
Photo Renaud Joubert
101 % de surpopulation
Voilà pour cette confrontation avec le monde réel. Ce lundi après-midi, la parlementaire a donc usé de son droit de visite d’un établissement pénitentiaire (voir encadré). De quoi avoir un aperçu des conditions de détention, de l’autre côté des murs du 112 de la rue Saint-Roch. Et de parler chiffres avec le directeur de la maison d’arrêt, Christian Patronne qui en dix ans à ce poste n’avait jamais accueilli de députés charentais dans ce cadre-là. « Seulement trois sénateurs », dit-il. De son côté, Caroline Colombier était venue pour avoir un aperçu de la surpopulation carcérale. À Angoulême, elle s’élève à 101 %. 200 hommes détenus pour 199 places et 13 matelas au sol. C’est peu ou prou le même ratio qu’en mars lorsque les avocats avaient procédé à leur propre visite. S’ajoutent 10 femmes et neuf mineurs, sans oublier les 13 personnes en quartier de semi-liberté.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce taux de remplissage. Tout d’abord, en théorie, une maison d’arrêt est censée accueillir des condamnés dont la peine n’excède pas deux ans. Or, ils sont nombreux à avoir écopé de peines plus importantes. 37 ont des peines comprises entre 1 et 3 ans, 5 entre 3 et 7 ans, 10 entre 15 et 20 ans, 12 entre 15 et 30 ans et deux détenus ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. « On ressemble de plus en plus à une maison centrale », illustre Christian Patronne. Problème, pour les personnes condamnées à plus de 5 ans de prison, leur transfert nécessite une évaluation réalisée par le centre national d’évaluation. Et pour ce faire, « c’est deux ans d’attente. » « Cela pose des questions de gestion”, ajoute Julien Delys, le directeur adjoint. “Quelqu’un qui a une réclusion criminelle à perpétuité voit des personnes qui entrent, qui sortent, c’est compliqué à gérer, cela crée une usure du détenu. »

Renaud Joubert
Beaucoup de détenus pour des violences conjugales
Autre facteur pouvant expliquant la surpopulation, la politique pénale en termes de violences intrafamiliales (VIF). Ils sont 36 à Angoulême à être incarcérés pour ces faits. « En 2021, on a eu entre +20 et 30 % d’effectifs avec les VIF », indique Julien Delys. Au-delà des chiffres, la visite s’est poursuivie en détention. Au quartier femmes, d’abord, derrière les barreaux roses de ce secteur. La députée a pu découvrir une cellule « arrivante » qui permet aux surveillants d’observer le profil des nouvelles détenues. Puis une autre, occupée par deux femmes. Des photos de bébés près des lits, des produits d’hygiène au-dessus du lavabo, un léger tissu pour calfeutrer la lumière blafarde. Dehors, elles sont quatre à prendre l’air en promenade tandis que trois condamnées suivent une formation restauration dans une salle d’activité.
La visite s’est poursuivie au mitard du quartier hommes, le quartier disciplinaire. « Alors, on a fait des bêtises ? », lance Christian Patronne en entrant dans cette cellule au mobilier scellé. L’homme, crâne rasé et bras tatoué accueille ces visiteurs. Il est ici car il s’est battu avec un autre détenu. « Huit jours, c’est rien », dit-il. « Au moins, ça remet en question, ça coupe un peu la détention… », dit-il. « Mais bon j’assume… J’ai 44 ans, se faire insulter je veux bien laisser passer mais ça va bien un moment… »
Un peu plus loin, le directeur ouvre une cellule avec quatre lits et un matelas au sol. Sur un casier, une photo découpée de Miss France est affichée à côté du calendrier du SA XV. Du linge sèche sur des fils accrochés au mur. « Cela fait plaisir d’avoir du monde qui s’intéresse à nous, c’est la première fois en trois ans et demi que ça m’arrive », souffle un détenu. L’un des autres occupants de la cellule assure que l’ambiance y est au beau fixe. « Ce n’est pas toujours le cas », glisse l’un d’eux. « J’ai fait une quinzaine de cellules en trois ans et demi… » La composition des cellules est un vrai enjeu de la détention. « Un Tetris », dit Christian Patronne. Il faut tenir compte de la situation de chacun, des affinités. « Les officiers essaient de trouver des solutions pour que ça se passe au mieux. » La règle étant : « chaque détenu doit avoir une réponse à une question en 48 h », édicte le directeur. « Il faut de l’humain. »