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Armes à feu aux Etats-Unis : Les fusillades de masse, le grand mal de l’Amérique

Dans un pays qui compte plus d’armes à feu que d’habitants, les écoliers apprennent à s’accroupir pour éviter les balles, des héros se jettent sur des assaillants et les élus offrent leurs « pensées et prières ». Le constat chiffré est implacable : aux Etats-Unis, les fusillades de masse sont en augmentation constante depuis plus de 20 ans, dans un contexte plus récent de hausse généralisée des homicides. Les tueries se produisent dans les écoles, les églises, les supermarchés ou au travail. Et rien ne semble pouvoir les endiguer.

Les tueries en chiffres : près de deux fusillades de masse par jour

Trois fusillades et 21 morts en quatre jours. Les attaques dans un dancing de Los Angeles pour le nouvel an lunaire, dans une exploitation agricole au sud de San Francisco, et dans une station-service dans l’Etat de Washington ont fait les gros titres des journaux. Mais leur fréquence n’a rien d’exceptionnel : cela fait trois années consécutives, depuis 2020, que les Etats-Unis dépassent les 600 fusillades de masse par an, selon les statistiques compilées par le site Gun Violence Archive, qui les définit comme des attaques par arme à feu faisant au moins 4 morts ou blessés, sans compter le tireur.

A noter que le FBI utilise une définition bcp + restrictive de fusillades "active" (avec intervention des forces de l'ordre) qui exclut l'essentiel de la violence de gangs et règlements de comptes.
Mais hausse comparable, d'une trentaine en 2017/18/19 à 40 en 2020 à 61 en 2021. pic.twitter.com/VJkHQCtbyy

— Philippe Berry (@ptiberry) January 25, 2023

Le FBI, lui, comptabilise des événements plus rares excluant l’essentiel de la violence des gangs et du trafic de drogue : les incidents avec un tireur « actif », qui nécessitent une réponse en temps réel des forces de l’ordre pour stopper la menace. Un mal américain en progression constante depuis les années 1980, et qui s’accélère. Le nombre d’incidents a été multiplié par cinq depuis le début des années 2000 : d’une douzaine par an en moyenne (2000-2008) à 60 en 2021. Ces tireurs sont presque exclusivement des hommes, le plus souvent jeunes (33 ans en moyenne). Et si près de sept sur dix sont blancs, cela reflète la démographie globale de la population américaine.

Pendant longtemps, cette poussée de fièvre des fusillades de masse constituait un paradoxe : depuis les plus hauts des années 1990, le taux de meurtres a baissé de manière constante pendant 25 ans. Mais il a augmenté de plus de 50 % depuis 2014, avec un bond en 2020. A 6,9 meurtres pour 100.000 habitants, les Etats-Unis sont revenus aux niveaux de 1997, avec un taux cinq fois plus élevé qu’en France. Au total, il y a eu près de 23.000 meurtres aux Etats-Unis en 2021, à 80 % par arme à feu.

Après une baisse constante pendant 25 ans (divisé par 2 entre 1990 et 2014), le taux de meurtres/homicides volontaires aux USA a augmenté de 56% entre 2014 et 2021.
A 6.9/100.000 personnes, c'est 5x plus qu'en France (1.35).
A 80%, c'est par arme à feu.https://t.co/tFr3KrM7iR pic.twitter.com/I5jkBVw4I8

— Philippe Berry (@ptiberry) January 27, 2023

Les racines du mal : des « morts du désespoir »

Prévalence des armes, santé mentale mal prise en charge, inégalités économiques qui se creusent, pandémie du Covid-19… De nombreux facteurs sont listés par les experts pour expliquer une hausse des fusillades encore mal comprise. Mais pour Jillian Peterson et James Densley, chercheurs et cofondateurs du Violence Project, « ces tueries ne sont pas des actes aléatoires de violence mais plutôt les symptômes d’un problème sociétal plus profond : la hausse continue des ''morts du désespoir'' ». Un terme qui inclut notamment les suicides et les overdoses de la crise des opiacés, qui touche particulièrement les hommes blancs. Et a contribué, avec les morts du Covid-19, à faire baisser l’espérance de vie des Américains de 2,7 ans entre 2019 et 2021.

Jillian Peterson, psychologue et professeure de criminologie, et James Densley, qui enseigne le droit pénal, ont examiné 50 ans de données sur les fusillades, et livrent leurs résultats dans le New York Times :

Presque tous les tueurs sont des hommes, souvent isolés socialement de leurs familles ou de leurs communautés, qui se sentent marginalisés. Une fusillade de masse est un moyen de forcer les autres à être témoin de leur douleur en essayant de mettre fin à leurs jours d’une façon qu’ils contrôlent »

Que les assaillants soient abattus par la police, retournent leur arme contre eux ou passent la fin de leurs jours en prison, il s’agit, selon eux, « d’une forme de suicide ».

S’ils militent en faveur d’une réforme globale de l’accès aux armes à feu, ces experts estiment que les élus « doivent trouver des moyens de réduire l’isolation sociale et d’améliorer la prise en charge de la santé mentale ». Et de conclure : « Au lieu de ça, on a laissé les fusillades de masses se normaliser dans la culture américaine. »