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« C’est triste mais c’est ainsi » : en Russie, de nouvelles entreprises françaises décident de partir

Comme pour bien des chefs d’entreprise russes, la mobilisation militaire a soudainement bousculé les priorités de cet entrepreneur français à Moscou. Une dizaine de ses employés sont sur le départ vers le front après avoir reçu leur convocation militaire. Et au moins un manager a disparu, parti se cacher de peur d’être enrôlé.

« Les premiers, indispensables pour le quotidien de nos activités, seront difficilement remplaçables. Quant au manager, je préfère ne pas savoir où il est à partir du moment où il continue de travailler pour nous en visio à distance… », raconte cet homme d’affaires.

Pragmatique, il est habitué depuis sept mois « à faire non plus du développement mais de la gestion de crise ». Pour lui, comme pour les autres Français ayant décidé de rester à Moscou, il n’y a pas de doute : il faut « ne pas partir, ne pas couper les ponts, préparer l’après ».

TotalEnergies et Auchan ne comptent pas partir

Engie s’apprête pourtant à officialiser son départ. Le géant gazier va fermer son bureau de représentation qui, dans la capitale russe, permettait notamment de gérer les contrats avec Gazprom et d’entretenir les contacts avec les autorités. Deux missions plus que jamais remises en question avec l’arrêt des approvisionnements gaziers et l’impasse des relations politiques entre les deux pays. « Immense gâchis ! C’est triste mais c’est ainsi », se résigne l’un des architectes clés du rapprochement énergétique entre les deux pays.

Plusieurs grands noms parmi les investisseurs français ont déjà quitté la Russie au printemps. La Société générale a vendu sa filiale Rosbank à l’oligarque Vladimir Potanine. Renault a cédé ses actifs à l’État russe. Safran a dû stopper toutes ses activités car, dès le début du conflit, l’aéronautique a été la cible des sanctions occidentales contre Moscou.

Depuis, régulièrement, la rumeur annonce le départ d’Auchan, autre fer de lance de la présence française en Russie. La famille Mulliez, forte de résultats en hausse, a au contraire confirmé le maintien de sa chaîne d’hypermarchés alimentaires et celui des magasins Leroy Merlin. Comme toutes les chaînes de grande distribution, ceux-ci sont cependant touchés par l’enrôlement militaire. Environ 2 300 employés d’Auchan, par exemple, sont mobilisables.

TotalEnergies a annoncé l’amorce d’un repli avec, dans ses comptes, une provision de 3,5 milliards de dollars (autant en euros) liée principalement à l’impact potentiel des sanctions internationales. En particulier pour Arctic LNG 2, la grande usine de gaz naturel liquéfié lancée en Arctique avec son partenaire russe Novatek.

Mais, à la différence de ses concurrents Shell et BP, le groupe a décidé de se maintenir en Russie, qui représente 24 % de ses réserves prouvées et 5 % de son cash. En août, mis en cause par un article du Monde reprochant au groupe d’être impliqué dans la production de kérosène pour l’armée russe, il a annoncé la vente de sa participation de 49 % dans un champ de gaz.

Air Liquide, Saint-Gobain, Schneider Electric n’ont pas cessé leurs productions mais, comme TotalEnergies, ont stoppé tout nouvel investissement. Ils ont, totalement ou en partie, placé leur filiale en autonomie managériale.

« Un jour, nous tenterons de tout reconstruire sur le champs de ruines de nos relations »

Le sort des PME françaises est plus incertain. La plupart préfèrent garder le silence, naviguant à vue pour maintenir des activités souvent cruciales dans leurs comptes globaux. D’autres réfléchissent à « toutes les options possibles », selon l’expression d’un patron français.

Comme d’autres, il est persuadé de l’utilité de maintenir un lien malgré « toutes les couches de difficultés » : les problèmes d’approvisionnement et de transferts bancaires du fait des sanctions occidentales mais aussi des décisions de fournisseurs de boycotter la Russie ; les délais supplémentaires à cause du blocage de nombreuses voies de transport ; et désormais le départ d’employés répondant à la mobilisation militaire.

« Un jour, peut-être, nous nous réveillerons et tenterons de tout reconstruire sur le champ de ruines de nos relations… », espère l’un de ceux qui, ardent défenseur du business français en Russie mais ferme critique des politiques du Kremlin, vivent aujourd’hui plus que jamais tiraillés.