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Anticiper l’effet des technologies

Réfléchir avant d’agir. Ce vieux et sage adage prend un sens très précis, mais redoutable, lorsqu’on l’applique aux innovations issues des sciences et des techniques. Dans nos sociétés capitalistes, les actionnaires des entreprises privées sont pressés. Ils souhaitent les mettre en œuvre le plus rapidement possible. Objectif ? Que l’avantage concurrentiel qui en découle produise le maximum de profits. Ce mécanisme peut se révéler dangereux. Par l’usage massif d’un objet ou d’une substance dont les effets nocifs pour les êtres humains ou les écosystèmes ne se dévoilent qu’avec le temps. Pour limiter ce risque, il faut l’anticiper. Développer des recherches sur ces effets possibles, avant le déploiement sans limite et sans précautions des produits de l’innovation technologique. Et donc réfréner l’appétit de profits. Puis imposer des règles fondées sur l’intérêt général et celui des générations futures.

Prenons un exemple où il est encore temps : l’usage de l’orbite terrestre. Certes, il existe depuis les années 1960 avec les premiers satellites. Mais le développement de technologies réduisant le coût de l’accès à cet espace ouvre la voie à une invasion inédite. Les « constellations » des géants du Net ou de SpaceX vont compter des dizaines de milliers de satellites. Cette invasion n’est pas sans risques, dont celui de déclencher, par chocs entre satellites ou avec des débris de plus en plus nombreux, une réaction en chaîne. Elle pourrait transformer certaines orbites les plus utiles en champs de mines. Écarter ce risque exige de le mesurer, puis de concevoir, signer et appliquer un traité mondial pour réglementer l’usage de l’espace circumterrestre, ce bien commun de l’humanité. Pour que cette démarche soit efficace, elle doit anticiper le risque et non le suivre. Or, s’il est encore temps pour l’orbite terrestre, il est déjà trop tard pour nombre des dégâts infligés aux écosystèmes marins, à la biodiversité terrestre ou pour un réchauffement climatique limité à 1,5 °C depuis la révolution industrielle.

Pour anticiper, il faut une recherche publique puissante et libre, chargée de l’évaluation des risques. Cette activité ne peut rapporter aucun profit ; elle sera donc toujours réduite par les actionnaires. Il faut des dirigeants politiques soucieux de l’intérêt général et d’un avenir plus lointain que celui de leur pouvoir. Les citoyens peuvent évaluer à ces deux points si leur pays peut, ou non, appliquer le prudent adage.