C’est la fin de presque quatre ans d’attente et de calvaire pour la famille de Shaïna. Après cinq longues et denses journées d’audience, la cour d’assises des mineurs de Beauvais (Oise) a jugé l’ex-petit ami de la jeune fille coupable de son assassinat. L’adolescente de 15 ans, qu’il fréquentait depuis plusieurs semaines, avait été retrouvée poignardée et brûlée vive, en 2019, dans le cabanon d’un jardin ouvrier sur le plateau du Rouher, à Creil. En détention provisoire depuis trois ans, l’accusé a été condamné à 18 ans de réclusion criminelle.
Un peu plus tôt dans l’après-midi, le parquet avait requis trente ans de réclusion criminelle à l’encontre de celui qui a toujours clamé son innocence. Le jeune homme encourait jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle – le maximum pour un mineur – sauf si la cour décidait, comme l’a demandé le ministère public, de lever «l’atténuation de la responsabilité» dont bénéficient les mineurs en raison de leur âge. Les avocats du jeune homme, Me Elise Arfi et Adel Fares avaient plaidé «l’acquittement», a rapporté l’AFP, pour défendre leur client «pétrifié, terrorisé», face à la demande d’une peine «plus longue que toute sa vie». Il avait 17 ans à l’époque des faits, les débats se sont donc déroulés à huis clos.
«Shaïna a vécu toutes les violences de genre»
Le corps de Shaïna, calciné et lardé de coups de couteau, avait été retrouvé le 27 octobre 2019, après deux jours d’inquiétudes pour ses proches. Au lendemain d’un dîner en famille, la chambre de la jeune fille était restée vide : dans son sac à main qu’elle avait laissé, sa mère avait découvert un test de grossesse positif. Cette grossesse d’une dizaine de jours a été au cœur des débats devant la cour, celle-ci pouvant constituer un mobile pour le crime. Parmi les éléments à charge : le portable de l’accusé et celui de Shaïna ont borné près du cabanon peu avant le drame. Placé en détention provisoire, le jeune homme se serait également vanté derrière les barreaux «préférer prendre trente ans qu’être le père d’un bâtard».
Au dernier jour du procès, des affiches à la mémoire de la victime ont été déposées aux abords du tribunal, a rapporté une journaliste présente sur place. On pouvait y lire «Shaïna faisait partie de celles qui ont eu le courage de déposer plainte» ; «Shaïna n’a jamais été une fille facile». L’adolescente «a vécu toutes les violences de genre : un viol requalifié en agression sexuelle, des violences physiques et psychologiques, des insultes, des faits de harcèlement», face auxquelles la justice n’a «pas toujours été à la hauteur», a déclaré à l’AFP Me Zoé Royaux, avocate et porte-parole de la Fondation des femmes, qui s’est constituée partie civile. En 2017, l’adolescente avait été victime d’un viol collectif par des jeunes de la cité, dont son petit copain de l’époque, qui l’avait piégée dans une clinique désaffectée. La vidéo, postée sur les réseaux sociaux, avait participé à jeter l’opprobre et l’infamie sur la victime.
Triptyque de l’horreur
A 13 ans, Shaïna s’était alors retrouvée avec une étiquette de «fille facile» collée à la peau. Harcelée, montrée du doigt, elle avait notamment dû changer d’établissement scolaire. Elle avait déposé plainte, sans être suffisamment prise au sérieux ni protégée par les institutions, a toujours déploré sa famille. Six ans après les faits, quatre jeunes hommes ont été condamnés en appel, la semaine dernière, pour «agression sexuelle en réunion» à des peines de six mois à deux ans de prison – plus lourdes qu’en première instance.
Il reste désormais un ultime volet qui doit être jugé dans ce triptyque de l’horreur dont a été victime Shaïna : au printemps 2019, la jeune fille avait porté plainte une nouvelle fois contre ce même ex-petit ami, qui l’avait tabassée avec des copains pour la punir de l’avoir dénoncé. Le jeune homme a été renvoyé devant le tribunal pour enfants et comparaîtra donc prochainement pour «violences aggravées et menaces de mort».