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BeIN Sports au défi d’une Coupe du monde à la maison

C’est une forteresse farouchement gardée au cœur de Doha, où il faut montrer plusieurs fois patte blanche à des vigiles armés pour espérer entrer. Sur les écrans d’accueil, avant d’accéder à l’un des neuf studios de télévision et aux régies répartis sur une dizaine de kilomètres carrés, un slogan résume la vision qatarienne de la Coupe du monde de football : « One world, one home » (un monde, une maison). Bienvenue à BeIN Media Group, groupe qatarien de médias internationaux dirigé par le patron du PSG Nasser Al-Khelaïfi et maison mère de BeIN Series, BeIN Movie, BeIN Gourmet… et donc de BeIN Sports, où ce mondial de la démesure est vécu comme un véritable test.

« Notre fierté est en jeu »

« Nous avons de l’expérience, c’est la troisième Coupe du monde de football que nous couvrons depuis notre création. Mais pour celle-là, les attentes sont plus fortes, reconnaît Jassim al-Muftah, directeur de la communication de BeIN Group. Notre fierté de Qatariens est en jeu. »

Devenu en quelques années un épicentre de la retransmission télévisée sportive, BeIN émet dans une quarantaine de pays répartis sur les cinq continents, et dans sept langues différentes. Rien qu’en France, où il a été lancé en 2012, le bouquet payant détient l’exclusivité de 36 des 64 matchs du Mondial. Depuis le 20 novembre, une centaine de journalistes et techniciens français sur les 300 de BeIN France, ont d’ailleurs rejoint les studios qatariens pour retransmettre depuis Doha. « On sait que tout le monde ne peut pas venir au Qatar voir les matchs, alors la pression de l’audience est énorme », ajoute Jassim al-Muftah, en traversant l’un des studios de 800 mètres carrés, passé des couleurs de la Champions League à celles du Mondial en quelques jours.

Un mondial très politique

À Doha, l’empire BeIN jouxte l’autre joyau du soft power qatarien, Al-Jazira. Les deux groupes sont intimement liés : BeIN Médias est une émanation d’Al-Jazira Sports, créée en 2003, et rebaptisée quelques mois plus tard. Malgré ces liens organiques, Al-Jazira n’a guère plus de privilèges de retransmission qu’une chaîne classique. Business is business.

Contrairement à son aînée généraliste, souvent accusée d’être la voix du pouvoir qatarien à l’étranger, BeIN Sports se veut apolitique. Et si un joueur dénonce la question des droits de l’homme à l’antenne ? « On verra au cas par cas, répond Duncan Walkinshaw, directeur des programmes pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Mais je suis là depuis 12 ans et personne ne m’a jamais dit de ne pas montrer ça ou ça, assure cet ancien de Sky News. Nous couvrons le football et la façon dont le sport rassemble tout le monde. »

La peur du piratage

Outre le défi de l’image, après les multiples critiques essuyées par la Fifa et le Comité suprême d’organisation du mondial, la chaîne qui dit avoir plus de 55 millions d’abonnés dans le monde, redoute surtout le piratage et les cyberattaques pendant la compétition. Rien qu’en France, quelque 4 millions de personnes la regarderaient illégalement. « La plus grande menace de notre industrie, c’est le vol des données et le piratage, admet Duncan Walkinshaw. Nous sommes pionniers dans la lutte contre les attaques de ce type, le groupe a fait énormément d’investissements pour protéger le copyright. » La chaîne garde en mémoire le précédent gênant « beoutQ », du nom ironique du média pirate saoudien qui avait piraté et diffusé tous les programmes de BeIN en clair, entre août 2017 et août 2018, et donc pendant la Coupe du monde de football en Russie, en pleine crise du Golfe entre le Qatar et ses voisins.

Passé le stress de la compétition – « plutôt un surplus d’adrénaline », corrige Jassim al-Muftah – BeIN se projette dans l’après-Mondial. Le groupe lorgne sur de nouveaux droits à acquérir, lui qui est déjà le plus grand acheteur de la planète, avec un portefeuille évalué entre 10 à 15 milliards de dollars. Après les droits de diffusion des championnats de foot européens comme la Bundesliga allemande jusqu’en 2025, la Liga espagnole jusqu’en 2024, le groupe se positionne sur la retransmission des grandes compétitions internationales, notamment féminines. « Nous avons le plus gros portfolio des droits dans des ligues sportives féminines et nous continuons d’en acquérir », glisse Duncan Walkinshaw. L’enjeu de l’image n’est jamais loin pour un média qui espère « présenter le Qatar comme un modèle ».