France
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Budget : Le « Quoi qu’il en coûte » joue les prolongations, en attendant le « combien ça coûte ?"

« Pour la vie économique, pour ce qui concerne la France, aucune entreprise, quelle que soit sa taille, ne sera livrée au risque de faillite. Aucune Française, aucun Français, ne sera laissé sans ressources […] L’Etat paiera. » Par ses mots, le président Emmanuel Macron a lancé, le 16 mars 2020, au moment d’annoncer le confinement, le début du « Quoi qu’il en coûte », sorte de planche à billets infinie de l’Etat pour aider la population.

Deux ans et demi plus tard, le confinement semble désormais bien loin. Mais le « Quoi qu’il en coûte », lui, est tenace. Presque trop collant pour le gouvernement, qui a enchaîné avec la guerre en Ukraine et la flambée des prix juste après le Covid-19. Là encore, le robinet a été ouvert : bouclier tarifaire, chèque énergie…. Pourtant, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, qui a maintes fois annoncé la fin du « Quoi qu’il en coûte », a remis un clou dans le cercueil lundi lors de la présentation du budget 2023: « La France est à l’euro près ».

Le « Quoi qu’il en coûte » fait de la résistance

Fini, donc, le robinet grand ouvert ? Pas si vite. Car entre les mots et les actes, il y a parfois un fossé. Et des chiffres : ce même budget prévoit 24 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour les ministères et la création de 10.764 emplois pour l’Etat et ses opérateurs, un chiffre jamais atteint depuis 2016. Le bouclier tarifaire, certes amoindri (le prix du gaz et de l’électricité pourront subir des hausses, mais pas plus de 15 %), est prolongé en 2023, pour un coût estimé à 47 milliards d’euros.

On a quand même vu plus strict comme serrage de ceinture, constate Stéphanie Villers, économiste et conseillère économique à PwC France : « Le déficit 2023 est le même que le déficit 2022, estimé à 5 %. On n’est donc pas dans une rigueur budgétaire, qui sous-entendrait des efforts pour revenir à moins de 3 % au moins. Il y a un maintien de la politique budgétaire expansionniste mené depuis le Covid-19 ».

Pas le meilleur moment pour une rupture

Au crédit du gouvernement, on peut admettre que la situation actuelle n’est pas banale : « La France connaît sa pire inflation depuis trente ans. L’économie française, a fortiori après la crise sanitaire, n’a probablement pas les reins pour supporter la hausse des prix et la pénurie d’énergie sans aides massives », admet la spécialiste.

Difficile donc d’opter pour un virage budgétaire, d’autant que tous les pays européens qui en ont les moyens optent également pour une largesse des financements publics. Reste que l’économie a ses règles et que l’argent ne peut être magique. C’est peut-être le sens des propos de Bruno Le Maire : « Certes, les dépenses publiques sont encore très hautes, mais le ministre veut juste faire comprendre que nous sommes au maximum, et qu’on ne peut pas pousser plus », estime Jacques Le Cacheux, professeur d’économie à l’université de Pau et spécialiste des finances publiques.

Bruno Le Maire tente ainsi d’éviter les critiques des mécontents, notamment l’association des maires, qui juge « calamiteux » le budget de l’Etat, selon le professeur : « Il signifie qu’il a déjà tiré le budget à son maximum. » Une façon également de rassurer les partenaires européens - notamment l’Allemagne, pas vraiment fan des dépenses publiques - et les marchés financiers, précise l’enseignant.

Des adieux en 2023

C’est aussi une manière de préparer les Français à la fin progressive de ce fameux « Quoi qu’il en coûte », condamné à mourir. Ce mécanisme a été porté par la Banque centrale européenne, qui a permis aux différentes Nations d’acter des plans de relance avec des taux d’emprunt à 0 %, voire négatifs, rappelle Stéphanie Villers. Mais le temps béni des prêts gratuits semble loin, puisque la banque centrale a rehaussé ses taux, justement, pour lutter contre l’inflation. La France doit désormais emprunter à 2,7 % sur dix ans. Or, l’économiste le rappelle, chaque hausse du taux d’intérêt de 1 % accroît la dette française de 40 milliards par an. Pas la même ambiance que du temps du Covid, donc.

En 2022, la combinaison « croissance + inflation » a permis de doper les recettes fiscales, note Jacques Le Cacheux, « permettant de lâcher du lest un peu partout niveau dépenses publiques. Or, en 2023, la France est plus ou moins promise à la récession, ce qui réduit grandement sa marge de manœuvre. »

Stéphanie Villers à la conclusion : « Chaque crise ne peut être résolue avec de l’argent public. L’Etat va devoir réduire ses dépenses, ce qu’il pourrait notamment faire en ciblant davantage les aides. La limite de 15 % sur la hausse des prix de l’énergie s’applique à tous les ménages, même les plus fortunés. C’est peut-être quelque chose à revoir ». On tient donc sans doute ce qu’a vraiment voulu dire Bruno Le Maire lundi : certes, le « Quoi qu’il en coûte » respire encore. Mais ses jours sont comptés.