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Aux supérieurs majeurs le pape précise : “Le monde a besoin de nous, les personnes consacrées, pour être des artisans de paix”

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenus !

Je suis heureux de vous accueillir, vous tous, membres de l’Union des Supérieurs Généraux, avec l’archevêque du Dicastère des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique. Je remercie le père Arturo Sosa pour ses aimables paroles.

Être appelés à être des artisans de paix est la question que vous avez abordée, en vous basant sur l’encyclique Fratelli tutti, au cours de votre Assemblée. Il s’agit d’un appel urgent qui concerne tous, notamment les personnes consacrées : être des artisans de paix, de cette paix que le Seigneur nous a donnée et qui nous fait sentir tous frères : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14, 27).

Quelle est cette paix que Jésus nous donne ? Et en quoi diffère-t-elle de la paix que le monde nous donne ? Ces temps-ci, quand nous entendons le mot « paix », nous pensons surtout à une situation de non-guerre ou de fin-de-guerre, un état de tranquillité et de bien-être. Or, nous savons que ce n’est pas ce que désigne, dans le contexte biblique, le terme hébreu shalom, dont le sens est bien plus riche.

La paix de Jésus est tout d’abord un don que lui-même nous fait, fruit de la charité, et jamais une conquête de l’homme ; et, à partir de ce don, elle est l’ensemble harmonieux des relations avec Dieu, avec soi-même, avec les autres et avec la création. La paix, c’est aussi cette expérience de la miséricorde, du pardon et de la bienveillance de Dieu qui nous rend capables, à notre tour, d’exercer la miséricorde, le pardon, et de rejeter toute forme de violence et d’oppression. Voilà pourquoi la paix de Dieu, en tant que don, est indissociable du fait d’être des artisans et témoins de paix, comme il est dit dans Fratelli tutti, « des artisans de paix disposés à élaborer, avec intelligence et audace, des processus pour guérir et pour se retrouver » (1).

Comme nous le rappelle saint Paul, Jésus a abattu le mur de l’inimitié qui séparait les hommes pour les réconcilier avec Dieu (cf. Ep 2, 14-16). C’est cette réconciliation qui définit la manière d’être des « artisans de paix » (Mt 5, 9), car, comme nous le disions, la paix n’est pas une simple absence de guerre, ni un équilibre entre les forces adverses. Elle se base plutôt sur la reconnaissance de la dignité de la personne humaine et exige un ordre auquel concourent indissociablement la justice, la miséricorde et la vérité (2).

« Faire la paix » est donc un métier artisanal, à exercer avec passion, patience, expérience, ténacité, car c’est un processus qui dure dans le temps (3). La paix n’est pas un produit industriel, c’est un ouvrage artisanal. Elle n’est pas réalisée de façon mécanique, elle nécessite l’intervention adroite de l’homme. Elle n’est pas fabriquée en série, par le simple développement technologique, elle nécessite le développement humain. Ces processus de paix ne peuvent pas être délégués aux diplomates ou aux militaires : la paix est une responsabilité qui incombe à chacun.

« Heureux les artisans de paix » (Mt 5, 9). Heureux nous, les personnes consacrées, si nous nous engageons à semer la paix par nos actions quotidiennes, par des attitudes et gestes de service, de fraternité, de dialogue, de miséricorde ; et si dans la prière nous invoquons sans cesse le don de la paix, en le demandant à Jésus-Christ, « notre paix » (Ep 2, 14). La vie consacrée peut alors devenir une prophétie de ce don, si les personnes consacrées apprennent à devenir ses artisans, en commençant par leur propre communauté, en construisant des ponts et non pas des murs à l’intérieur et à l’extérieur de celle-ci. Lorsque chacun contribue en faisant son devoir avec charité, il y a la paix dans la communauté. Le monde a besoin de nous, les personnes consacrées, pour que nous soyons aussi des artisans de paix !

Cette réflexion sur la paix, frères et sœurs, me conduit à considérer un autre aspect caractéristique de la vie consacrée : la synodalité, ce processus dans lequel nous sommes tous appelés à nous engager, en tant que membres du peuple saint de Dieu. Nous, les personnes consacrées, nous sommes tenues tout particulièrement à y participer, la vie consacrée étant de par sa nature synodale. Elle dispose d’ailleurs de nombreuses structures qui peuvent favoriser la synodalité : je pense aux chapitres – généraux, provinciaux ou régionaux, et locaux – aux visites fraternelles et canoniques, aux assemblées, aux commissions et à d’autres structures propres à chaque institut.

Je remercie ceux qui ont offert et qui offrent leur contribution en participant, à différents niveaux et dans divers domaines, à ce chemin. Merci parce que vous faites entendre votre voix en tant que personnes consacrées. Mais comme nous le savons bien, il ne suffit pas d’avoir des structures synodales : il faut « les revisiter », en se posant tout d’abord la question : comment ces structures sont-elles préparées et utilisées ?

Dans ce contexte, il faut voir, et peut-être revoir, la façon d’exercer le service de l’autorité. Il est en effet nécessaire de veiller contre le danger qu’elle puisse dégénérer dans des formes autoritaires, parfois despotiques, et dans des abus de conscience ou spirituels, qui sont un terrain propice aux abus sexuels parce qu’on ne respecte plus la personne ni ses droits. Il existe aussi le risque que l’autorité soit exercée comme un privilège pour ceux qui la détiennent ou pour ceux qui la soutiennent, et qu’une forme de complicité se crée entre les parties pour que chacun fasse ce qu’il veut, favorisant ainsi paradoxalement une sorte d’anarchie, qui est si fortement préjudiciable à la communauté.

Je souhaite que le service de l’autorité soit toujours exercé dans le style synodal, en respectant le droit propre et les médiations qu’il prévoit, pour éviter l’autoritarisme, les privilèges ou le « laisser faire », et en favorisant un climat d’écoute, de respect pour l’autre, de dialogue, de participation et de partage. Par leur témoignage, les personnes consacrées peuvent apporter beaucoup à l’Église dans ce processus de synodalité que nous vivons actuellement. Pourvu que vous soyez les premiers à la vivre : à marcher ensemble, à vous écouter les uns les autres, à mettre en valeur la diversité des dons, à être des communautés accueillantes.

Dans cette perspective s’inscrivent aussi les démarches pour l’évaluation de l’aptitude, pour que le renouvellement générationnel à la tête des instituts puisse se produire de la façon la plus adaptée. Sans improvisation. En effet, pour comprendre les problèmes actuels, souvent inédits et complexes, une formation adéquate est nécessaire, sans laquelle on ne sait pas très bien où l’on va et on « navigue à vue ». De plus, une réorganisation ou reconfiguration de l’institut doit toujours être faite en sauvegardant la communion, pour ne pas tout réduire à des unifications de circonscriptions, qui peuvent s’avérer difficilement gérables ou causes de conflit. À cet égard, il est important que les supérieurs veillent à éviter que certains membres ne soient pas bien occupés, car cela non seulement nuit à la personne, mais crée aussi des tensions au sein de la communauté.

Chers frères et sœurs, merci de cette rencontre ! Je vous souhaite de poursuivre avec sérénité et profit votre service, et d’être des artisans de paix. Que la Vierge vous accompagne. Je vous bénis de tout cœur. Et je vous demande de prier pour moi.