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Bardot et Trintignant : les coulisses d’une passion incendiaire

Il est aussi ténébreux qu'elle est solaire. Deux caractères, deux styles, deux jeunes vedettes que rien ne devait rapprocher et qui vont pourtant vivre une histoire d'amour sensuelle et scandaleuse dans la France des années 1950… Dans une biographie intime et colorée consacrée à Jean-Louis Trintignant, le journaliste Laurent Del Bono revient ainsi avec délice sur les débuts improbables du comédien, timide et provincial, qui va se retrouver du jour au lendemain fiancé à la plus belle des femmes du monde, pour le meilleur et surtout pour le pire…

Tout avait très mal commencé entre eux. Bardot, 21 ans, est une jeune actrice mariée au réalisateur Roger Vadim, play-boy et noceur, qui entend faire de son épouse la nouvelle star de l'Hexagone. Il construit un scénario autour d'elle et son physique de rêve, le fameux Et Dieu créa la femme, l'histoire d'une jeune fille autour de laquelle tournent trois hommes, un millionnaire, un tombeur et un amoureux sincère, un rôle qui échoit à Jean-Loup Trintignant, lequel finit par épouser la jeune effrontée. Vadim a choisi Trintignant en connaissance de cause : « Il lui trouve un vague air de Marlon Brando, explique Laurent Del Bono, mais surtout, il est plutôt du genre timide, renfermé et coincé, donc inoffensif vis-à-vis de Bardot estime Vadim. » Qui se dit que jamais il ne lui piquera sa créature érotique. Comme il se trompe…

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« Une petite sotte »

Lors de leur première rencontre au Fouquet's, Bardot et Trintignant se jaugent sans s'apprécier. Le courant ne passe pas. Elle le trouve tarte, petit, moche et insignifiant, pas du tout son genre, et se demande comment les spectateurs vont croire à leur histoire sur grand écran. Même son de cloche de sa part : « Je me disais, c'est vraiment une petite sotte, alors que ce n'était pas du tout le cas. Mais moi, au début, je l'ai prise comme ça. Et elle devait me prendre pour un petit con… »

En mai 1956, tout ce petit monde se retrouve à Saint-Tropez, déjà apprécié des écrivains mais pas des milliardaires… Petit port varois encore authentique, aux murs décrépis, les rues désertes, les quais brûlés par le soleil. On tourne sur la plage sauvage de Pampelonne, sous la direction d'un Vadim qui pousse le duo à ne pas simuler leur passion. « À force d'être naturelle dans mes scènes d'amour avec Jean-Louis, je finis tout naturellement par l'aimer, écria plus tard Bardot dans ses Mémoires. J'éprouvais pour lui une passion dévorante… »

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Vadim assiste impuissant à la fin de son mariage quasiment sous l'œil de sa caméra et les cancans de l'équipe… Bardot est folle amoureuse, elle fait ses valises, les case dans le coffre de la voiture de Jean-Louis et savoure la vie de bohème, dormant là où on peut. « Jean-Louis me voulait seule, nue, naturelle, simple, sauvage, se souvient la star. Il m'apprenait les étoiles, la nuit, couché sur le sable chaud de la plage où nous dormions. Il m'apprenait la musique classique qui avait remplacé sur le pick-up de ma loge les musiques afro-cubaines. Il m'apprenait l'amour total, intense ! La dépendance d'une femme pour l'homme qu'elle aime… »

À la fin du tournage, ils rentrent à Paris dans la vieille Simca de l'acteur, encore sous l'emprise de leur passion qui fait scandale dans la France d'avant Mai 1968 – Trintignant est toujours marié à Stéphane Audran. Mais le succès du film vient tout bouleverser : Et Dieu créa la femme fait un tabac aux États-Unis, Bardot change soudain de statut et devient une vraie star, un sex-symbol international. Et ce au moment où Jean-Louis est appelé sous les drapeaux – il évite l'Algérie mais est envoyé dans un bataillon disciplinaire à Trêves, en Allemagne.

La star et le ver de terre

La presse s'en donne alors à cœur joie et humilie ce militaire qui a l'audace de tenir dans ses bras la plus belle fille du monde : « La star et le ver de terre », « La bombe sexuelle et son troufion », peut-on lire à la une des magazines. « C'est un massacre, explique son biographe Laurent Del Bono. Trintignant, qui n'aime déjà pas la lumière, se tiendra désormais toujours à distance des médias et de cette presse intrusive. Il n'a jamais voulu être au centre, et sa relation avec Bardot l'a mis d'office sous les projecteurs, c'est sans doute aussi pour cela que leur histoire ne dure pas. Mais elle l'a évidemment servi pour lancer sa carrière… »

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Pour Noël 1956, le bidasse Trintignant obtient une permission et rejoint BB dans un cabanon prêté par un copain sur les hauteurs de Cassis. Dix jours de rêve à vivre comme des gitans dans la garrigue, sans confort ni eau chaude, mais au milieu des pins, du soleil et du romarin, à faire griller de la viande et se promener en barque dans les fameuses calanques… Pour le Nouvel An, ils boivent le champagne devant la cheminée, avant d'aller s'embrasser sous la voûte étoilée. « Je n'ai plus jamais retrouvé une sérénité ni une douceur de vivre aussi vraies que pendant ce trop court séjour », écrira plus tard Bardot.

Mais la distance, les tournages et les pièges de la célébrité auront raison de leur histoire… Un an plus tard, à l'occasion d'une émission de fin d'année, le séduisant Gilbert Bécaud entre dans la vie de Bardot, qui ne résiste pas. Elle finit par se faire surprendre avec son amant chez elle, lorsque le soldat Trintignant rentre plus tôt que prévu. BB disparaît dans la salle de bains, le temps que les deux hommes s'expliquent. Bécaud, bien embarrassé, demande ce qu'il peut faire. « Tu me signes un chèque de 1 million de francs et on en reste là », répond Jean-Louis pour humilier son rival, lequel s'exécute rapidement, trop heureux de voir l'autre quitter les lieux.

Trintignant, déjà grand seigneur, n'encaissera jamais le chèque. Si le chagrin est bien là, il parvient à tourner la page et gardera toujours du respect pour la sauvageonne aux amours libres. Sa plus belle des victoires est d'avoir donné des remords à Bardot, qui dira plus tard qu'elle avait aimé Jean-Louis comme elle n'avait jamais aimé un homme. Et la simple odeur des pommes de pin l'a toujours ramenée vers son cabanon d'amour, sur les hauteurs de Cassis.

À lire : Jean-Louis Trintignant, une histoire de famille, de Laurent Del Bono, éditions Prisma.