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Au Kosovo, violents heurts entre minorité serbe et soldats de l’Otan

Au Kosovo, violents heurts entre minorité serbe et soldats de l’Otan
Les manifestants réclament le départ des maires albanais jugés « illégitimes ».

Photo AFP

publié le 30 mai 2023 à 22h25.

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La situation restait tendue mardi devant la municipalité de Zvecan où des manifestants serbes continuaient d’affluer. De violents heurts ont fait lundi une trentaine de blessés parmi les soldats internationaux.

L’Otan a annoncé mardi l’envoi de nouvelles forces au Kosovo où des manifestants serbes sont toujours rassemblés devant une municipalité du nord du territoire, théâtre la veille de heurts ayant fait une trentaine de blessés parmi des soldats internationaux et une cinquantaine parmi les protestataires.

À Zvecan, des soldats en tenue anti-émeutes de la Kfor ont placé une barrière métallique autour de la mairie pour empêcher plusieurs centaines de Serbes d’y accéder. Trois véhicules blindés de la police kosovare, dont la présence suscite toujours l’ire des Serbes majoritaires dans quatre localités du Nord du Kosovo, étaient garés devant la mairie.

Les Serbes ont boycotté les municipales d’avril dans ces villes, ce qui a abouti à l’élection de maires albanais avec une participation de moins de 3,5 %. Ces édiles ont été intronisés la semaine dernière par le gouvernement d’Albin Kurti, le Premier ministre de ce territoire en très large majorité peuplé d’Albanais, faisant fi des appels à l’apaisement lancés par l’Union européenne et les États-Unis.

La Serbie, soutenue par ses alliés russe et chinois, n’a jamais reconnu l’indépendance proclamée en 2008 par son ex-province, une décennie après une guerre meurtrière entre forces serbes et rebelles indépendantistes albanais. Des tensions éclatent régulièrement entre Belgrade et Pristina.

120.000 Serbes vivent au Kosovo

Quelque 120.000 Serbes vivent au Kosovo, sur 1,8 million d’habitants. Environ un tiers d’entre eux habitent dans le Nord.

Les manifestants réclament le départ des maires albanais jugés « illégitimes » tout comme celui de la police kosovare.

La situation avait déjà dégénéré vendredi lorsque les maires étaient venus prendre leurs fonctions accompagnés par les forces de l’ordre kosovars. Lundi, dans un nouvel accès de fièvre, des manifestants serbes ont tenté de forcer la porte d’entrée de la mairie de Zvecan mais ont été repoussés par les forces kosovares. Les protestataires avaient répliqué en lançant des pierres, des bouteilles et des cocktails Molotov en direction des soldats.

Dix-neuf soldats hongrois et 11 italiens ont été blessés dans ces heurts, a annoncé mardi la Kfor dans un communiqué, précisant qu’ils souffraient notamment de « fractures et des brûlures causées par des engins explosifs incendiaires improvisés ». « Trois soldats hongrois ont été blessés par des armes à feu », selon la même source. Au moins 52 personnes ont été blessées dans les rangs des manifestants serbes, dont trois grièvement, a dit le président serbe Aleksandar Vucic.

Face à cette énième crise entre les deux anciens ennemis, l’Union européenne a appelé Serbes comme Kosovars à « désamorcer les tensions immédiatement et sans condition ». Paris a demandé aux « parties, en particulier le gouvernement du Kosovo, à prendre immédiatement les mesures qui s’imposent pour réduire les tensions ».

Les principaux sujets qui fâchent

Outre les tensions de cette semaine provoquées par l’élection de maires albanais dans des localités à majorité serbe, voici quelques éléments sur les relations compliquées entre les deux anciens ennemis, qui constituent un obstacle majeur à leur intégration européenne éventuelle.
• La reconnaissance. La bataille des maires touche en fait à la question de l’indépendance du Kosovo proclamée en 2008, près d’une décennie après une guerre qui fit environ 13.000 morts, en majorité des Kosovars albanais. Le Kosovo est reconnu par une centaine de pays, dont la plupart des Occidentaux, et depuis peu par Israël. Pour le Premier ministre kosovar Albin Kurti, la souveraineté est intangible et rien ne peut être discuté sans que la réalité de l’indépendance ne soit reconnue.
Mais de nombreux Serbes considèrent le Kosovo comme leur berceau national et religieux. Belgrade n’a jamais admis l’indépendance, pas plus que la Russie et la Chine, ce qui prive Pristina d’une place à l’ONU. Cinq membres de l’Union européenne sont également sur cette ligne. Le jeune État a cependant été admis au sein de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, du Comité international olympique, de la Fédération internationale de football et de l’Union des associations européennes de football.
• Un État dans l’État ? La minorité serbe compte environ 120.000 personnes, largement fidèles à Belgrade, dont un tiers résident dans le nord du Kosovo, près de la frontière avec la Serbie qui les soutient financièrement. Les autres membres de la minorité sont dispersés dans une dizaine d’enclaves. Dans ces zones, le drapeau serbe flotte partout, les gens utilisent le dinar serbe. Toute intervention policière est source de tensions. Les habitants du nord du Kosovo ne paient ni l’eau, ni l’électricité, ni les impôts, un manque à gagner de dizaines de millions d’euros.
Un accord de 2013 prévoyant la création d’une association de dix « municipalités » où vit la minorité serbe est resté lettre morte, Belgrade et Pristina ne s’entendant pas sur leurs compétences. Nombre de Kosovars albanais craignent la création d’un gouvernement parallèle contrôlé par Belgrade.
• Et maintenant ? Pour Albin Kurti, l’édification d’un État maître de ses fonctions régaliennes et doté d’institutions efficaces est primordiale. Mais pour de nombreux Serbes, permettre à Pristina d’exercer sa souveraineté revient à reconnaître de facto que le territoire n’est plus contrôlé par Belgrade et ne reviendra pas de sitôt dans le giron de la mère patrie.
Depuis les bombardements de l’Otan qui mirent fin en 1999 au conflit entre forces serbes et guérilleros kosovars, les relations entre Pristina et Belgrade vont de crise en crise. Bruxelles, qui dirige les négociations entre les parties depuis 2011, a annoncé en mars que les deux camps étaient parvenus à un accord visant à normaliser leurs relations. Mais le texte n’a été signé ni par Belgrade ni par Pristina.