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Avec le Nicaragua, le Vatican à la recherche d’une voie diplomatique

« Ces choses sont difficiles à comprendre. » Dans l’avion qui le ramenait de Noursoultan, la capitale kazakhe, le pape François n’a pas caché, le 15 septembre, une forme de perplexité. Qu’est-ce qui a pu pousser le régime du Nicaragua à durcir, en quelques semaines, sa position à l’encontre de l’Église catholique ? Déjà, l’expulsion, en mars, du nonce apostolique en poste à Managua depuis 2018, Mgr Waldemar Stanisław Sommertag, avait créé une onde de choc à Rome. Le Vatican avait dénoncé une « mesure incompréhensible », « grave et injustifiée ».

Depuis, la répression du pouvoir de Daniel Ortega contre l’Église catholique n’a cessé de s’accentuer. Des religieuses, Missionnaires de la charité, ont été expulsées du pays fin juin. Le 19 août, c’est un évêque, celui de Matagalpa, Mgr Roland Alvarez, qui a été arrêté par la police, avant d’être placé en résidence surveillée dans la capitale. Sa situation est à peine meilleure que celle des huit prêtres emprisonnés dans la prison d’El Chipote. Dans ce centre carcéral de la capitale, les conditions de détention sont particulièrement difficiles. « On y pratique la torture blanche, s’inquiète une source vaticane. Lumière blanche allumée toute la journée, murs blancs, isolement total, interdiction des visites. »

Relations diplomatiques quasi rompues

La décision du régime, qui a aussi expulsé ces dernières heures la représentante de l’Union européenne dans le pays et celle des Pays-Bas, et n’a pas accordé d’agrément au représentant des États-Unis, a placé le Saint-Siège dans une situation de rupture des relations diplomatiques avec Managua. La précédente ambassadrice nicaraguayenne, qui avait présenté ses lettres de créances en avril 2021, avant de quitter son poste cinq mois après, aurait dû être remplacée par une nouvelle représentante, dont la nomination a été annulée en mars 2022, juste après l’expulsion du nonce.

Certes, un conseiller ecclésiastique réside encore à la nonciature, mais il n’a plus « aucun contact » avec le gouvernement du Nicaragua, selon nos informations. Seul le cardinal et archevêque de Managua, Leopoldo Brenes, entretient encore une « relation microscopique » avec le pouvoir, souligne-t-on à Rome.

Une commission vaticane à Managua ?

Comme dans de très nombreuses chancelleries, la diplomatie vaticane en est à formuler des hypothèses pour expliquer l’attitude du président nicaraguayen. « On croirait qu’Ortega est convaincu qu’il n’a plus besoin de l’Occident, et qu’il peut donc s’isoler sans problème », affirme-t-on au Vatican. Où l’on poursuit : « A-t-il conclu un accord avec la Russie ou la Chine, qui l’autoriserait à se passer du soutien des démocraties occidentales ? » À Rome, il n’a échappé à personne que la « commission de développement de l’énergie nucléaire », dont la création a été actée fin août par le président Ortega, a bénéficié du soutien de la Russie.

Les événements des derniers jours, ainsi que les propos du président Ortega, qui a qualifié le 28 septembre l’Église catholique de « dictature parfaite », ont fragilisé encore un peu plus les liens entre Rome et Managua. Le Vatican, qui envisageait d’envoyer au Nicaragua des membres de la commission Amérique latine, ainsi que son président, le cardinal canadien Marc Ouellet, a suspendu ce projet. Pas question d’encourir l’humiliation d’une entrée refusée à l’aéroport de Managua, juge-t-on prudemment à Rome. Où l’on se concentre désormais sur un autre objectif : l’ouverture de la possibilité pour les familles des prêtres emprisonnés de visiter leur proche. Cette autorisation, aux motifs strictement humanitaires, serait un « tout, tout, petit premier pas ».

Le pape, qui suit « personnellement, de très près » la situation, assure-t-on au Vatican, a préféré rester silencieux, en dehors de sa déclaration dans l’avion. « Une parole imprudente, un mot mal interprété pourrait avoir des conséquences dramatiques à l’intérieur du pays », estime-t-on à la Curie. Où l’on assure aussi que les évêques du pays ont demandé à Rome de limiter au maximum toute déclaration publique.

Mais ce silence laisse les chancelleries occidentales assez perplexes. « Je ne comprends pas vraiment la stratégie, affirme un diplomate en poste auprès du Saint-Siège. On a peur de nuire aux catholiques ? Mais ça ne peut pas être pire, et ils ne peuvent pas non plus assassiner l’évêque. Il faut que le Vatican dise quelque chose. »« La situation est compliquée, délicate, admettait il y a quelques jours une haute source vaticane. Mais on veut laisser la porte ouverte pour le dialogue. »

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43 % de catholiques

Selon une enquête menée en 2020 par l’institut de sondages M & R, 43 % des Nicaraguayens se disent catholiques, alors que 56 % appartiennent à une autre confession chrétienne. Parmi eux, 36 % sont évangéliques.

Le cardinal Leopoldo José Brenes Solórzano est archevêque de Managua, l’un des neuf diocèses du pays.

Les Missionnaires de la Charité ont été expulsées début juillet du Nicaragua. « Je m’attends au moins à ce que les sœurs de Mère Teresa puissent y retourner. Ces femmes sont de bonnes révolutionnaires, mais de l’Évangile ! », a affirmé le pape le 15 septembre.