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Bernard Thibault : « Les conditions sociales doivent devenir un critère d’attribution des évènements sportifs »

Alors que la Coupe du monde au Qatar aura soulevé indignations et questionnements sur le mode d’attribution et sur le non-respect d’un grand nombre de droits, le directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), Gilbert F. Houngbo, qui a rencontré le président de la Fédération internationale de football (Fifa) Gianni Infantino, s’est dit raisonnablement optimiste quant à la conclusion d’un accord pour la prise en compte des droits sociaux dans l’attribution des futurs Mondiaux de football. Bernard Thibault, élu administrateur du Bureau international du travail, nous donne son opinion.

La Fifa a-t-elle jamais pris en considération les droits sociaux dans ces critères d’attribution. Le tollé autour de cette Coupe du monde au Qatar est-il le signe d’un changement ?

Je pense qu’il y aura un avant et un après-Qatar. Je crois que la Fifa, qui ne s’est pas souciée jusqu’à présent – en tous les cas à ma connaissance – des conditions sociales dans lesquelles les Coupes du monde étaient organisées, doit dorénavant prendre ces critères en compte. Or, c’est le cheval de bataille de l’OIT de demander à ceux qui convoquent des milliards d’euros ou de dollars d’être soucieux du droit des travailleurs dans les pays organisateurs.

Quel a été le travail de l’OIT pour changer la donne ?

J’ai participé, en 2014, à la rédaction de la plainte de l’OIT à l’encontre du Qatar avec toute une série de réprimandes ; la kafala,­ qui lie le travailleur à son employé, la confiscation du passeport, ce qui s’assimile à du travail forcé, à une forme d’esclavage, mais aussi les conditions de travail en termes d’horaires, de cadence. Que dire encore des conditions liées aux températures, que dire des hébergements attribués aux travailleurs ? Que dire des rémunérations ? Au Qatar, par exemple, on ne paie pas les gens en fonction du travail effectué. On les paie en fonction de la nationalité, ce qui est une infraction au premier principe du droit international du travail. À travail égal, salaire égal !

Quelle a été la réponse du Qatar ?

Cela a contribué à exercer une pression sur le Qatar. Mais il a fallu attendre 2017 pour que ce pays annonce les premières mesures. Fin de la kafala, paiement plus régulier des salaires et non plus à géométrie variable. Mais l’on sait qu’il a encore du travail. Les lois existent mais ne sont pas toujours appliquées. Quoi qu’il en soit, la Coupe du monde approchant, les campagnes de sensibilisation s’accentuant, la Fifa s’est finalement tournée vers l’OIT pour lui demander renfort pour l’avenir.

Que va faire la Fifa d’après vous ?

La Fifa va être contrainte de revoir les paramètres à partir desquels elle attribuera à l’avenir ses compétitions. Ce que j’ai pu comprendre de la discussion entre le nouveau directeur général de l’OIT, Gilbert Houngbo, et Gianni Infantino me rappelle une conversation que j’avais eue avec notre nouveau directeur général en novembre. On a eu un échange sur la situation sociale au Qatar, mais aussi sur le travail effectué autour de la charte sociale pour les JO 2024 à Paris. Je lui ai suggéré que l’OIT se présente en tant qu’expert – car c’est un organisme lié à l’ONU – pour accompagner dorénavant les institutions sportives qui décident de la convocation d’événements mondiaux ; événements aux forts enjeux économiques, mais aussi avec un fort impact social. Mais je ne pense pas qu’au football. On peut aussi inclure les JO et toutes les autres manifestations sportives. Évidemment, l’idée n’est pas de réserver ces événements aux seuls pays riches, qui ne sont pas tous très en avance sur le respect des droits du travail. Si l’on prend les États-Unis, ils sont loin du compte en matière de droits fondamentaux. Par exemple, le droit d’association n’existe pas là-bas. L’idée est que même si le pays n’est pas très avancé socialement, ils mettent en action des mesures pour faire progresser les droits sociaux.