ». Par le passé, d’autres arrêts cardiaques incompréhensibles sont survenus. À chaque fois, on a vérifié les anesthésiques délivrés aux patients. Mais personne n’a songé à regarder les poches contenant les solutés d’hydratation, ni celles de paracétamol visant à soulager la douleur. « Rien ne permettait de penser que le problème pouvait venir de ces poches ne contenant aucun anesthésique », indique Me Berna.

Mais après les deux accidents de janvier, les experts examinent les poches et découvrent qu’on y a ajouté du potassium et un anesthésique local. Ces deux substances peuvent provoquer des arrêts cardiaques. À partir de là, l’affaire s’emballe. Les enquêteurs décortiquent tous les EIG des années passées. Le problème est que, dans l’immense majorité des cas, les poches d’hydratation ou de paracétamol sont parties à la poubelle depuis longtemps. Des experts sont alors chargés d’éplucher les dossiers pour voir si l’EIG peut avoir été provoqué par un empoisonnement. Sur quatre corps exhumés, les experts trouvent aussi de nouveaux produits suspects (adrénaline et héparine).

Un rôle de « sauveur »

Certes, jamais le docteur Péchier n’a été pris en flagrant délit en train d’introduire un produit dans ces poches. Mais les investigations font apparaître des éléments troublants. « Dans l’immense majorité des cas, on constate que lorsqu’il avait une altercation avec un autre anesthésiste, peu de temps après, un problème grave touchait un patient de cet anesthésiste », explique une source proche de l’enquête.

Dans quatre cas, le docteur Péchier est aussi apparu comme un sauveur. « Après l’arrêt cardiaque, il a tout de suite trouvé le bon antidote à administrer. Alors que selon les experts, rien à ce moment-là ne permettait de savoir quel antidote choisir », poursuit cette source.

La défense conteste

Pour l’accusation, si le docteur Péchier trouvait aussi vite la parade, c’est parce qu’il savait exactement quel produit il avait placé, au départ, dans la poche. « Du coup, cela lui permettait d’humilier son confrère désemparé tout en apparaissant comme le meilleur anesthésiste de la clinique », ajoute ce proche du dossier en insistant sur « l’ego largement démesuré » du médecin.

Me Schwerdorffer conteste avec fermeté cette lecture du dossier. « D’autres EIG se sont produits sans aucune altercation préalable. Mais ils n’ont pas été retenus par les enquêteurs », indique l’avocat en ajoutant que toutes les expertises psychiatriques sont favorables à son client. « Nulle part, on ne retrouve ces fameuses failles narcissiques dont l’accusation parle tant. »

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Le précédent de Poitiers en 1984

Des anesthésistes impliqués dans un assassinat ? C’était en tout cas une des hypothèses évoquées, au départ, après la mort inexpliquée en novembre 1984 d’une patiente de 33 ans au CHU de Poitiers. Quelques jours plus tard, le chef du service d’anesthésie avait accusé deux jeunes confrères d’avoir volontairement inversé les tuyaux du respirateur pour lui nuire, en raison de différends professionnels. Finalement, les trois médecins seront renvoyés aux assises. Avant d’être tous acquittés quatre ans plus tard, au terme d’un procès très largement médiatisé.