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Brésil : Lula, condamné pour corruption, ne devrait pas pouvoir se présenter à l’élection présidentielle ? C’est faux

C’est la dernière ligne droite au Brésil. Ce dimanche 2 octobre aura lieu le premier tour de l’élection présidentielle dans le plus grand, et le plus influent, pays d’Amérique du Sud. Depuis le début de la campagne, cette élection est polarisée entre le sortant et candidat d’extrême-droite, Jaïr Bolsonaro, et Lula, président de 2003 à 2010 et candidat de la gauche.

Si le second fait office de grandissime favori avec des sondages qui approchent les 50 % au premier tour, beaucoup d’internautes s’insurgent contre la possibilité pour l’ancien président de se présenter en raison de ses récents démêlés avec la justice.

« Lula est un corrompu, il devrait être en prison. Comment peut-il se présenter à la présidentielle ? » Les accusations de corruption à l’encontre de Luiz Inácio Lula da Silva (son nom complet) se multiplient sur les réseaux sociaux, elles sont pourtant infondées… Une histoire complexe sur laquelle 20 Minutes fait le point.

FAKE OFF

Oui, le 12 juillet 2017, Lula a été jugé et condamné à neuf ans de prison pour « corruption passive et blanchiment d’argent » dans la célèbre affaire dite du « Lava Jato ». Il avait été soupçonné d’avoir reçu des pots-de-vin dans l’attribution de certains marchés publics. En appel, l’ancien président, alors candidat du PT (Parti des travailleurs) à l’élection présidentielle fut de nouveau condamné en 2018, cette fois à douze ans de prison et incarcéré dans la foulée. Un jugement assorti d’une peine d’inéligibilité, qui l’empêchera de se présenter au scrutin remporté par Jaïr Bolsonaro en novembre de la même année.

L’ancien syndicaliste était alors jugé dans la célèbre affaire du « Lava Jato » (Lavage express en VF), considéré comme le plus grand scandale judiciaire de l’Histoire du Brésil. En 2014, la justice enquête sur une affaire de corruption et de blanchiment d’argent autour de la société pétrolière d’Etat brésilienne, Petrobras. Cette affaire, qui avait commencé par les écoutes d’un propriétaire de station-service (d’où le jeu de mots avec le blanchiment d’argent), est remontée jusqu’aux plus hautes strates du pays, entraînant l’arrestation de dizaines de chefs d’entreprise ainsi que la démission de plusieurs ministres et députés. Elle est allée jusqu’à provoquer la destitution, en 2016, de la présidente Dilma Rousseff, proche de Lula.

Une enquête complexe et brutale

Le zélé juge aux manettes de cette enquête, Sergio Moro, devenu un héros pour des millions de Brésiliens, avait promis de faire « le ménage » dans le pays. Soutenu financièrement et logistiquement par les Etats-Unis, Sergio Moro avait utilisé toutes les forces en sa possession pour faire arrêter un grand nombre de personnes. Ses méthodes souvent spectaculaires (arrestation de Lula en direct à la télévision, envoi à la plus grande chaîne de télévision d’une conversation téléphonique entre Lula et Dilma Rousseff diffusée en direct) et souvent illégales (écoutes sans autorisation, dissimulation de faits pour conserver la main sur le dossier), l’ont transformé petit à petit en figure d’Elliot Ness local pour une partie du Brésil, mais interrogeaient sur la sincérité de sa démarche.

Une sincérité effritée lorsqu’il accepta en 2019 de devenir le ministre de la Justice de Jaïr Bolsonaro, qu’il avait contribué à faire élire par ses multiples arrestations au sein des plus grands partis du pays.

Le juge avoue n’avoir aucune preuve tangible

La même année, l’affaire prit une tournure totalement différente. Le 1er juin, le journal d’investigation The Intercept Brasil, dévoile des enregistrements datés de 2017 dans lesquels Sergio Moro et plusieurs enquêteurs chargés de l’affaire complotent contre Lula. Leur intention est claire : l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2018. D’autres conversations privées, provenant de messageries telles que WhatsApp ou Telegram, apparaissent et montrent que le juge et son équipe ont échoué à trouver des preuves accablantes contre le candidat du PT, mais décident, malgré cela, de le charger dans l’affaire du Lava Jato.

Dans les 218 pages du rapport de sa décision de condamnation, épluchées après ces révélations, on apprend que Sergio Moro précise lui-même avoir condamné l’ancien président pour corruption passive et blanchiment d’argent « pour des faits indéterminés ». En clair, sans réelle preuve de sa participation. Il ajoute même dans une annexe qu’il n’a « jamais affirmé que les montants obtenus par l’entreprise OAS grâce aux contrats avec Petrobras ont été utilisés pour payer des avantages indus pour l’ancien président. »

En 2021, au regard de tous ces faits, la Cour Suprême du Brésil a déclaré le tribunal de Curitiba, dont Sergio Moro était le magistrat, « non compétent » pour le jugement de ces affaires et annulé les condamnations de Lula, lui rendant ainsi des droits politiques et le rendant éligible à un troisième mandat.