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Annie Ernaux : une romancière engagée, très sévère avec Emmanuel Macron

Annie Ernaux : une romancière engagée, très sévère avec Emmanuel Macron Le prix Nobel de littérature a été décerné ce jeudi 6 octobre à Annie Ernaux, femme de lettres française, dont l'oeuvre est très diffusée à l'étranger.

[Mis à jour le 6 octobre 2022 à 19h05] Annie Ernaux est donc le prix Nobel de littérature 2022. L'écrivaine française a été choisie par la très prestigieuse Académie suédoise pour l'ensemble de son œuvre. Une immense consécration pour cette femme de lettres au parcours singulier, qui a dédié presque exclusivement son encre à rédiger des récits autobiographiques. Ses ouvrages La place, L'Autre fille, Mémoire de fille, Les années et L'Evénement lui ont permis de conquérir la critique littéraire ces 40 dernières années et d'acquérir une aura de romancière de grand talent auprès de ses pairs. Annie Ernaux a été récompensée, en France, par le prix Renaudot, en 1984, et par le prix Marguerite Yourcenar en 2017. Son livre L'Evénement a été adapté au cinéma en 2021 par la journaliste et scénariste Audrey Diwan. La consécration du Nobel va donc apporter une nouvelle dimension à l'aura déjà internationale qu'elle avait acquise ces dernières années, grâce aux nombreuses traductions de ses ouvrages.

Emmanuel Macron a tenu a saluer la lauréate sur son compte Twitter. "Annie Ernaux écrit, depuis 50 ans, le roman de la mémoire collective et intime de notre pays. Sa voix est celle de la liberté des femmes et des oubliés du siècle. Elle rejoint par ce sacre le grand cercle de Nobel de notre littérature française", a-t-il sobrement rédigé. Le chef de l'Etat doit savoir que la romancière est aussi, à sa manière, une de ses opposantes politiques.

Annie Ernaux très hostile à Emmanuel Macron

En effet, questionnée en mars 2022, peu avant le premier tour de la présidentielle, sur ce que lui avait inspiré Emmanuel Macron en se présentant en 2017, Annie Ernaux confiait alors à Libération s'être demandée : "Mais d'où il sort ?" Sans langue de bois, la lauréate du prix Nobel de littérature 2022, qui se rappelait alors avoir lu qu'il était "soutenu par les banques", affirmait qu'Emmanuel Macron "a été créé par les puissances de l'argent – excusez-moi de parler marxiste". 

Une fois l'élection passée, et Emmanuel Macron installé à l'Élysée, Annie Ernaux affirme que c'est "son côté comédien [qui] a pris le dessus". Mais là encore, Annie Ernaux ne mâchait pas ses mots : "Au moment de l'incendie de Notre-Dame, il donne une impression de surjouer. Quoique, c'est peut-être sa nature, puisqu'il a fait du théâtre. " Et de dézinguer les phrases choc qui ont fait la réputation d'Emmanuel Macron : "Ça rime à quoi de dire, au début de la pandémie, 'On est en guerre'. Ses petites phrases – 'qu'ils viennent me chercher' ou 'traverser la rue pour trouver du travail' – ne sont pas des accidents : elles traduisent le fond d'une pensée, un mépris de classe", affirmait-elle dans les colonnes de Libération. Et Annie Ernaux de se demander : "Qu'est-il ressorti de tout cela ?", répondant elle-même dans la foulée : "Ce quinquennat est une accumulation d'annonces et de grandes messes."

Annie Ernaux plus opposée à Macron qu'à Sarkozy ?

L'écrivaine a publiquement indiqué qu'elle était en désaccord avec la politique sociale du gouvernement. À L'Express, il y a seulement quelques semaines, elle indiquait avoir voté pour Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, mais "la mort dans l'âme". Auprès du média, elle confiait être encore plus politiquement opposée à Emmanuel Macron qu'elle ne l'était à Nicolas Sarkozy. "J'ai beaucoup plus de détestation pour Macron. En raison de son mépris et de son arrogance. Et puis, il a toujours voulu faire croire... Il ne reste rien de sa grande consultation populaire. Et la grande cause du féminisme, parlons-en ! Enfin, il a détruit les services publics l'un après l'autre, l'école, la santé... D'une certaine manière, Sarkozy, lui, annonçait la couleur", disait-elle.

La lettre ouverte d'Annie Ernaux à Emmanuel Macron

La gestion de la crise sanitaire, ces dernières années, l'avait également alertée, au point qu'elle avait rédigé une lettre ouverte au chef de l'Etat, qu'elle avait lue sur France Inter en mars 2020, quelques jours après le confinement. "Depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d'alarme du monde de la santé et ce qu'on pouvait lire sur la banderole d'une manif en novembre dernier -L'état compte ses sous, on comptera les morts - résonne tragiquement aujourd'hui. Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l'Etat, préconisant l'optimisation des ressources, la régulation des flux,  tout ce jargon technocratique dépourvu de chair qui noie le poisson de la réalité", lui disait alors l'auteure. "Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d'un monde dont l'épidémie révèle les inégalités criantes, nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s'éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité. Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie, nous n'avons qu'elle, et 'rien ne vaut la vie' - chanson, encore, d'Alain Souchon", écrivait-elle, ajoutant : "Ni bâillonner durablement nos libertés démocratiques, aujourd'hui restreintes, liberté qui permet à ma lettre – contrairement à celle de Boris Vian, interdite de radio – d'être lue ce matin sur les ondes d'une radio nationale".

Annie Ernaux, fervent soutien des Gilets jaunes

Le nouveau prix Nobel de littérature est aussi une femme de conviction, qui n'a pas hésité ces dernières années à manifester publiquement ses opinions politiques. Elle signait en décembre 2018 une tribune en soutien au mouvement des Gilets jaunes, dans le journal Libération, une autre, quelques mois plus tard dans le même journal, pour dénoncer les réponses du gouvernement à cette grande crise sociale. Elle avait également pris position en 2012 en faveur de Jean-Luc Mélenchon et a réitéré sa position lors de la campagne 2022. Elle était d'ailleurs membre du Parlement de l'Union populaire, organe de soutien à l'homme de gauche. Elle disait à son égard, interrogée par son équipe de campagne : "Jean-Luc Mélenchon est pour moi l'homme politique qui veut vraiment répondre à une autre définition de la démocratie. C'est ce qu'on attend, c'est d'avoir une harmonie entre les citoyens".