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Après la victoire de Meloni, les taux sur la dette italienne s'envolent

Jamais depuis une décennie les taux souverains des trois premières puissances de la zone euro n'avaient atteint de tels sommets. Le taux italien à dix ans a culminé à 4,5% ce lundi à 17h30, tandis qu'il atteignait déjà 4,3% vendredi à la veille des élections législatives italiennes. Plus au Nord, les taux allemands à dix ans et français se talonnent à respectivement à 2,1% et 2,7%.

Très scrutés par les marchés financiers, les taux d'intérêt exigés par les investisseurs pour prêter aux Etats témoignent de la confiance dans la solvabilité. Jusqu'à ce week-end, la hausse des taux souverains s'expliquait davantage par « la hausse générale des taux que par le risque spécifique inhérent à l'Italie », affirmait la semaine dernière à La Tribune Maddalena Martini, économiste Allianz Trade en charge de l'Italie. La pression qui se fait jour depuis ce lundi sur la dette italienne est néanmoins liée à la situation politique.

L'extrême-droite l'emporte en Italie : Giorgia Meloni au défi de la crédibilité économique

Deux partis eurosceptiques dans la future coalition au gouvernement

La victoire du parti post-fasciste Fratelli d'Italia, première force politique d'Italie ayant rassemblé 26% des voix, lui permet de gouverner avec une coalition d'union des droites. A ses côtés au gouvernement siègeront la Ligue de Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi. L'accession au pouvoir de cette coalition suscite une certaine appréhension des marchés financiers, spécifiquement sur le cas italien. En effet, les taux italiens grimpent plus vite que ceux de ses voisins.

Le « spread » (écart entre le taux souverain de référence allemand et celui de l'Italie) s'est creusé ce lundi. Quand les taux souverains des pays de la zone euro divergent de façon excessive, il en va de même pour la conjoncture économique générale et son unité s'en trouve menacée. C'est le mécanisme dit de « fragmentation ».

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Les divergences entre les programmes économiques des trois partis interrogent sur la ligne budgétaire du futur gouvernement. D'un côté, Giorgia Meloni s'est dit « hostile à creuser le déficit budgétaire car nous sommes déjà bien trop endettés » pendant sa campagne électorale dans la péninsule. De leur côté, Salvini et Berlusconi promettent d'établir un seuil d'impôt unique (respectivement à 15% et à 23%) pour provoquer un stimulus fiscal...qui impliquerait de renoncer à la progressivité de l'impôt et à une partie des recettes du fisc.

Pas de marge budgétaire

Pourtant, Rome n'a aucune marge de manœuvre budgétaire quand son taux d'endettement caracole à 150% du PIB. Soit une augmentation de 15% par rapport à l'avant-Covid. Seule la Grèce fait mieux (ou pire). Les marchés financiers savent qu'en cas de défaut sur la dette italienne les secousses se feront sentir bien au-delà des Alpes, à Bruxelles et dans toute la zone euro qui pourraient alors imploser.

En cas d'attaques spéculatives sur ses taux souverains, l'Italie se trouve vulnérable et très dépendante de ses partenaires européens, et de l'aide de la BCE. La BCE a dévoilé en juillet, lors des premières tensions sur les taux souverains, un mécanisme « anti-fragmentation ». Dans ce scénario, la BCE se positionne pour racheter massivement des obligations souveraines, faire remonter leur prix et donc réduire le taux d'intérêt réclamé sur ces obligations », précisait à La Tribune l'économiste Eric Dor en juillet. Reste à savoir dans quelle mesure la BCE utilisera ce mécanisme de solidarité, et quand quelles mesures Paris et Berlin l'accepteront, si Rome se lance dans une politique résolument anti-européenne et dispendieuse.

Relations potentiellement glaciales avec Bruxelles et Paris

Parfois cordiales, souvent glaciales, les premières réactions politiques des partenaires de l'Italie ne devraient pas apaiser les doutes des investisseurs. « Le peuple italien a fait un choix démocratique et souverain. Nous le respectons »,  a sobrement salué l'Elysée en guise de félicitations avant de rappeler que « c'est en Européens que nous réussirons à relever nos défis communs ». De même, Berlin demande à la future coalition des droites de rester « très favorable à l'Europe ».

« Si les choses vont dans une direction difficile (ndlr : comprendre hostile à Bruxelles), j'ai parlé de la Hongrie et de la Pologne, nous avons des instruments », avait averti Ursula von der Leyen à l'adresse de la future coalition la semaine dernière. Cette menace à peine voilée avait grandement irrité les partis de droite, notamment la Ligue de Matteo Salvini qui avait exigé des excuses de la présidente de la Commission.

Reste à savoir quelle ligne adoptera la future présidente du conseil italien Giorgia Meloni avec ses partenaires européens. Pendant sa campagne, la Romaine a joué la carte de la modération sur les sujets économiques et européens. « Meloni a fait un "aggiornamento" spectaculaire sur l'Union européenne. Historiquement, elle a toujours tenu un discours très anti-européen. Dans cette campagne, elle a fait preuve d'une modération nouvelle », racontait la spécialiste italienne de l'extrême-droite Anna Bonalume à La Tribune la semaine dernière. Une stratégie de la modération sur les questions budgétaires et européennes s'est avérée payante électoralement. Reste à savoir si Meloni gardera ce cap dans sa politique. La crédibilité de l'Italie sur les marchés financiers en dépendra.