France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Assassinat du journaliste Martinez Zogo : des dignitaires du régime camerounais impliqués, selon RSF

Son corps nu avait été retrouvé, affreusement mutilé, le 22 janvier à une quinzaine de kilomètres au nord de Yaoundé. L’assassinat du journaliste camerounais Martinez Zogo, directeur général de la radio Amplitude FM, au sein de laquelle il animait Embouteillage, une émission quotidienne qui dénonçait des affaires de corruption, a provoqué un électrochoc national. Deux semaines plus tard, l’enquête de la commission mixte (composée de gendarmes et de policiers) ordonnée par le président, Paul Biya, a grandement avancé. D’après certains éléments révélés ce vendredi par l’organisation Reporters sans frontières, de hautes personnalités du régime pourraient avoir été directement impliquées dans le meurtre du journaliste.

Une vingtaine de membres de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), les services de renseignements camerounais, ont été arrêtés ces derniers jours, dont son numéro 1, Léopold Maxime Eko Eko. Lors de ses auditions, le patron de la DGRE a nié avoir été informé du projet d’assassinat de Martinez Zogo. Mais selon RSF, son propre adjoint, Justin Danwe, aurait avoué avoir lui-même organisé et exécuté, avec ses hommes, l’enlèvement, la torture et le meurtre du présentateur. Il affirme que son supérieur était tenu informé de l’opération.

Filature, enlèvement, exécution

«Dans des aveux rédigés de sa propre main au cours de son interrogatoire, que RSF a pu consulter, celui qui apparaît comme le chef du commando livre un récit détaillé du plan macabre mis en place pour faire taire le journaliste. Un récit accablant qui démontre que l’homicide relève du crime d’Etat, dénonce l’organisation de défense des journalistes dans un communiqué publié ce vendredi. Le lieutenant-colonel [Danwe] décrit de manière précise une opération de filature qui a duré une semaine pour connaître les habitudes du journaliste jusqu’à son enlèvement dans la soirée du 17 janvier par des éléments de la DGRE, dont Justin Danwe lui-même, qui a constitué le groupe. Martinez Zogo est alors amené dans un immeuble en construction appartenant à Jean-Pierre Amougou Belinga.»

Ce dernier est un puissant homme d’affaires qui gravite dans les cercles du pouvoir camerounais. Martinez Zogo l’avait nommément accusé d’être impliqué dans des détournements de fonds à grande échelle. Selon Justin Danwe, Belinga aurait lui-même frappé le journaliste détenu dans le sous-sol de son immeuble.

«L’homme d’affaires aurait alors appelé le garde des Sceaux, Laurent Esso, dont il est proche, afin de lui demander quel sort réserver au présentateur radio, décrit RSF. D’après ce témoignage, le ministre, un des hommes les plus puissants du régime, lui aurait alors répondu de “finir le travail”. […] L’homme d’affaires n’aurait pas assisté à la “fin du travail” que Justin Danwe reconnaît avoir effectué avec ses hommes.» Le corps de Martinez Zogo a été sévèrement mutilé, selon des informations obtenues d’une source médicale par RSF : «Doigts coupés, multiples fractures au niveau des bras et des jambes, barre de fer enfoncée dans l’anus…»

Piliers du régime Biya

L’enquête ne fait que commencer, mais ces premières révélations sont accablantes pour Jean-Pierre Amougou Belinga, qui était toujours en liberté ce vendredi, et ses potentiels complices, remontant jusqu’au plus haut niveau de l’Etat camerounais, dont le ministre Laurent Esso et le patron des services de renseignement, Léopold Maxime Eko Eko, deux piliers du régime Biya.

Le Président, au pouvoir depuis 1982, aura 90 ans dans quelques jours. Dans les coulisses, plusieurs clans s’affrontent à couteaux tirés dans la perspective de sa succession. Le travail de la commission mixte sera-t-il affecté par cette sourde lutte d’influence ? L’affaire fait remonter à la surface les pires pratiques du règne de Paul Biya. «D’autres personnalités importantes dont plusieurs ministres proches de Jean-Pierre Amougou Belinga pourraient avoir été mises au courant et pourraient même être impliquées dans le projet ayant conduit à l’assassinat de Martinez Zogo», affirme RSF.